Patois vivant



Les saisons et les travaux


de
Jean Chassagneux

 

Lé méssou

lu par l'auteur

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(5 min 54 s)

Lé méssou

Oyan o peno tsobo lé fenérozou que lé méssou èron étye. Tché nou fojan de blouo, c'éto dyere de seglo, de cheva, d'érdzu, tsa couo de frumin. Yo de sézou se fouye dégona : oyan de bla que s'évouérèvon vitu. Oyan besoin de prindre de monôre. Dyin le tin y oye le louoye vé Sin Dzouan lou yu dé modye d'ovan dzour. Mon père olève luya vun ou dou méssunié po dou tré dzour. Ere de ga dô poyi, ou d'oyur, que chudyon lé louoye dunpé lo plano djuko lo montagne.

Kan t'oyon fai patche, orivèvon vé lo mësu, louron voulan impoto su le bra. Beyon le cafë è filèvon méssuna. Oyon botyu le voulan chu l'inclun ou l'oyon oguzo chu lo mouolo, pourtevon le couve ô lo pèroguje ovec no ficelo ô doré, coumo po seya.

Tsaque méssunié menève so tëre, de dou mètre de lar o pe pré. Meyon o lo roqueto. C'éto dyere coupèvon no gropa de blouo, lo tegnon de lo mouo gotche, et poussèvon ovec yelo è le piè gotsu lo paille que tombève o tsaque couo de voulan. Se fouye méfia de pa se foutre lo pouintye dô voulan chu le piè. Kan le méssunié orivève ô bou de lo lordzou de so tëre, ocrutsève bian so paille ô le voulan, lo tossève o taro, è l'étindye doré se. Ekin foje lo mëto de no dzarbo. E pè tournève kar, inche de chuëtye.

Fo pa échebla de dyere que chu lé uit növ'oure olèvon mindza lo supo, ovec no par de lar, de frumadzu è in conu. O in n'uro dô vépru vegnon dyina : no solado verto, de trufe o lo pêlo, in moursè de tèto de coyu tsodo, no gourdza de frumadzu, de vïn è in cafë. Pregnon le tin de mindza in se coutordzan. Ma yoye de mëzou, kan le gonè oye soro son coutè, fouye fila. Tsa vë ke foje trouo tso, fojon no pityito prognëre de vïn megnute su in n'abru, è tournèron o louron pri fai.

Chu lé chink'oure olèvon goutoruna vé lo mësu, ou be nan le z'odyuje lo par chu plache, ch'èron loin : tsa couo no bouno péla de foreno ovec in yitre. Le devésë o lo fye de lo dzourna olèvon supa : no bouno supo, n'ômeleto, è de frumadzu. Pé olèvon, se dzëre, ou dyin in lë, ou dyin no crëpye vé l'étrablu.

Tournin vé lo taro vëre ce que s'é posso. Kan le méssunié oye meyu douë brossè de blouo, lé bitève insin : foje no dzarbo. Le sule qu'ère ordin le z'échugnève. In possan le vépru virèvon lé dzarbe, è le devessë yèvon louro dzovèlo.

Yèvon o lo coumando. Pregnon no dzinto gropa de paille, otérèvon bian le épië insin, tegnon lo paille intre le pouce è l'index, doré le z'épië, possevon su lo dzarbo ô lo mouo drëtye. Oropèvon le z'épië de lo gotche, sorevon lo paille in tyeran le yan de tsake mouo, ovec in bon couo de dzognu chu lo dzarbo. De lo mouo drëtye fojon le tour de le z'épië dô yan, robotyon le yan d'un couo è le sorèvon su no gropa tyera de lo dzarbo. E ékin tegnie.Yoye ma plu orantsa le z'épië que dépossèvon è pôsa lo dzarbo. Kan t'oyon tsobo de ya fouye ôbéruna, faire le z'ôbérou, ou lou dzobérou, che vouye ! Bitèvon së ou set dzarbe drëte, le z'épië in l'èr, lou tyu écorto po que tenèzon d'oplon. Koum'ékin échugnorion vitu.

Lo lindemouo fouye cutsa lo recôrdo. Mon père olève ya et adyuje lo leille. Lou petyi courion po se faire tréna dechu. Possèvan lo leille intre le z'ôbérou é tsordsévan les dzarbe dechu. Le betya trénève le tsardzomin vou vouyan faire le cutsu. Po deleya defojan lé bare de doré lo leille. Dou vegnon dovan ô lé bare po retegni lé dzarbe, ovancèvon le bétya è le tsardzomin demourève chu plache. E pé tournèvan kar. Kan n'oye pru, mon père olève deya le betya è foje le cutsu.

Couminsève po intrecrouéza koké dzarbe, le z'épië in l'er, lé sorève, è coumincève son cutsu in viran le tyu de lo dzarbo defô, le z'épië dedyin in vé l'o. Kokun boyève lé dzarbe. Le cutsère oye de trovè : batyi bian rion, bombo de préféranche.

Oye in dzognu chu lé dzarbe, l'otro tsambo étindyuo. O lo fye fouye l'épointa, ya lé dzarbe insin dyin lou doré tour, bian ototsa lo pointye è lo couvri de fôdzëre o coso de lé poule. Le cutsu demourorie quatre ou chin semane avan d'étre rintro.

