Patois vivant



Les saisons et les travaux


de
Jean Chassagneux

 

Lé trufe

lu par l'auteur

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(4 min 37 s)

Lé trufe

Tché nou ère le poyi de lé trufe, vegnon bian. Tu le mondu n'in cuye. Mon père oye l'obitudo de faire sé prumëré trufe dyin le dzordye, le centiémou dzour de lo sëzu, ôtour de lo semano sintye. Ere le z'obourive, lé rate qu'èron bian boune o lo pêlo. Fouye otindre plu tar po mè n'in planta. Fojan de bluye, bian boune ôche, de "fin de siècle", de "fleur de péché" po lou coyou.

Donc, plantèvan koké trufe dyin le dzordye po le mondu de lo mësu, ma fojan churtu lé trufe po lé tare, kokou tin opré. Djin le tin suyon lé faire o l'orère, porë, in comblan lo trufo dyin lo reye. Opré se fojon o lo tsoruo. Kan no ri ère fètye, nan z'orétève le bétya, vun foje lou portyu ô le pilö pointyu dyin le vorso, in'otru djetève lo trufe dyin le portyu è l'ocossève de taro ô le piè.

Kan lé trufe sourtyon, qu'èron grussete, lé fouye piôtsa ô lo piötche plato lé buta tan pouo. Che le tin ocourdève prefitèvon vitu è flurion bian. Y tutsèvan plu. Ma venè in mouman que lé fougué treta po lo molodye è po tyua lou dorifore.

O l'in doré kan lou trufié couminsèvon de fona, fouye sondza o le z'orantsa. Y oye dji de mochene o de kö mouman, oyan ma lo piötche o katre bè po kö trové. Ere fran pegneblu, churetu ch'ère dyu ou mouillo. Menèvan douë ri o lo vë, overèvan lou trufié, lou secouyan, è pé djetèvan d'un la lé trufe, è de l'otru la lou trufié. Tsa kouo pikèvan lo mouo dyin lo mère tuto purio. Ere pa bian ogreyable. Ta zin tin se fouye reprindre, se redrissa o coso dô crupignu que foje ma. Le devé së soye bou de s'oréta.

Lé trufe no vë orantzè échugnèvon chu lo ri. Che fouye sule le z'omossèvan in'uro ou douë opré ovec in ponié.

Kan t'ère ple le versèvan dyin no bouodje. Fojan de boudzè de chinkanto kilo guère mè. Tsa mouman vorsèvan ma le ponié dyin le tomborè qu'opétève. In le vouédan lo taro otsobève de tomba. Omossa lé trufe ère be pegneblu mè : lo sézu ère ovansa, lou dzour cour, ô pluyunève suvin ou y'oye de brouillar. Etye mè, nan demourève lé tsambe écortè, le tyu in l'ér, nan z'oye l'étcheno koke pouo dulinto.

Kan le tomborè ère ple ou k'oyan otsobo notron moursé, olèvan ya po immena lo recôrdo. Retyôlèvan le tomborè dovan le portyu de lo cavo, sourtyan le doré dö tsar è le botyolèvan po le portyu. Dô tin kokun ère vé lo cavo po figourna lo dessinto è otéra lé trufe ô boun'indrë.

Kan lo cova de trufe ère o l'obri èran bian contin. Oyan dyu incruso lé trufe koké vë : lé vorsèvan dyin in cré qu'ocossèvan bian ô de taro è de fôdzëre. Ma se consorvèvon plu z'ou moin bian.

Opré, y oye ma plu lou trufié o déborossa. Lou lessèvan échugna ce que fouye. E in dzour n'in fojan de pityi ta è lou foutyan le fuo. Ekin fumève, pore mondu ! lou revouyon d'oro è de fuma fojon plura le ju. Ekin fumève de tou lou la dyin lé tare dö quortié. Le mondu se dégonèvon ovan que l'uvar venëze è qu'odyuzëze lo frë.

E coumo kle z'uvar èron lon è dyu, fouye se méfia de pa léssa dzola lé trufe vé lo cavo. Boutsèvan lou fenétrou ô de foumouré è lé ficle su lé pôrte ô de bouodze. No trufo dzola voye re plu è gatève tute le z'otre. Ô prïntin fouye lè churveya è le z'écréssuna, tsa couo plujuré vë. ere pa tudzour éjo de lé consorva.

