enregistré
le 10 octobre 2011 au Centre social de Montbrison
dans le cadre des activités du
groupe Patois Vivant
Les interlocuteurs sont Jean Chassagneux
(J-P C), patois de Saint-Jean-Soleymieux Jean
Ayel (J
A),
d'Aboën
et Robert Bergeron (R B)
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(4 min 9 s)
(J-P C) Et voilà, nous allons discuter. Commence Guste,
d'où viens-tu ?
(G C) De Fils qui est un petit ''village'' de Luriecq. Je me souviens
qu'on devait aller à l'école à six ans, à
six ans, et oui pas seize, six ans ! Et je portais, il n'y avait
pas de cantine, je portais la musette. Il n'y avait pas la route
qu'on a maintenant, elle n'a été faite qu'en 34,
on montait par un chemin, des sentiers presque.
(J-P C) Combien te fallait-il pour y monter là-haut ?
(G C) Une bonne demi-heure une bonne demi-heure.
(JP C) Ah oui bien sûr. Ta mère était de Gumières.
(G C) Elle était de Gumières et à neuf-dix
ans, j'allais passer mes vacances là-haut. On y montait
à pied, trois heures de temps pour aller chez ma grand-mère
et puis il y avait une tante et un oncle qui étaient mariés
et qui avaient deux garçons, ça me faisait deux
cousins et puis la grand-mère.
(J-P C) Et puis tu t'es marié avec la Maria.
(G C) Et puis la JAC.
(J-P C) La Maria Blanc, je m'en souviens de la Maria Blanc.
(G C) Eh bien ! bien sûr !
(J-P C) C'étaient les anciens, ça (de la JAC).
(G C) Eh oui, oui.
(J-P C) Vous aviez fait la JAC avec le curé, c'était
qui le curé : Giraudet ?
(G C) D'abord, on n'allait plus à l'école après
le certificat, on devait aller au certificat à l'âge
de onze ans et on changeait de maître d'école ; alors,
après j'étais tout seul et ça tombait bien,
ma mère devait aller se faire opérer à Lyon
pour un grave truc derrière l'oreille. Je revins à
la maison, je faisais le dîner, je ne trayais pas les vaches.
Mon frère qui avait cinq ans de plus que moi trayait, et
mon père aussi, mais je m'occupais du lait, j'écrémais
le lait, je le filtrais, je l'écrémais, j'en faisais
bouillir que nous mettions dans une biche, avec mon frère
on buvait ça tout le long du jour, et puis le reste qui
avait un jour de plus, j'en faisais un fromage et puis je le mettais
à la Tsazoeura ''chazère'' [caisse à
fromage] à sécher et je le retournais tous les
jours, après on le mettait dans
(J-P C) La faisselle ?
(G C) Non non, la faisselle c'était pour faire la forme
du fromage, on le mettait dans
(J-P C) Dans la maie ?
(G C) Dans la maie, c'était pour faire le pain, mes parents
faisaient le pain.
(J-P C) Ma grand-mère le faisait aussi.
(G C) Mon père le faisait, je m'en souviens bien. Et si
bien que dans le village on avait gardé un four, et en
42-43 qu'il y avait la carte du pain, on s'était mis à
quatre cinq et je me mis, comme j'avais vu faire le pain, je me
mis à faire le pain.
(J-P C) Tu en as fait des métiers toi.
(G C) Oh oui, j'ai tout fait à la main, tout le travail
de la terre, je l'ai tout fait à la main.
(J-P C) Eh oui, tout à la main.
(G C) Je crois bien que je suis allé moissonner chez tes
parents.
(J-P C) Mais je peux te dire quand c'était ... je regarderai,
c'est marqué, quand tu étais venu faire les moissons
(J-P C) Tu étais à Gumières à moissonner.
(G C) En 41 ou 42 (J-P C) Ah ! je ne sais pas, peut-être
43.
