Lé
méssou
Oyan o peno tsobo
lé fenérozou que lé méssou èron
étye. Tché nou fojan de blouo, c'éto
dyere de seglo, de cheva, d'érdzu, tsa couo de frumin.
Yo de sézou se fouye dégona : oyan de bla
que s'évouérèvon vitu. Oyan besoin
de prindre de monôre. Dyin le tin y oye le louoye
vé Sin Dzouan lou yu dé modye d'ovan dzour.
Mon père olève luya vun ou dou méssunié
po dou tré dzour. Ere de ga dô poyi, ou d'oyur,
que chudyon lé louoye dunpé lo plano djuko
lo montagne.
Kan t'oyon fai patche, orivèvon vé lo mësu,
louron voulan impoto su le bra. Beyon le cafë è
filèvon méssuna. Oyon botyu le voulan chu
l'inclun ou l'oyon oguzo chu lo mouolo, pourtevon le couve
ô lo pèroguje ovec no ficelo ô doré,
coumo po seya.
Tsaque
méssunié menève so tëre, de dou
mètre de lar o pe pré. Meyon o lo roqueto.
C'éto dyere coupèvon no gropa de blouo, lo
tegnon de lo mouo gotche, et poussèvon ovec yelo
è le piè gotsu lo paille que tombève
o tsaque couo de voulan. Se fouye méfia de pa se
foutre lo pouintye dô voulan chu le piè. Kan
le méssunié orivève ô bou de
lo lordzou de so tëre, ocrutsève bian so paille
ô le voulan, lo tossève o taro, è l'étindye
doré se. Ekin foje lo mëto de no dzarbo. E pè
tournève kar, inche de chuëtye.
Fo pa échebla de dyere que chu lé uit növ'oure
olèvon mindza lo supo, ovec no par de lar, de frumadzu
è in conu. O in n'uro dô vépru vegnon
dyina : no solado verto, de trufe o lo pêlo, in moursè
de tèto de coyu tsodo, no gourdza de frumadzu, de
vïn è in cafë. Pregnon le tin de mindza
in se coutordzan. Ma yoye de mëzou, kan le gonè
oye soro son coutè, fouye fila. Tsa vë ke foje
trouo tso, fojon no pityito prognëre de vïn megnute
su in n'abru, è tournèron o louron pri fai.
Chu lé chink'oure olèvon goutoruna vé
lo mësu, ou be nan le z'odyuje lo par chu plache, ch'èron
loin : tsa couo no bouno péla de foreno ovec in yitre.
Le devésë o lo fye de lo dzourna olèvon
supa : no bouno supo, n'ômeleto, è de frumadzu.
Pé olèvon, se dzëre, ou dyin in lë,
ou dyin no crëpye vé l'étrablu.
Tournin vé lo taro vëre ce que s'é posso.
Kan le méssunié oye meyu douë brossè
de blouo, lé bitève insin : foje no dzarbo.
Le sule qu'ère ordin le z'échugnève.
In possan le vépru virèvon lé dzarbe,
è le devessë yèvon louro dzovèlo.
Yèvon o lo coumando. Pregnon no dzinto gropa de paille,
otérèvon bian le épië insin, tegnon
lo paille intre le pouce è l'index, doré le
z'épië, possevon su lo dzarbo ô lo mouo
drëtye. Oropèvon le z'épië de lo
gotche, sorevon lo paille in tyeran le yan de tsake mouo,
ovec in bon couo de dzognu chu lo dzarbo. De lo mouo drëtye
fojon le tour de le z'épië dô yan, robotyon
le yan d'un couo è le sorèvon su no gropa
tyera de lo dzarbo. E ékin tegnie.Yoye ma plu orantsa
le z'épië que dépossèvon è
pôsa lo dzarbo. Kan t'oyon tsobo de ya fouye ôbéruna,
faire le z'ôbérou, ou lou dzobérou,
che vouye ! Bitèvon së ou set dzarbe drëte,
le z'épië in l'èr, lou tyu écorto
po que tenèzon d'oplon. Koum'ékin échugnorion
vitu.
Lo lindemouo fouye cutsa lo recôrdo. Mon père
olève ya et adyuje lo leille. Lou petyi courion po
se faire tréna dechu. Possèvan lo leille intre
le z'ôbérou é tsordsévan les
dzarbe dechu. Le betya trénève le tsardzomin
vou vouyan faire le cutsu. Po deleya defojan lé bare
de doré lo leille. Dou vegnon dovan ô lé
bare po retegni lé dzarbe, ovancèvon le bétya
è le tsardzomin demourève chu plache. E pé
tournèvan kar. Kan n'oye pru, mon père olève
deya le betya è foje le cutsu.
Couminsève po intrecrouéza koké dzarbe,
le z'épië in l'er, lé sorève,
è coumincève son cutsu in viran le tyu de
lo dzarbo defô, le z'épië dedyin in vé
l'o. Kokun boyève lé dzarbe. Le cutsère
oye de trovè : batyi bian rion, bombo de préféranche.
Oye in dzognu chu lé dzarbe, l'otro tsambo étindyuo.
O lo fye fouye l'épointa, ya lé dzarbe insin
dyin lou doré tour, bian ototsa lo pointye è
lo couvri de fôdzëre o coso de lé poule.
Le cutsu demourorie quatre ou chin semane avan d'étre
rintro.
