Patois vivant



Les saisons et les travaux


de
Jean Chassagneux

 

Lé fenérozou

lu par l'auteur

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(5 min 13 s)

Lé fenérozou

Kan lo Sin Dzouan orivève sondzèvan o fenéra. Che le tin ocourdève n'oyan po quatre semane. Tsa couo lé fouille léssa, che lé messou pressèvon.

Olèvan kar lou ratio, lé fourtse, lé daille, le dê , che vouyé ; se compose dô fôché in boué ovec sé doué monete, virè in arè de préferanche. Le bou dô fôché è toillo po tegni le tolu de la lamo, ovec no môrlo è in coin de boué ! Ma ovan de fixa lo lamo, fo couminsa po lo batre chu le pitye t'inclun, ovec le mortè, o tyu pla chu no bouodge. Kö trovè è pa bian éjo : fouille bian vëre clar è étre odrë. Me, èro pa de lou mi odrë po ékin.

Ôro vetyo lou seyère portye, louro daille chu l'épalo, avec lo pèraguje dyin le couve ô no ficelo ô doré. Tsake seyère menève se n'andïn. Tsa mouman s'arétève po ogusa lo daille in l'opuran chu le dzognu. Ô dunève de pityi couo de përo in remontan le lon de lo lame, in se méfian de pa se coupa in de. Che l'arbo olève bian, pa trouo échutye, pa trouo vorsa, che le torin ère pa trouo tourminto ou o lo pindouole, lo veya olève. Fouille faire otinchon o lou dorbougné, o lé përe, o lou bia... Kö trovè ère intyé pegnublu, foje transpira. De ta z'intin olèvan biöre no goula ou douë de vin d'ègo è de cafë qu'ékondyan dö sule in bitan lo tchupino dyin in bia su no gropa d'arbo. Kö mélandzu désiève bian.

No vë le prouo seyo, mankève ma de dézandogna o lo fourtche. Lé fene è lou petyi zö fojon. Kan le sule oye tsôfo olèvon vira le fe, ô d'un ratè de boué.

Le devéssë olèvon cutsa. Le fe pôrie mua de në, ékin l'ovansorie. Le lindemouo de boun'uro olèvan décutsa, è ovan mëdye, che tsôfève fôr tournèvan viro notron fe.

O le vépru pouyan faire no pityeto prognëre. Ma tsa kouo otindyan in couo de petar ! Tunève, fouille vitu ola cutsa ou tsordza le fe. Che y'oye dji d'ôradzu olèvan tsordza vè lé quatr'ure.

Fouye couminsa po raléra le fe, faire douë roule in léssan ô métan le passadsu dö tsar. Dôtin in'ouomou olève ya è odyuje le tsar. sourtyan lo partche è lé bille et couminsèvan lo tsora. Gn'oye vun que dunève lé fourtzè, l'otru que foje lo tsora. Kan le z'épolantse èran gornië, fouye bian écovorta è tossa le fe, dupè lo roulo de dovan vé l'étsoleto, djuko éklo de doré vé lou po. Otromin lo tsora s'ébouyorie in filan ô lou segrouo. Dö tin lé fene è lou petyi fojon chör in ratelan.

Kan lo derëre fourtsa ère boya, fojon possa lo partche o ékö qu'oye fai lo tsora, lo pikève dyin l'étsoleto, lo robotye et djetève lo côrdo doré lou po. In'otru l'oropève lo foje prindre dyin le tour è billève lo tsora tan fôr que pouye. Dô tin kokun rapignève ô d'un ratè de lou dou la po dji padre de fe in ruto.

Ekö qu'oye fai lo tsora devolève in s'écoulantsan le lon dö tsar de fe, sin se détôrse in piè in orivan o taro, che poucheblu.

Manquève ma d'immena le tsar vé lo grandje ô lé vatse. Le z'oyan pa détyalo, n'oyon l'obitudo. Boudzèvon pa malgrë lou tovan que lou fojon lo garo. Le z'intrè de grandje éron pa bian éjo. Yoye de virè courte, fouye pa imponuya le z'intsan.

No vë le tsar chu le si de grandje demourève le plu pegnuble : dètsorsa lo tsora. Ere pa éjo, churetu vé le fye de lé fenérozou, kan fouye poussa è tossa le fe djuk'ô puntye sin se faire peta lo této chu lé pièce. Etye mè oropèvan no bouno choua avec lé grane de fe que nou forion démindza tuto lo në. E pé devolèvan in nou fozan ékoulantsa djuko chu le si de grandje.

Tsa couo fouye se dépotsa po la kar n'otro tsora ou douë. Che le tin menocève oyan pa la tin de goutoruna. Na z'ère tudzour in présso. Ôche, nan z'otsobève le dzour fran recreyu. Ke vouyé ti ? Ere coum'ékin... Yoye pa otro veya o faire.

