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Jean-Marie
Giraud dit Bobèche
(carte
postale ancienne)
Marguerite Fournier raconte
:
Parmi les figures
populaires d'autrefois, je revois aussi Bobèche,
le poète du Calvaire,
que mes parents interpellaient parfois pour lui faire réciter
ses vers. Très poli, il enlevait respectueusement
son chapeau
de feutre bosselé, et, debout
sur le trottoir, sa tête blanche
toute nimbée de la lumière du jour finissant,
il débitait
son dernier poème. Il en composait à propos
de tous les événements montbrisonnais : un
mariage, une fête, un concours de musique, la construction
d'un bâtiment, etc.
Et cela rimait toujours !
Marguerite
Fournier-Néel, "Souvenirs d'enfance", Village
de Forez.
Pourtant les chansons
se répandaient. Comment ?
Un homme et
une femme
se trouvaient dans la rue,
le samedi, jour de foire
ou de marché ordinaire.
Les gens se regroupaient
autour d'eux. Ils chantaient
leurs chansons et vendaient
les feuillets avec les paroles. Ensuite, en groupe, chacun
reprenait en cur. Vendeurs
et clients chantaient ensemble plusieurs fois. Elles étaient
apprises sur place
L'inspiration de ces chansons venait le plus souvent de
crimes commis ou d'événements marquants. C'était
surtout
des complaintes lorsqu'il y avait des exécutions
capitales.
Par exemple le voyage manqué
du président de la République
a fait l'objet d'une chanson.
Je m'en souviens très bien.
Tout cela a disparu après guerre avec l'arrivée
de la radio...
Jean Soleillant, extrait
de Montbrison autrefois, souvenirs, Cahiers de Village
de Forez, n° 2.
Pourquoi ce nom de
Bobèche ?
Il s'agit d'abord
d'un petit objet usuel d'autrefois :
un disque de
verre ou de métal percé au milieu qui s'adapte
sur un bougeoir afin d'empêcher la cire de couler.
[d'après le Larousse
pour tous, édition 1909]
et aussi d'un
personnage célèbre :
Jean-Marie Giraud fut appelé Bobèche
en référence à un acteur comique qui avait
eu une certaine célébrité sous l'Empire
et la Restauration : Antoine Mandelot dit "Bobèche",
fils d'un tapissier
du faubourg Saint-Antoine.
[d'après
le Larousse pour tous,
édition 1909]
Le bobèche montbrisonnais
Le
poète Bobèche n'est pas sans réputation.
On vend à Montbrison une carte postale illustrée
de sa photographie. Il est debout, devant la fenêtre d'un
rez-de-chaussée, en pantalon et jaquette noirs, un foulard
autour du cou, un chapeau melon à la main. Près
de lui est un guéridon, sur lequel est posée une
statuette de plâtre représentant un Arlequin. A
ses pieds, un carton ouvert, contenant ses poésies...
Paul Léautaud, "Le
poète Bobèche
de Montbrison",
Le Mercure de France, 1921.
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textes
et documentation
Joseph Barou
questions,
remarques ou suggestions
s'adresser :
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Poète
et chanteur
de
la rue : Bobèche
Un
chansonnier et poète montbrisonnais :
Jean-Marie
Giraud, dit Bobèche
(1844-1913)
par
Claude Latta
La
faveur dont jouissent actuellement les collections de cartes postales
a remis en mémoire aux Montbrisonnais le personnage de Bobèche
qui est représenté sur plusieurs d'entre elles, fort
prisées des collectionneurs.
Qui était Bobèche ? Un chansonnier
et un poète des rues. Il allait, de porte en porte, réciter
ou chanter ses poèmes et ses complaintes, en échange
de quelque obole. Il travaillait même parfois "à
la commande" pour une famille, ou à l'occasion d'une cérémonie
publique ou d'un événement local (inauguration d'un
monument, pétition au maire, ouverture d'une chocolaterie
).
Il ne publia jamais un recueil de ses poésies : il les faisait
simplement imprimer sur une feuille volante qu'il distribuait dans
les rues de Montbrison à ceux qui voulaient bien les lui acheter.
