Patois vivant



Les saisons et les travaux


de
Jean Chassagneux

 

Lé sézou

lu par l'auteur

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(5 min 33 s)

Lé sézou


D'obôr bitin nou d'ocôr chu ce qu'olin dyere. Le mou potué : sézu o dou sens. Kan nan dye : setin tou dou de lo mémo sézu, vo dyere : oyin le mém'yadzu. Lo sézu é t'in n'an. Kan n'an dye : ôro y o plu de sézou, vo dyere que le tin é dérandso, fai tso in n'uvar, frë in n'étyi. Lo sézu é lé quatre portyë de l'an. Etye dyin kle z'ortyeclu, lo sézu soro ékin : lé quatre sézou de lo sézu, che vouyé


Lo prumëre qu'orive é le prïntin. Mé t'évi que dyin le tin oyan de dzantyi prïntin. Le z'uvar èron lon, ma kan lé glace oyon fondyu le prïntin ère vitu étye. Y oye de z'uzio, le z'éyonde orivèvon, le z'abru couminsèvon de fouilla, l'arbo poussève, y oye de flur de tou lou la. Ôro nan dyerye qu'oyin plu de prïntin : fai frë ou brouyasse djuko lo Sin Dzouan.

Ô prïntin olèvan poua, menèvan le foumouré po lé tare, bessèvan le dzordye, fojan lo recôrdo obourivo : lè trufe le centièmou dzour de l'an. Lé fene fojon lo buya. Ne z'otru, lu petyi, coupèvan de z'ologné po faire lou fiôlè. Chu lo couëche lou topèvan dechu ô le mantsu dô coutê in tsantan : "Savo, savo mon fiolè"...


L'étyi orivève, lo bèlo sézu, coumo dyon le mondu. Ma po ne z'otru ère lo sézu lo plu pegneblo. Le trovè tombève tut'o lo vë. Fouille la trovoilla lo vigne, somena lo cheva, faire lé trufe. O lo Sin-Dzouan lé fenérozou èron etye. Tyun trovè ! Fouye tu faire o bra ; zö dyerë. Lè fene orétèvon pa : mouze lé vatse, pinsa lo gna de coyou, bita coua, latsa le bètya, faire lou repa, trovailla le fe... mè que d'uno. Le z'ouomou seyèvon, rintrèvon è détsordzèvon le fe, suvin ô lé fene. Nan z'ère recreyu lou së. Intye, kan le tin ocourdève, lo veya olève ; ma de sézou que yo, pluye tu le tin. Fouye coure po kö garyu de fe. Ere coumo que le robe.


Tsa couo léssèvan lé fenérozou : lou blo évouérèvon. Fouye truva de monôre po mëre, ya è cutsa lé dzarbe. Intre tin y oye lou fogouo o faire vé lou boué. Tut' ékin ère churetu le trovè dô z'ouomou. Lé fene pouyon la omassa le z'ampouèbru po faire de confityuro ô lou petyi.

L'in doré ère vitu étye. No bèlo sezu, ovec lé fouoille que dzôgnon. Lou boué de fo èron ti dzantye ovec lourè coulou dzone, ruye, mourune ! Olèvan omossa de fouoille po gorgni lè poyasse de lou petyi : pouyon pissa ô lë sin domadzu !

Ma y oye de trovè : lé trufe o orantsa, o omossa, o rintra vé lo cavo ou o incrusa. Zö fojan ô lo piötche a quatre bê, olève bian, ma lou rïn nou fojon ma. Fouye ôche cuyi lou colevér, lé corote, lou tsö, lé rave, lé rintra è le z'étsavissa. Yoye lou cutsou o rintra, couminsa d'ékour po somena, mena le foumouré po tsorula... Sin échebla lé vindëme è le trovè dô vïn. Vou contorë tut'ékin...

Lou dzour vegnon cour ovec lé gnôle que montèvon din ba de l'Ëre, ou le movè tin que devolève dö tyu purye de Dyumëre. Nan chïntye vitu que lo bouno sézu ère otsoba.

E pë nan veye ma oriva l'uvar. Etye mê fojé otinchon. Le mou : uvar vö dyere lo sézu qu'orive ou l'uvar que tombe è que fai de conzëre kan chire. Nan pö dyere : "in uvar fai d'uvar .

Dyin lo montagne le movè tin vegne d'uro. Opré lo Toussin fouye s'otindre o vëre tomba koke bouza d'uvar. Tsa couo nin foje no bouno coutche que vouye pa fondre. Ô conzérève, fouye faire lo tsola, coure l'égo po obiöra le bétya dedyin. Ere bian le mouman que le z'ouomou ékouyon vé lo grandge. S'orétèvon dyin le dzour po faire lo mécla, poussa, pinsa le betya. Tsa vë pregnon in dzour ou dou po coupa è findre le boué. Nan z'obondève pa de poussa le z'étèle ô coufïn dö fuo.

Tsolande orivève, fouye sondsa o tyua, in dzour de frë de préferanche, lo viando coyorye mi. Lou petyi, yelou, se piolitèvon, s'écoulantsèvon in olan o l'écouolo, crognon pa l'uvar gne lo frë, mémou ch'oyon de z'indzolëre. Yoye dji de tsôfodsu dyïn lé tsambre : nan se bourève su lé cubarte avec no briko tsodo dyïn in journal. Tsa couo dzolève lontin, nan veye po la taro djukö më d'obri. E be que ?