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Les
moissons
Nous avons à peine
fini les fenaisons que les moissons étaient là.
Chez nous, on cultivait du blé, c'est-à-dire
du seigle, de l'avoine, de l'orge, parfois du froment. Certaines
années il fallait se dépêcher : nous avions
des blés qui se répandaient vite. Nous avions
besoin de prendre de la main d'oeuvre. autrefois il y avait
la loue à Saint-Jean les lundis matin avant jour. Mon
père allait louer un ou deux moissonneurs pour deux
trois jours. C'étaient des gars du pays ou d'ailleurs
qui suivaient les loues de la plaine à la montagne.
Quand ils s'étaient mis d'accord sur le prix, ils arrivaient
à la maison, leur grande faucille enveloppée
sous le bras. Ils buvaient le café et partaient moissonner.
Ils avaient battu le "volant" (faucille) sur l'enclume,
ou l'avaient aiguisé sur la meule, ils portaient le
coffin et la pierre à aiguiser avec une ficelle au
derrière, comme pour faucher.
Chaque
moissonneur menait sa rangée, de 2 ou 3 mètres
de large environ. ils moissonnaient "à la raquette".
C'est-à-dire : ils coupaient une poignée de
blé, la tenaient de la main gauche, et poussaient avec
elle et le pied gauche la paille qui tombait à chaque
coup de volant. Il fallait se méfier de ne pas s'envoyer
la pointe du volant sur le pied. Il fallait se méfier
de ne pas s'envoyer la pointe du volant sur pied. Quand le
moissonneur arrivait au bout de la largeur de sa rangée,
il accrochait bien sa paille avec le volant, la tassait à
terre, et l'étendait derrière lui. Ca faisait
la moitié d'une gerbe. Et puis il allait recommencer,
ainsi de suite.
Il ne faut pas oublier de dire que sur les huit ou neuf heures
ils allaient manger la soupe avec une portion de lard, du
fromage et un canon [un verre de vin]. A une heure de l'après-midi
ils venaient dîner : une salade verte, des pommes de
terre à la poêle, un morceau de tête de
cochon chaude, une bouché de fromage, du vin et un
café. Ils prenaient le temps de manger en bavardant
; mais dans certaines maisons, quand le patron avait fermé
son couteau, il fallait partir. Parfois, s'il faisait très
chaud, ils faisaient une petite sieste de 20 minutes sous
un arbre et ils repartaient à leur "prix fait".
Sur les cinq heures ils allaient goûter à la
maison, ou bien on leur apportait la portion sur place, si
c'était loin. Parfois une bonne poêlée
de farine avec un litre. Le soir à la fin de la journée
ils allaient souper : une bonne soupe, une omelette et du
fromage. Puis ils allaient se coucher, dans un lit ou dans
une crèche à l'étable.
Revenons à la terre voir ce qui s'est passé.
Quand le moissonneur avait coupé deux brassées
de blé, il les mettait ensemble, ça faisait
une gerbe. Le soleil qui était ardent les séchait.
Dans l'après-midi on tournait les gerbes et le soir
on liait la javelle.
Ils liaient "à la commande". Ils prenaient
une jolie poignée de paille, rangeaient bien les épis
ensemble, ils tenaient la paille entre le pouce et l'index
derrière les épis et passaient sous la gerbe
avec la main droite. Ils attrapaient les épis de la
main gauche, serraient la paille en tirant sur le lien de
chaque main, avec un bon coup de genou sur la gerbe. De la
main droite ils faisaient le tour des épis du lien,
rabattaient le lien d'un coup et le serraient sous une poignée
tirée de la gerbe. Et ça tenait. Il ne restait
qu'à arracher les épis qui dépassaient
et poser la gerbe. Quand ils avaient fini de lier, il fallait
faire les petits tas, les "gerbérons" si
vous voulez. Ils mettaient six ou sept gerbes droites, les
épis en l'air, les talons écartés pour
qu'elles tiennent d'aplomb. Comme ça elles sècheraient
vite.
Le lendemain il fallait mettre la récolte en plongeon
(cuchon). Mon père allait lier les vaches et amenait
la "leille" (le traîneau à gerbes).
Les enfants couraient pour s'y faire traîner dessus.
On passait la "leille" entre les petits tas, et
on chargeait les gerbes dessus. Le bétail traînait
le chargement où on voulait faire le plongeon. Pour
délester, nous défaisions les barres qui étaient
derrière le traîneau. Deux venaient devant avec
les barres retenir les gerbes. On avançait les bêtes
et le chargement restait sur place. Et on retournait chercher...
Quand il y en avait assez, mon père allait délier
le bétail et faisait le plongeon.
Il commençait par entrecroiser quelques gerbes, les
épis en l'air, il les serrait et commençait
son plongeon en tournant le talon des gerbes à l'extérieur,
les épis à l'intérieur, tournées
vers le haut. Quelqu'un donnait les gerbes. celui qui faisait
le plongeon avait du travail : bâtir bien rond, bombé
de préférence.
Il avait un genou sur les gerbes, l'autre jambe étendue.
A la fin il fallait faire la pointe, lier les gerbes ensemble
dans les derniers tours, bien attacher la pointe et la couvrir
de fougères à cause des poules. Le plongeon
demeurait quatre à cinq semaines avant d'être
rentré.
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