Le
trovè de lo vigne
De kö tïn lou poyesan de lo montagne oyon tou
in moussé de vigne, intre Monsë et Sin Rumo,
ôtour de Sin Dzôrdzu. In fozan ékin,
lou viji de din no èron intyé viji din ba
vé lé vigne.
Lo nôtro se truvève vé lé Pérëre,
in fache de Sin Dzôrzu. Deye faire o pe pré
no cortuna è dyemi. Ma ère o duze kilomètre
de vé tche nou. Kan t'oyan in tsovè ère
éjo ola lo trovoilla ô le choroban. Opré
milo no cin trento chin, y oye ma plu lé la o piè,
in prenan le car de Sin Dzouan, qu'olève vé
lo Vilo ou vé Sin Rumo, ch'ocourdève.
Tyun trovè klo vigne !... Tu le lon de lo sézu...
Le grô trovè se foje o lo piötche plato,
tsa kouo o lo piôcheuse ovec le tsovè.
De sézou que y'o, lé y'oyan dyu meno de foumouré.
In possan l'uvar le fouye combla. Ô prïntin olèvan
poua, c'éto dyere toya lo vigne. "taillo tô,
taillo tar, re ne vo lo taille de mar", dyejon le z'anchan.
Opré, lo fouye décrusa, lo piötsa, lo
ya, l'épointa djuk'ö më de juillè.
Y oye ôche lé molodyi : lo fluruso ou l'oïdium,
le mildiou ; olôr fouye pa étre in retar po
chupra, sulfota, tsa couo plujurë vë. Por ozar
ô më d'ö lo tutsèvan plu.Yoye ma
ola vëre ch'ékin mouérève bian,
che y ôrye no bouno vindëmo. Lé sézou
que lo vigne dzolève, ou que grélève,
y léssève pa grô ca.
Contorë lé vindëme notro vë, posse
que y o bian o dyere etye duchu. Vou vo explica ôro
coum ékin se possève oprè, kan lo tsardje
pleno ère rindyuo su lo tsopi, le së de lé
vindëme.
Porlin d'obôr dö soin que mon père pregne
po sou tunio è son vïn. Kan t'in tunè
ère vouëdu, le rïncève bian coumo
fo, tsa couo le roulève ovec no tsëno dedyïn
po dégrominta lou dépô. No vë le
tunè bian échu, ovec le boutsu è le
guillu infonso, le chuprève ovec no bogueto de chupru.
L'oyumève, l'infonsève dedyin in lo soran
ô de n'oran po lo bondo. Ekin tyuève ce que
y oye dyïn le tunè.
Fouye veya ôche o ce que lou tunio s'édroyëzon
pa. De taz'in tin lou fouye étyua coumo lo tsardje.
Kan le vin ère fran figne de faire dyïn lo tsardje,
le tyerèvan ô lo fontèno de cuivre,
dyïn lo mejuro de far que foje vïn yitre. Vouedèvan
lé mejure dyïn le tunè : n'oye de no
sampouoto, de no pièche, ou d'in dyemë mu, c'éto
dyere de san, dou sin ou quatre sin yitre. Vorsèvan
le vïn bian déyecatomin avec l'amboussö.
Kan le tunè ère ple, le topèvan ô
d'un mortê po bian léssa intra le vïn,
è bitèvan ma lo bondo le lindemouo.
No vë le vïn tyero, vouédèvan lo
tsardje dyin le benu, in lo pintsan. Vorsèvan klou
benou dyin lo beno po ola pressuéra. Ekin dyurève
in bon mouman. Le vïn que sourtye ère pa le
meyure : oye d'épë. N'in gorgnan kaje in tunè.
Le dzenu, ce que demourève de lo sora ère
vouëdo dyin lo beno, bian tosso è couvrye de
taro. Demourève kokou tin o l'obri, trovoillève,
è pé le menèvan o l'olambye po faire
lo gouto, le mar che vouyè. Eke n'ère règlominto,
ma nan s'orandsève tudzour o de kö mouman. Ere
moin sevére qu'onë. Odyujan sé ou set
yitre de gouto, tsa vë mê.
In possan l'in doré, mon père churveyève
sou tunio. tegne lo cavo frëtche djuko lo frë.
Opré lo prumëre dzola le vïn s'ère
pôzo, oye fai de dépô. Mon père
le soutyerève d'un tunè o l'otru, no modyena
de bon tin, po lo bije de preferanche. Le foudri tourna
soutyera ô prïntin po que se consorvèze.
Le vïn ère kok'ofaire de vivan, dyeje in vieu
dô poyi. Pa étunan que dunève tan de
trovè è de suche. Ma, ke vouyé ti,
ère nôtron vïn que beyan ; l'oyan cuye,
mémou ch'ère pa de bôjolè ou
de bordô, ère le nôtru. Mon père
n'ère bian fièru. Et oye bian résu.
