Marie
et Michel
au château de Vaugirard
Marie
et Michel vivent au château de Vaugirard, à Champdieu.
Mais ils sont plus souvent dans les communs que dans la salle
du Carrousel. Cela se passe, il y a 267 ans, au temps du roi
Louis XV, celui qu'on nomme encore le Bien-Aimé.
Marie est la
fille d'Antoine Saignes, un journalier
de la paroisse de Jas. Elle a été
engagée aux fêtes de Noël 1739 comme servante
au château. Michel Coret,
lui, est natif de Magneux-Haute-Rive.
Il est valet à Vaugirard
depuis Pâques 1740.
De
plus en plus ému d'amour
Voilà que les deux jeunes gens se
plaisent. Ils se promettent mariage dès que ce sera possible.
En attendant, ils font Pâques avant les Rameaux
Quelques mois passent. Marie Saignes
est enceinte. Mais Michel tombe
malade. Assez malade pour qu'il fasse, le 5
décembre 1740, une déclaration en forme
de testament devant le notaire Flachères
appelé à Vaugirard.
Michel déclare qu'il a de " l'amitié
" pour Marie Saignes, qu'il a
été fort assidu auprès d'elle, se sentant
de plus en plus ému d'amour . Il lui a toujours
verbalement promis de l'épouser en vrai et loyal mariage
et d'observer toutes les cérémonies en tel cas
requises. Et c'est dans ces vues que Marie Saignes s'est laissé
aller et lui a accordé ses faveurs... Mots
étonnants ! Très rares sont alors les actes où
figure le mot amour. Les choses sont donc bien claires. Michel
Coret ne fuit pas ses responsabilités comme cela arrive
souvent. D'ailleurs, par testament, il laisse tout ce qu'il
possède à sa promise. Et le notaire écrit
:
Au cas que ledit
Coret vienne à décéder de cette maladie...
il veut et entend que si tôt après son décès,
il soit délivré à ladite Marie Saignes
tant pour fournir aux frais de ses couches que pour aider à
la nourriture et entretien de l'enfant qu'elle porte
tout son avoir. Mais c'est un legs bien modeste.
Un pauvre héritage
Il s'agit, tout d'abord, d'une somme de
60 livres qui lui est due par un certain Antoine
Barnier habitant au bourg de Mornand.
Puis de seize boisseaux de pois, de la variété
Calabre, et encore de cinquante poignées de chanvre non
teillé conservées au château. Ce sont des
récoltes qu'il a faites lui-même sur un petit lopin
de terre concédé par le maître et qu'il
cultivait pour son compte en plus de son travail de valet.
Constatons la pauvreté de
Michel Coret qui n'a pour tout bien qu'une créance,
un peu de chanvre et quelques mesures de légumes secs.
Le seigneur du lieu, Pierre Girard de
Vaugirard, écuyer, est présent. Il signe
tout bonnement comme témoin ainsi que Pierre
Perrin, un maître pharmacien de Montbrison.
Onze jours plus tard, le 16
décembre, maître Flachères
revient au château. Pour obéir aux édits
royaux, la future mère doit faire une déclaration
de grossesse comme toute femme enceinte non mariée ou
veuve. Cette formalité imposée par
Henri II depuis 1556 a pour
but de lutter contre les infanticides et les abandons d'enfants.
Marie Saignes confirme point par
point les dires de Michel. Le notaire
note à nouveau que ledit Michel
Coret aurait été fort assidu auprès de
ladite comparante et l'aurait sollicité de lui accorder
ses dernières faveurs sous les promesses qu'il lui faisait
verbalement de l'épouser...
Michel Coret se
rétablit-il ? Put-il épouser, tout à fait
officiellement, Marie ? Que devint
la servante et son enfant ? Malheureusement nous ne savons rien
de plus que cette émouvante tranche de vie. C'était
il y a si longtemps
Joseph Barou
[La Gazette du
14 septembre 2007]