Patois vivant



Auguste Crépinge
de Fils (Luriecq)
né en 1919

 

Souvenirs

Auguste Crépinge

patois de Luriecq)

enregistré le 10 octobre 2011 au Centre social de Montbrison
dans le cadre des activités
du groupe Patois Vivant

Les interlocuteurs sont Jean Chassagneux (J-P C), patois de Saint-Jean-Soleymieux
Jean Ayel (J A), d'Aboën et Robert Bergeron (R B)

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(4 min 9 s)


(J-P C) Et voilà, nous allons discuter. Commence Guste, d'où viens-tu ?

(G C) De Fils qui est un petit ''village'' de Luriecq. Je me souviens qu'on devait aller à l'école à six ans, à six ans, et oui pas seize, six ans ! Et je portais, il n'y avait pas de cantine, je portais la musette. Il n'y avait pas la route qu'on a maintenant, elle n'a été faite qu'en 34, on montait par un chemin, des sentiers presque.

(J-P C) Combien te fallait-il pour y monter là-haut ?

(G C) Une bonne demi-heure une bonne demi-heure.

(JP C) Ah oui bien sûr. Ta mère était de Gumières.

(G C) Elle était de Gumières et à neuf-dix ans, j'allais passer mes vacances là-haut. On y montait à pied, trois heures de temps pour aller chez ma grand-mère et puis il y avait une tante et un oncle qui étaient mariés et qui avaient deux garçons, ça me faisait deux cousins et puis la grand-mère.

(J-P C) Et puis tu t'es marié avec la Maria.

(G C) Et puis la JAC.

(J-P C) La Maria Blanc, je m'en souviens de la Maria Blanc.

(G C) Eh bien ! bien sûr !

(J-P C) C'étaient les anciens, ça (de la JAC).

(G C) Eh oui, oui.

(J-P C) Vous aviez fait la JAC avec le curé, c'était qui le curé : Giraudet ?

(G C) D'abord, on n'allait plus à l'école après le certificat, on devait aller au certificat à l'âge de onze ans et on changeait de maître d'école ; alors, après j'étais tout seul et ça tombait bien, ma mère devait aller se faire opérer à Lyon pour un grave truc derrière l'oreille. Je revins à la maison, je faisais le dîner, je ne trayais pas les vaches. Mon frère qui avait cinq ans de plus que moi trayait, et mon père aussi, mais je m'occupais du lait, j'écrémais le lait, je le filtrais, je l'écrémais, j'en faisais bouillir que nous mettions dans une biche, avec mon frère on buvait ça tout le long du jour, et puis le reste qui avait un jour de plus, j'en faisais un fromage et puis je le mettais à la Tsazoeura ''chazère''
[caisse à fromage] à sécher et je le retournais tous les jours, après on le mettait dans…

(J-P C) La faisselle ?

(G C) Non non, la faisselle c'était pour faire la forme du fromage, on le mettait dans…

(J-P C) Dans la maie ?

(G C) Dans la maie, c'était pour faire le pain, mes parents faisaient le pain.

(J-P C) Ma grand-mère le faisait aussi.

(G C) Mon père le faisait, je m'en souviens bien. Et si bien que dans le village on avait gardé un four, et en 42-43 qu'il y avait la carte du pain, on s'était mis à quatre cinq et je me mis, comme j'avais vu faire le pain, je me mis à faire le pain.

(J-P C) Tu en as fait des métiers toi.

(G C) Oh oui, j'ai tout fait à la main, tout le travail de la terre, je l'ai tout fait à la main.

(J-P C) Eh oui, tout à la main.

(G C) Je crois bien que je suis allé moissonner chez tes parents.

(J-P C) Mais je peux te dire quand c'était ... je regarderai, c'est marqué, quand tu étais venu faire les moissons…

(J-P C) Tu étais à Gumières à moissonner.

(G C) En 41 ou 42 (J-P C) Ah ! je ne sais pas, peut-être 43.