Les fenaisons

Quand la Saint-Jean arrivait, nous pensions à faner. Si le temps accordait nous en avions pour quatre semaines. Parfois il fallait les laisser, si les moissons pressaient.

Nous allions chercher les râteaux, les fourches, les faux. La faux se compose d'un manche en bois avec deux manettes, tournées en arrière de préférence. Le bout de cette pièce est taillé pour tenir le talon de la lame, avec un anneau et un coin en bois. Mais avant de fixer la lame, il faut commencer par la battre sur la petite enclume avec le marteau, assis par terre sur un sac. Ce travail n'est pas bien facile. Il fallait bien voir clair et être adroit. Moi, je n'étais pas des plus adroits pour ça.


Maintenant voilà les faucheurs partis, leur faux sur l'épaule, avec la pierre à aiguiser dans le coffin avec une ficelle dans le dos. Chaque faucheur mène son andain. Certains moments il s'arrêtait pour aiguiser sa faux en l'appuyant sur les genoux. Il donnait de petits coups de pierre en remontant le long de la lame, en se méfiant de ne pas se couper un doigt. Si l'herbe allait bien, pas trop sèche, pas trop couchée, si le terrain n'était pas trop tourmenté ni en pente raide, ça allait. Il fallait faire attention aux taupinières, aux pierres et aux biefs. Ce travail était encore pénible, il faisait transpirer. De temps en temps nous allions boire une gorgée ou deux de vin, d'eau et de café qu'on protégeait du soleil en cachant la chopine dans un bief sous une poignée d'herbe. Ce mélange désaltérait bien.

Une fois le pré fauché, il ne restait plus qu'à défaire les andains à la fourche. Les femmes et les enfants le faisaient. Quand le soleil avait chauffé, ils allaient tourner le foin avec un râteau en bois.

Le soir ils allaient "cucher" (mettre en tas). Le foin pourrait "muer" pendant la nuit, ça l'avancerait. Le lendemain de bonne heure nous allions "décucher", et, avant midi, si ça chauffait fort, nous tournions notre foin une nouvelle fois.

Après midi nous pouvions faire une petite sieste. Mais parfois nous entendions un coup de pétard. Il tonnait, il fallait vite aller "cucher" ou charger le foin. S'il n'y avait pas d'orage, nous allions charger vers les quatre heures.

Il fallait commencer par rouler le foin, faire deux "roules" en laissant au milieu le passage du char. Pendant ce temps un homme allait lier (les vaches) et amenait le char. Nous sortions la "perche" et les "billes" et commencions le chargement. Il y en avait un qui donnait les fourchées, l'autre qui faisait le chargement. Quand les grandes ridelles étaient garnies, il fallait bien écarter et tasser le foin depuis la brassée roulée devant près de l'échelette jusqu'à celle de derrière vers l'autre échelle. Sinon le chargement s'effondrerait en partant avec les cahots. Pendant ce temps les femmes et les enfants faisaient suivre avec le râteau.

Quand la dernière fourchée était donnée, on faisait passer la perche à celui qui avait fait le chargement. Il la piquait dans l'échelle de devant, la rabattait et jetait la corde derrière le char. Un autre la saisissait, la faisait prendre dans le tour et billait le chargement aussi fort qu'il le pouvait. Pendant ce temps quelqu'un "peignait" avec un râteau, des deux côtés pour ne pas perdre de foin en route.

Celui qui avait fait la "charrée" descendait en se laissant glisser le long du char de foin, sans se tordre un pied en arrivant à terre, si possible.

Il ne restait plus qu'à conduire le char à la grange avec les vaches. On ne les avait pas dételées, elles en avaient l'habitude. Elles ne bougeaient pas malgré les taons qui leur faisaient la guerre. Les entrées de grange n'étaient pas très faciles. Il y avait des virages courts, il ne fallait pas accrocher les angles.

Une fois le char sur l'aire de la grange, restait le plus dur : décharger la charrée. Ce n'était pas facile surtout vers la fin des fenaisons, quand il fallait pousser et tasser le foin jusqu'au faîtage sans se cogner la tête aux poutres. Là aussi nous prenions une bonne suée, avec les graines de foin qui nous démangeraient toute la nuit. Et puis nous descendions en nous faisant glisser jusqu'à l'aire de la grange.

Parfois il fallait se dépêcher pour aller chercher une autre charrée ou deux. Si le temps menaçait nous n'avions pas le temps de goûter. On était toujours pressé. Aussi nous achevions la journée bien fatigués. Que voulez-vous ? C'était comme ça... Il n'y avait pas autre chose à faire.

 


Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Les saisons et les travaux,
Village de Forez, 2001, Centre social de Montbrison

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