Pochïntèvan...

Kèron-ti lon klou z'uvar !

Les saisons

D'abord mettons-nous d'accord sur ce que nous allons dire. Le mot patois : saison à deux sens. Quand on dit : nous sommes tous les deux de la même "saison", ça veut dire on a le même âge. La "saison" c'est l'année. Quand on dit maintenant il n'y a plus de saisons, ça veut dire que le temps est dérangé, il fait chaud en hiver et froid en été. La saison c'est les quatre parties de l'année. Ici, dans ces articles la "saison" ce sera ça : les quatre saisons de la "saison", si vous voulez...

La première qui arrive c'est le printemps. Il me semble qu'autrefois nous avions de jolis printemps. Les hivers étaient longs, mais quand les glaces avaient fondu le printemps était vite là. Il y avait des oiseaux, les hirondelles arrivaient, les arbres commençaient à feuiller, l'herbe poussait, il y avait des fleurs de tous les côtés. Maintenant on dirait qu'il n'y a plus de printemps, il fait froid ou il pleuvine jusqu'à la Saint-Jean (24 juin).

Au printemps nous allions tailler la vigne, nous menions le fumier dans les terres, nous plantions la récolte précoce : les pommes de terre le centième jour de l'année. Les femmes faisaient la lessive. Nous autres, les enfants, nous coupions des noisetiers pour faire des sifflets. Sur la cuisse nous leur tapions dessus avec le manche du couteau en chantant : "Monte sève, monte sève de mon sifflet".

L'été arrivait, la belle saison, comme disent les gens. Mais pour nous autres c'était la saison la plus pénible. Le travail tombait tout à la fois. Il fallait travailler la vigne, semer l'avoine, planter les pommes de terre. A la Saint-Jean les fenaisons étaient vite là. Quel travail ! Il fallait tout faire "à bras", je le dirai. Les femmes n'arrêtaient pas : traire les vaches, panser la nichée de cochons, mettre couver, lâcher le bétail, faire les repas, travailler le foin, etc. Les hommes fauchaient, rentraient et déchargeaient le foin, souvent avec les femmes. On était fatigué le soir. Et encore quand le temps accordait, les choses allaient bien. Mais certaines années il pleuvait tout le temps. il fallait courir pour cette espèce de foin. C'était comme si on le volait...

Parfois nous laissions les fenaisons : le blé se perdait. Il fallait trouver de la main d'oeuvre pour moissonner, lier et "cucher" les gerbes. Entre temps il y avait les fagots à faire dans les bois. Tout ça était surtout le travail des hommes. Les femmes pouvaient aller ramasser les framboises pour faire la confiture avec les enfants.

L'automne était vite là. Une belle saison avec les feuilles qui jaunissaient. Les bois de fayards étaient-ils jolis avec leurs couleurs : jaunes, rouges, marron ! Nous allions ramasser des feuilles pour garnir les paillasses des enfants. Ils pourraient faire pipi au lit sans dommage !

Mais il y avait du travail : les pommes de terre à arracher, à ramasser, à rentrer à la cave ou à mettre en silo. Nous le faisions à la pioche à quatre becs. Ca allait bien mais les reins nous faisaient mal. Il fallait aussi cueillir les collets verts, les betteraves, les choux, les raves, les rentrer et leur couper les fanes. Il y avait les plongeons (de gerbes) à rentrer, commencer à battre pour semer, transporter le fumier pour labourer. sans oublier les vendanges et le travail du vin. Je vous raconterai tout ça.

Les jours devenaient courts, avec les brumes qui montent d'en bas, de la Loire, ou le mauvais temps qui descendait du "derrière pourri" de Gumières. On sentait vite que la bonne saison était finie.

Et puis on ne voyait qu'arriver l'hiver. Là aussi, faites attention. Le mot "uvar" veut dire la saison qui arrive, ou la neige qui tombe et fait des congères quand "ça sibère". On peut dire : en hiver il fait de la neige.


Dans la montagne le mauvais temps arrivait tôt. Après la toussaint il fallait s'attendre à voir tomber quelques chutes de neige. Parfois il en faisait une bonne couche qui ne voulait pas fondre. Il y avait des congères, il fallait faire la trace, courir l'eau pour abreuver le bétail à l'étable. C'était bien l'époque où les hommes battaient au fléau à la grange. Ils s'arrêtaient dans la journée pour faire le mélange foin-paille, le faire passer (à l'étable), panser le bétail. Parfois ils prenaient un jour ou deux pour couper et fendre le bois. On n'arrêtait pas de pousser les bûches dans l'âtre.


Décembre arrivait, il fallait penser à tuer (le cochon) un jour froid de préférence, la viande caillerait mieux. Les enfants, eux, jouaient aux boules de neige ou faisaient des glissades en allant à l'école. Ils ne craignaient pas l'hiver ni le froid, même s'ils avaient des engelures. Il n'y avait pas de chauffage dans les chambres. On se camouflait sous les couvertures avec une brique chaude dans un journal. Parfois il gelait longtemps, on ne voyait pas la terre jusqu'en avril. Et bien quoi ?


On patientait...

Qu'est-ce qu'ils étaient longs ces hivers !


Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Les saisons et les travaux,
Village de Forez, 2001, Centre social de Montbrison

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