Notre principale source de renseignements sur
son uvre est un article de l'écrivain Paul Léautaud
(1872-1956) qui tint le secrétariat de la revue littéraire
Le Mercure de France de 1908 à 1940 et qui, sous le
pseudonyme de Maurice Boissard a publié dans celle-ci de nombreux
articles (1). Paul Léautaud connut dès 1904 l'existence
de Bobèche qui lui fut révélée par sa
compagne de l'époque, Blanche Blanc, originaire de Montbrison
(sa famille habitait rue des Légouvé) (2). Mais ce n'est
qu'en 1921 qu'il écrivit un article : le
poète Bobèche de Montbrison (3). Nous avons
complété les renseignements contenus dans cet article
en dépouillant les registres d'état civil de Montbrison
et en utilisant les actes concernant Bobèche et sa famille.
Bobèche s'appelait en réalité
Jean-Marie Giraud. Il était né à Montbrison le
21 mai 1844 : son père Jean Giraud était ouvrier charron
et demeurait rue de la Porcherie. Sa mère s'appelait Françoise
Poyet. Son père mourut alors que le petit Jean-Marie n'avait
que dix ans (4). A treize ans, il est placé, raconte-t-il lui-même
dans une lettre "chez un maître
de la plaine où le manque de vivre et le surmenage [l']ont
mené près de la tombe" (5). A seize
ans, il apprit le métier de charron qui était celui
de son père. C'est ce métier qu'il exerçait en
1876 lorsqu'il épousa, le 29 novembre, une ouvrière
matelassière, Marie Boulet (6). Les époux signèrent
fort maladroitement leur acte de mariage : on voit bien que Jean-Marie
n'avait guère eu la possibilité d'aller très
longtemps à l'école
Jean-Marie Giraud et Marie Boulet eurent dix enfants (six garçons
et quatre filles), tous nés à Montbrison. Plusieurs
moururent en bas-âge, comme c'était, hélas !,
fréquent à l'époque :
- Louis, né le 22 avril 1878, décédé le
26 avril 1878 ;
- Charles, né le 10 mars 1882 ;
- Jean, né le 1er juin 1884, décédé le
25 août 1884 ;
- Antoinette, née le 21 juil. 1886, décédée
le 19 janvier 1888 ;
- Françoise, née le 8 novembre 1888, décédée
le 24 sept. 1889 ;
- Antoine Irénée, né le 3 juillet 1890 ;
- Marius, né le 2 février 1892 ;
- Justin, né le 15 avril 1893 ;
- Marie-Aimée, née le 11 septembre 1894 ;
- Marguerite, née le 26 février 1896.
En 1904, il écrivait qu'il était "père de
dix enfants, cinq de vivants et cinq de morts".
Comment Jean-Marie Giraud devint-il Bobèche
? Comment l'ouvrier charron devint-il un chansonnier des rues ? Il
l'a lui-même expliqué dans la lettre à la fois
naïve et savoureuse qu'il adressa à Paul Léautaud
(nous respectons l'orthographe de ce texte) :
Monsieur,
Vous voulez savoir, Monsieur, comment est venu que je compose des
vers, atteint d'une névralgie et d'un rhumatisme que me font
horriblement souffrir, vous le rirez peut-être, mais dans mon
sentiment naïf je vous dis la vérité. Malgré
mon ouvrage, j'avais apris un métier trop pénible pour
mon tempérament, ce qui fut cause que je sucomba. Les médecins
ne me comprenant pas, atribuèrent à la paresse une vie
au milieu d'un martyre continuel. Un jour j'entendis parler d'aparition
(7). Malgré ma lassitude, après une nuit de souffrance,
je fis comme bien d'autres, j'alla prier la dame de l'apparition.
Après, souffrant un peu moins, reposant un peu mieux, pour
la première fois j'ai fait des vers. J'en ai fait quelques-uns
après. C'étais, si je ne me trompe pas, en 1890, mais
c'est depuis 1895 que j'en ai fait plus régulièrement
"
Paul Léautaud qui avait en sa possession
quelques-uns des poèmes de Bobèche les cite dans son
article. Nous en reprendrons ici deux qui nous donnent quelques aspects
du "talent" de Bobèche (8) :
Le crime de Soleymieux : il s'agit d'une
complainte qui évoque l'assassinat d'un nommé Clavelloux
par l'assassin Mondon :
Ah
! Clavelloux, ton dernier râle
M'inspire une très grande horreur
Et me confond dans ma douleur ;
Je ne sais trop quelle morale
Je dois faire à mon cher lecteur
Qui déplore ton grand malheur.
Vous
braves gens de la campagne
Ecoutez-moi, mes chers amis,
Les gendarmes l'ont vite pris.
Sur l'échafaud, ou bien au bagne,
Mondon terminera ses jours,
Dans de détestables séjours.
