Le lieu est cité
dès le 13e siècle : " Curceu " en 1215,
première mention. Au fil du temps le hameau s'appelle "
Curseu, Curzeu, Curciacus, Curcieu " ou encore " Curcieux
" selon la carte de Cassini. Aujourd'hui on s'est fixé
sur Curtieux.
Curtieux n'était
pas un faubourg mais un vrai village de maisons paysannes au milieu
de champs, de bois, de vignes, bref le chef-lieu d'un petit terroir
à une demi-lieue du centre ville. Les maisons sont rustiques
et belles, et dans les ruelles, il y a rien moins que cinq croix
modestes et émouvantes. Au-delà du ruisseau Balbigneux,
c'est déjà, pour quelques maisons,
Champdieu. On accède à ce gros hameau par de
vieux chemins, la route de Pierre-à-Chaux,
le Chemin Rouge en traversant les
Royats, ou le chemin des Raines
en passant par Montaud.
C'était
Curtieux
En 1789, suivant
le registre de taille, le village compte 22 feux. Il y a un domaine
appartenant à la famille Buer
et 4 foyers de paysans un peu plus aisés, ceux d'Antoine
Perache, Pierre Chambon, Jean Damon et Jean
Rivel. Les autres habitants sont des vignerons et des journaliers
portant une douzaine de noms qui sont encore bien représentés
en Forez : Brunel, Chauve, Cognasse, Couturier,
Duchez, Durbise, Gorand, Laurent, Palmier, Spéry, Thinet,
Vial
En 1790, M. Claude-Joseph
Buer, conseiller du roi, fait ériger une chapelle.
Elle est bénite le 26 août 1790
par Jérôme Benoît,
curé de Sainte-Madeleine et
archiprêtre de Montbrison. Temps
mal choisi pour bâtir un édifice religieux ! Effectivement
elle sert peu de temps. Au début du 19e siècle, sur
l'ancien plan cadastral dit plan Napoléon,
elle figure déjà comme une ruine près du chemin
qui monte vers Chanteperdrix.
Cette campagne de Montbrison appartient alors
à la paroisse Sainte-Madeleine
tout comme les faubourgs de la Croix
et de la Madeleine. Au début
du 20e siècle, peu de choses
ont changé. Tous les habitants sont cultivateurs ou vignerons.
Il y a 20 familles : les Chalas, Chapot, Clépier,
Crozet, Faure, Fournier, Fauvin, Girard, Gorand, Goure, Mathevon,
Mignon, Noël, Saulnier, Solle, Varagnat
La seule
bâtisse un peu plus importante, la maison de campagne des
Buer, ne peut être qualifiée de château.
Le pic
et les gorges
A Curtieux, il y
a un haut lieu : le pic. Et au-dessous,
une curiosité géologique : les
gorges
Le pic ? Mérite-t-il son nom ? Modeste
éminence, aux courbes très adoucies, c'est la montagnette
de Montbrison, joliment revêtue d'un taillis de feuillus.
Pendant la dernière guerre, quand la sirène donnait
l'alerte, les écoliers de la ville - du moins ceux de Saint-Aubrin
- partaient dare-dare vers Curtieux
pour échapper à un éventuel bombardement. Le
bois de Curtieux devenait refuge.
Et les gorges ! Fameuses, presque mythiques.
La nature a produit un long ravin étroit et profond avec
des parois abruptes d'argile rouge. Ce fut le terrain d'aventures
des gamins de Montbrison dans les années
cinquante : Christian, Joël et les autres. Avant que
la végétation ne prenne le dessus, c'était
un site pittoresque mais difficile d'accès. Marguerite Fournier
en a parlé avec lyrisme :
" Merveille
! Voici qu'au milieu de la verdure sombre surgit une cité
de rêve ! Des minarets et des clochetons d'argile rose
Des dômes, des pics, des aiguilles
un village de glaise
de l'A.O.F. éclos au pays forézien, ou un palais des
Mille et Une Nuits
(1)"
Sans doute
, avec un peu d'imagination.
Hélas, aujourd'hui tout est parfaitement embroussaillé.
Les gorges aboutissent, beaucoup plus bas, à
un autre lieu bien connu : "la Gandouse",
la décharge publique selon le parler local. Pendant longtemps,
les " gandous " y
ont déposé des tombereaux puis des camions de détritus
de toutes sortes. Souvent une fumée âcre s'en dégageait.
Il y a le feu à la "gandouse"
! C'était assez habituel, et moins enchanteur que les gorges.
Aujourd'hui il n'y a plus de "gandouse".
Le vieux hameau entouré de tous côtés par des
lotissements devient un simple quartier de Montbrison. Certains
le regrettent un peu.
Joseph Barou