Les pommes de terre

Chez nous c'était le pays des pommes de terre, elles poussaient bien. Tout le monde en récoltait. Mon père avait l'habitude de planter ses premières pommes de terre dans le jardin, le centième jour de l'année, autour de la semaine sainte. C'étaient les précoces, les rates qui étaient bien bonnes à la poêle. Il fallait attendre plus tard pour en planter d'autres. Nous plantions des bleues, bien bonnes aussi, des "fin de siècle", des "fleurs de pêcher" pour les cochons.

Donc, nous plantions quelques pommes de terre dans le jardin pour les gens de la maison, mais nous les plantions surtout dans les terres quelque temps après. Jadis ils avaient l'habitude de les planter à l'araire, paraît-il, en recouvrant la pomme de terre dans le sillon. Plus tard elles se plantaient à la charrue. Quand un sillon était fait, on arrêtait les bêtes, l'un faisait les trous avec le pilon pointu, dans la terre renversée, un autre jetait la pomme de terre dans le trou et le recouvrait de terre avec le pied.

Quand les pommes de terre sortaient, que la tige était un peu grosse, il fallait les piocher à la pioche plate et les buter un peu. Si le temps était favorable elles poussaient vite et fleurissaient bien. Nous n'y touchions plus. Mais il est venu un moment où il a fallu les traiter pour la maladie et pour tuer les doryphores.

En automne quand les tiges commençaient à flétrir, il fallait penser à les arracher. Il n'y avait pas de machine à ce moment, nous n'avions que la pioche à quatre becs pour ce travail. C'était très pénible, surtout si c'était sec ou mouillé. Nous menions deux rangées à la fois, nous arrachions les fanes, nous les secouions, et nous jetions d'un côté les pommes de terre et de l'autre les fanes. Parfois nous piquions la main dans la "mère" toute pourrie. Ce n'était pas très agréable. De temps en temps il fallait "se reprendre", se redresser à cause du dos qui nous faisait mal. Le soir nous étions contents de nous arrêter.

Les pommes de terre, une fois arrachées, séchaient sur le sillon. S'il faisait soleil nous les ramassions une heure ou deux après, avec un panier.

Quand il était plein nous le versions dans un sac. Nous faisions des sacs de 50 kilos, guère plus. Parfois nous ne versions que le panier dans le tombereau qui attendait. En le vidant la terre achevait de tomber. Ramasser les pommes de terre était pénible aussi : la saison était avancée, les jours courts, il "pleuvinait" souvent ou il y avait du brouillard. Là aussi, nous restions les jambes écartées, le derrière en l'air, nous avions le dos quelque peu douloureux.

Quand le tombereau était plein ou que nous avions achevé notre morceau, nous allions atteler pour emmener la récolte. Nous reculions le tombereau devant le trou de la cave, nous enlevions la porte arrière du char et nous le basculions sur le trou. Pendant ce temps quelqu'un était à la cave pour remuer la descente et ranger les pommes de terre au bon endroit.

Quand la "cavée" des pommes de terre était à l'abri, nous étions bien contents. Il nous était arrivé parfois d'enterrer les pommes de terre. Nous les versions dans un silo que nous recouvrions bien de terre et de fougères. Mais elles se conservaient plus ou moins bien.

Ensuite, il ne restait plus que les fanes à débarrasser. Nous les laissions sécher le temps qu'il fallait. Et un jour nous faisions des petits tas et nous leur mettions le feu. Ca fumait, pauvres gens ! Les retours de vent et de fumée nous faisaient pleurer les yeux. Ca fumait de tous les côtés dans les terres du quartier. Les gens se dépêchaient avant que l'hiver ne vienne et qu'il n'amène le froid.

Et comme ces hivers étaient long et durs, il fallait se méfier de ne pas laisser geler les pommes de terre à la cave. Nous bouchions les vasistas avec du fumier et les interstices sous les portes avec des sacs. Une pomme de terre gelée ne valait plus rien et gâtait les autres. Au printemps, il fallait les surveiller et les dégermer, parfois à plusieurs reprises. Ce n'était pas toujours facile de les conserver.


Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Les saisons et les travaux,
Village de Forez, 2001, Centre social de Montbrison

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