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Le
travail de la vigne
En ce temps-là, les paysans de la montagne avaient
tous un morceau de vigne, entre Montsupt et Saint-Romain,
autour de Saint-Georges. Aussi, les voisins d'en haut étaient
encore voisins en bas, aux vignes.
La nôtre se trouvait aux Perrières, en face de
Saint-Georges. Elle devait mesurer à peu près
une métérée et demie. Mais elle se trouvait
à 12 kilomètres de chez nous. Quand nous avions
un cheval, c'était facile à aller la travailler
avec le char à banc. Après 1935 il n'y avait
plus qu'à y aller à pied, en prenant le car
de Saint-Jean qui allait à Montbrison ou à Saint-Romain,
s'il accordait.
Quel travail cette vigne !... Tout le long de l'année...
Le gros travail se faisait à la pioche, parfois à
la piocheuse avec le cheval.
Certaines années nous lui avions mené du fumier.
En passant l'hiver il fallait l'enterrer. Au printemps nous
allions tailler la vigne. "Taille tôt, taille tard,
rien ne vaut la taille de mars", disaient les anciens.
Ensuite, il fallait la décaisser, la piocher, la lier,
l'épointer, jusqu'au mois de juillet. Il y avait aussi
les maladies : la "fleureuse" ou oïdium, le
mildiou ; alors il ne fallait pas être en retard pour
soufrer, sulfater, parfois plusieurs fois. Cependant au mois
d'août, nous ne la touchions plus. Il n'y avait qu'à
aller voir si ça mûrissait bien, s'il y avait
une bonne vendange. Les années où la vigne gelait,
ou s'il grêlait, ça ne laissait pas grand chose.
Je vous raconterai les vendanges une autre fois, parce qu'il
y a beaucoup à dire la-dessus. Je vais vous expliquer
maintenant ce qui se passait après, lorsque la charge
pleine était rendue sous le hangar, le soir des vendanges.
Parlons d'abord du soin que mon père prenait pour ses
tonneaux et son vin. Quand un tonneau était vide, il
le rinçait bien comme il faut, parfois il le roulait
avec une chaîne à l'intérieur pour arracher
les dépôts. Une fois le tonneau bien sec, avec
le bouchon et le fausset enfoncés, il le soufrait avec
une baguette de soufre. Il l'allumait, l'enfonçait
dedans en le serrant avec un fil de fer par la bonde. Ca tuait
tout ce qu'il y avait dans le tonneau.
Il fallait veiller aussi à ce que les tonneaux ne se
défassent pas. De temps en temps, il fallait les humidifier
comme la charge.
Quand le vin était tout à fait fini de faire
dans la charge, nous le tirions avec la fontaine de cuivre,
dans la mesure en fer (1) qui
contenait 20 litres. Nous vidions les mesures dans le tonneau
: il y en avait d'une cempote, d'une pièce et demi-muid,
c'est-à-dire, de cent, deux cents et quatre cents litres.
Nous versions le vin bien délicatement avec l'entonnoir.
Quand le tonneau était plein nous le tapions avec un
marteau pour bien laisser entrer le vin, et nous ne mettions
la bonde que le lendemain.
Une fois le vin tiré, nous vidions la charge dans la
petite benne, le benon, (2) en
la penchant. Nous les versions dans la grande benne pour aller
presser.
Ca durait un bon moment. Le vin qui sortait n'était
pas le meilleur, il y avait de "l'épais".
Nous en garnissions presque un tonneau. Le "genne"
(marc), ce qui restait de la pressée, était
vidé dans la benne, bien tassé et recouvert
de terre. Il restait quelque temps à l'abri, il travaillait,
puis nous le menions à l'alambic pour faire la goutte,
le marc si vous voulez. C'était réglementé,
mais on s'arrangeait toujours à cette époque.
C'était moins sévère qu'aujourd'hui.
Nous ramenions 6 ou 7 litres de goutte, parfois davantage.
En passant l'automne, mon père surveillait ses tonneaux.
Il tenait la cave fraîche jusqu'au premier froid. Après
la première gelée, le vin s'était posé,
il avait fait un dépôt. Mon père le soutirait
d'un tonneau à l'autre, une matinée de beau
temps, par temps de bise, de préférence. Il
faudrait le soutirer de nouveau au printemps pour qu'il se
conserve.
Le vin était quelque chose de vivant, disait un vieux
du pays. Pas étonnant s'il donnait tant de travail
et de souci. Mais, que voulez-vous, c'était notre vin
que nous buvions. Nous l'avions récolté ; même
si ce n'était pas du beaujolais ou du bordeaux, c'était
le nôtre. Mon père en étant très
fier. Et il avait bien raison.
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