(G C) Peut-être 43, j'ai moissonné
(J-P C) Je regarderai sur mon livre, c'est marqué : Crépinge
tant [...]
(G C) Je ne me souviens plus
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(3 min 30 s)
(J
A) Mais tu devais prendre le temps de faire un tour vers la Maria
quand-même.
(G C) Ah bien, je n'en sais rien moi.
(J A) Tu n'en sais rien !
(G C) Ah si ! ce que je sais [...] ma femme. En 39, elle avait
rencontré ma sur, ma sur qui avait cinq ans
de moins que moi avec la petite-fille de Chalancon qui était
maire à ce moment et elles étaient en train de regarder
une photo de moi[moi, iioualors
qu'à Gumières on dirait me]
une photo de moi à côté de mon vélo
et la Maria se trouva de passer et elle dit à ma sur
: "Tu ne me la donnerais pas ta photo ?" Elle lui dit
: "Oh ! pourquoi pas ?" Et elle la mit sur sa table
de nuit, trois ans... trois ans de trop quoi, trois ans de plus
et puis après, à la JAC, à la JAC, nous nous
sommes rencontrés. Et puis on s'est mariés en 45.
(J-P C) En 45, vous vous êtes mariés.
(G C) Parce que, en 39, le 16 mars, j'ai passé le conseil
de révision à Saint-Jean[-Soleymieux],
oui, j'étais tout seul de la classe, j'y étais allé
en vélo. Je n'étais pas content du tout car ils
m'avaient ajourné, ils m'avaient ajourné. Et quand
la guerre se déclara, je dis à ma mère, ils
vont t'appeler. Toute la guerre se passa
(J-P C) Ils ne t'appelèrent pas.
(G C) Ils m'appelèrent le 20 mai 1940. Et huit jours après,
les Allemands étaient ici. Je n'ai jamais eu plus de nouvelles,
ni STO ni chantiers de jeunesse.
(J-P C) Mais les Allemands ne passèrent pas à Luriecq.
(G C) Oh, ils passaient bien, mais à Fils ils ne passèrent
pas.
(G C) Je ne me souviens pas de les avoir vus. Je me souviens que
je m'étais dit dans ma tête, parce que, à
la JAC on avait reçu des jeunes, Alsaciens, qui avaient
foutu le camp, on les avait reçus, l'après-midi,
on les avait reçus, nous allâmes même visiter
les momies à Saint-Bonnet. Et moi je me disais dans ma
tête, si jamais ils t'emmerdent [les
Allemands] tu
prends ton vélo tu essaies de foutre le camp en Espagne.
Mais jamais rien, et de toute façon mon père avait
fait toute la guerre de 14-18 et il se disait même miraculé
de Lourdes. Mais enfin bref, et quand la guerre se déclara,
mon frère, il avait cinq ans de plus, il fila le troisième
jour. Je voyais mon père qui pleurait.
(J-P C) Mais il ne fut pas prisonnier ton frère, non ?
(G C) Oh ! cinq ans.
(J-P C) Cinq ans, c'est ce que je pensais.
(G C) Ah oui oui ! A Dantzig.
(J-P C) Oui.
(R B) Joannès de l'Etrat, après Eh oui, puis
après il alla à l'Etrat [près
de Saint-Bonnet-le-Château].
(J-P C) Voilà. (G C) Alors les enfants étaient grands
à ce moment [années
1950 ?]
et il n'y en avait pas un qui voulait faire paysan, alors il acheta
cette ferme à l'Etrat et ils allèrent y habiter.
Et les autres, nous partageâmes le reste et ils me laissèrent
la maison. Voilà.
(J-P C) Eh ben ! c'est bien.
La
transcription en français a été réalisée
par Robert Bergeron
Rencontre
amicale
Dans la cuisine du centre social de Montbrison le 10 octobre 2011
De gauche à droite :
Guste Crépinge, Jean Chassagneux, Joseph Barou, Maurice
Damon, Jean Ayel et son épouse