(G C) Peut-être 43, j'ai moissonné…

(J-P C) Je regarderai sur mon livre, c'est marqué : Crépinge tant [...]

(G C) Je ne me souviens plus…

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(3 min 30 s)

(J A) Mais tu devais prendre le temps de faire un tour vers la Maria quand-même.

(G C) Ah bien, je n'en sais rien moi.

(J A) Tu n'en sais rien !

(G C) Ah si ! ce que je sais [...] ma femme. En 39, elle avait rencontré ma sœur, ma sœur qui avait cinq ans de moins que moi avec la petite-fille de Chalancon qui était maire à ce moment et elles étaient en train de regarder une photo de moi
[moi, iiou alors qu'à Gumières on dirait me] une photo de moi à côté de mon vélo et la Maria se trouva de passer et elle dit à ma sœur : "Tu ne me la donnerais pas ta photo ?" Elle lui dit : "Oh ! pourquoi pas ?" Et elle la mit sur sa table de nuit, trois ans... trois ans de trop quoi, trois ans de plus et puis après, à la JAC, à la JAC, nous nous sommes rencontrés. Et puis on s'est mariés en 45.

(J-P C) En 45, vous vous êtes mariés.

(G C) Parce que, en 39, le 16 mars, j'ai passé le conseil de révision à Saint-Jean
[-Soleymieux], oui, j'étais tout seul de la classe, j'y étais allé en vélo. Je n'étais pas content du tout car ils m'avaient ajourné, ils m'avaient ajourné. Et quand la guerre se déclara, je dis à ma mère, ils vont t'appeler. Toute la guerre se passa…

(J-P C) Ils ne t'appelèrent pas.

(G C) Ils m'appelèrent le 20 mai 1940. Et huit jours après, les Allemands étaient ici. Je n'ai jamais eu plus de nouvelles, ni STO ni chantiers de jeunesse.

(J-P C) Mais les Allemands ne passèrent pas à Luriecq.

(G C) Oh, ils passaient bien, mais à Fils ils ne passèrent pas.

(G C) Je ne me souviens pas de les avoir vus. Je me souviens que je m'étais dit dans ma tête, parce que, à la JAC on avait reçu des jeunes, Alsaciens, qui avaient foutu le camp, on les avait reçus, l'après-midi, on les avait reçus, nous allâmes même visiter les momies à Saint-Bonnet. Et moi je me disais dans ma tête, si jamais ils t'emmerdent
[les Allemands] tu prends ton vélo tu essaies de foutre le camp en Espagne. Mais jamais rien, et de toute façon mon père avait fait toute la guerre de 14-18 et il se disait même miraculé de Lourdes. Mais enfin bref, et quand la guerre se déclara, mon frère, il avait cinq ans de plus, il fila le troisième jour. Je voyais mon père qui pleurait.

(J-P C) Mais il ne fut pas prisonnier ton frère, non ?

(G C) Oh ! cinq ans.

(J-P C) Cinq ans, c'est ce que je pensais.

(G C) Ah oui oui ! A Dantzig.

(J-P C) Oui.

(R B) Joannès de l'Etrat, après… Eh oui, puis après il alla à l'Etrat
[près de Saint-Bonnet-le-Château].

(J-P C) Voilà. (G C) Alors les enfants étaient grands à ce moment
[années 1950 ?] et il n'y en avait pas un qui voulait faire paysan, alors il acheta cette ferme à l'Etrat et ils allèrent y habiter. Et les autres, nous partageâmes le reste et ils me laissèrent la maison. Voilà.

(J-P C) Eh ben ! c'est bien.

La transcription en français a été réalisée par Robert Bergeron                           

Rencontre amicale



Dans la cuisine du centre social de Montbrison le 10 octobre 2011

De gauche à droite :
Guste Crépinge, Jean Chassagneux, Joseph Barou, Maurice Damon, Jean Ayel et son épouse

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