Les moissons

Nous avons à peine fini les fenaisons que les moissons étaient là. Chez nous, on cultivait du blé, c'est-à-dire du seigle, de l'avoine, de l'orge, parfois du froment. Certaines années il fallait se dépêcher : nous avions des blés qui se répandaient vite. Nous avions besoin de prendre de la main d'oeuvre. autrefois il y avait la loue à Saint-Jean les lundis matin avant jour. Mon père allait louer un ou deux moissonneurs pour deux trois jours. C'étaient des gars du pays ou d'ailleurs qui suivaient les loues de la plaine à la montagne.

Quand ils s'étaient mis d'accord sur le prix, ils arrivaient à la maison, leur grande faucille enveloppée sous le bras. Ils buvaient le café et partaient moissonner. Ils avaient battu le "volant" (faucille) sur l'enclume, ou l'avaient aiguisé sur la meule, ils portaient le coffin et la pierre à aiguiser avec une ficelle au derrière, comme pour faucher.

Chaque moissonneur menait sa rangée, de 2 ou 3 mètres de large environ. ils moissonnaient "à la raquette". C'est-à-dire : ils coupaient une poignée de blé, la tenaient de la main gauche, et poussaient avec elle et le pied gauche la paille qui tombait à chaque coup de volant. Il fallait se méfier de ne pas s'envoyer la pointe du volant sur le pied. Il fallait se méfier de ne pas s'envoyer la pointe du volant sur pied. Quand le moissonneur arrivait au bout de la largeur de sa rangée, il accrochait bien sa paille avec le volant, la tassait à terre, et l'étendait derrière lui. Ca faisait la moitié d'une gerbe. Et puis il allait recommencer, ainsi de suite.

Il ne faut pas oublier de dire que sur les huit ou neuf heures ils allaient manger la soupe avec une portion de lard, du fromage et un canon [un verre de vin]. A une heure de l'après-midi ils venaient dîner : une salade verte, des pommes de terre à la poêle, un morceau de tête de cochon chaude, une bouché de fromage, du vin et un café. Ils prenaient le temps de manger en bavardant ; mais dans certaines maisons, quand le patron avait fermé son couteau, il fallait partir. Parfois, s'il faisait très chaud, ils faisaient une petite sieste de 20 minutes sous un arbre et ils repartaient à leur "prix fait".

Sur les cinq heures ils allaient goûter à la maison, ou bien on leur apportait la portion sur place, si c'était loin. Parfois une bonne poêlée de farine avec un litre. Le soir à la fin de la journée ils allaient souper : une bonne soupe, une omelette et du fromage. Puis ils allaient se coucher, dans un lit ou dans une crèche à l'étable.

Revenons à la terre voir ce qui s'est passé. Quand le moissonneur avait coupé deux brassées de blé, il les mettait ensemble, ça faisait une gerbe. Le soleil qui était ardent les séchait. Dans l'après-midi on tournait les gerbes et le soir on liait la javelle.

Ils liaient "à la commande". Ils prenaient une jolie poignée de paille, rangeaient bien les épis ensemble, ils tenaient la paille entre le pouce et l'index derrière les épis et passaient sous la gerbe avec la main droite. Ils attrapaient les épis de la main gauche, serraient la paille en tirant sur le lien de chaque main, avec un bon coup de genou sur la gerbe. De la main droite ils faisaient le tour des épis du lien, rabattaient le lien d'un coup et le serraient sous une poignée tirée de la gerbe. Et ça tenait. Il ne restait qu'à arracher les épis qui dépassaient et poser la gerbe. Quand ils avaient fini de lier, il fallait faire les petits tas, les "gerbérons" si vous voulez. Ils mettaient six ou sept gerbes droites, les épis en l'air, les talons écartés pour qu'elles tiennent d'aplomb. Comme ça elles sècheraient vite.

Le lendemain il fallait mettre la récolte en plongeon (cuchon). Mon père allait lier les vaches et amenait la "leille" (le traîneau à gerbes). Les enfants couraient pour s'y faire traîner dessus. On passait la "leille" entre les petits tas, et on chargeait les gerbes dessus. Le bétail traînait le chargement où on voulait faire le plongeon. Pour délester, nous défaisions les barres qui étaient derrière le traîneau. Deux venaient devant avec les barres retenir les gerbes. On avançait les bêtes et le chargement restait sur place. Et on retournait chercher... Quand il y en avait assez, mon père allait délier le bétail et faisait le plongeon.

Il commençait par entrecroiser quelques gerbes, les épis en l'air, il les serrait et commençait son plongeon en tournant le talon des gerbes à l'extérieur, les épis à l'intérieur, tournées vers le haut. Quelqu'un donnait les gerbes. celui qui faisait le plongeon avait du travail : bâtir bien rond, bombé de préférence.

Il avait un genou sur les gerbes, l'autre jambe étendue. A la fin il fallait faire la pointe, lier les gerbes ensemble dans les derniers tours, bien attacher la pointe et la couvrir de fougères à cause des poules. Le plongeon demeurait quatre à cinq semaines avant d'être rentré.

 


Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Les saisons et les travaux,
Village de Forez, 2001, Centre social de Montbrison

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