Citoyens
de notre département de la Loire
Voyons donc ce qu'engendrent les procès, ils causent
Du malheur à deux honorables familles
Et mettent la tristesse dans les curs, soyez donc
Plus doux et plus conciliants les uns envers
Les autres, ne sommes nous donc pas tous frères,
Pas pour bien longtemps sur la Terre.
La chanson d'un ivrogne,
poème autobiographique :
Vous
me laissez croupir dans la misère,
Montbrisonnais, vous n'avez pas bon cur,
Mon chant plaintif est, pour moi, nécessaire,
Pauvre affligé grouillant dans le malheur,
Ma névralgie enfante mon poème,
Je le débite à mes chers auditeurs,
Vous le riez, pour moi, je ne blasphème
Pour vous montrer que je connais vos curs (bis)
Au
temps jadis je maniais la plane,
La scie aussi, verloppe et le rabot,
Mais maintenant me faut prendre ma canne,
Quelques journaux mis en petit ballot,
Je fais des vers, au profit des marchands ;
Dans mes chansons, est le rire et les plaintes,
Contrariant le cur de nos méchants (bis)
Si
je me grise avec vous le dimanche
Pour obtenir, de quelques-uns, deux sous,
Cela n'empêche, un jour, que je m'ébranche
Et des chevaux leur passer par dessous ;
Il faut un Dieu pour protéger l'ivrogne,
Moi, je l'avoue, en croyant à quelqu'un
Assez souvent que j'attrape ma cogne,
Dans la nuit brune ou bien dans le soir brun (bis)
Bobèche s'est
aussi dépeint à la fin d'un poème :
Bobèche
rêveur solitaire
Sourit et chante tour à tour
Il a pour unique adversaire
La soif qui l'étreint tout le jour !
Pitié, passants, pour sa pituite,
Pitié pour son malheureux sort,
Offrez l'obole pour sa cuite,
Bobèche n'est pas encore mort.
Le pauvre Bobèche mourut
à 68 ans, le 22 mars 1913 "dans l'hospice des malades
de cette ville".
Il représente, à notre avis, un type urbain autrefois
fréquent : le chansonnier des rues, familier à tous,
un peu "marginal" comme on dirait aujourd'hui, sans doute
trop porté sur la bouteille, mais qui trouvait malgré
tout à s'insérer dans une société urbaine
peut-être plus tolérante que celle d'aujourd'hui. Avec
d'autres "petits métiers", il participait à
l'animation de la cité et finissait par avoir une sorte de
célébrité dont naturellement la moquerie n'était
pas absente.
Claude
LATTA
(1) Paul Léautaud est
surtout l'auteur d'un Journal Littéraire publié
de 1954. à 1964 et dans lequel il manifeste une belle indépendance
d'esprit et un anticonformisme volontiers sarcastique.
(2) Renseignement transmis par Mme Marguerite Fournier-Néel.
(3) Maurice Boissard : "Le poète Bobèche de Montbrison".
Le Mercure de France, 1921, p. 267-272. Un exemplaire existe
dans les archives de la Diana.
(4.) Bobèche fait erreur lorsqu'il écrit : "J'ai
perdu mon père à l'âge de trois ans".
(5) Lettre publiée dans l'article de Paul Léautaud (Maurice
Boissard), déjà cité, p.268.
(6) Fille de Jean Boulet, employé de l'octroi de Montbrison et
d'Antoinette Faure.
(7) II s'agit vraisemblablement des apparitions de Vallensanges (commune
de Lézigneux) : un jeune paysan de 13 ans, Jean-Auguste Bernard
déclara avoir eu, de juillet à septembre 1888, vingt apparitions
de la Vierge, cf. Pierre Bayle : "Les apparitions de Vallensanges
et ses miracles", Paris,1978.
(8) Si quelques-uns de nos lecteurs connaissent des détails biographiques
sur Bobèche ou possèdent quelques-unes de ces feuilles
volantes sur lesquelles il faisait imprimer ces poèmes, j'accueillerai
avec reconnaissance tout ce qu'ils voudront bien me transmettre.
[extrait de Village
de Forez, n° 1, janvier 1980,
avec l'aimable autorisation de l'auteur]
*
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Marguerite
Fournier-Néel se souvient
(la scène se déroule vers
1910)
Parmi les figures populaires d'autrefois,
je revois aussi Bobèche, le poète du Calvaire, que mes
parents interpellaient parfois pour lui faire réciter ses vers.
Très poli, il enlevait respectueusement son chapeau de feutre
bosselé, et, debout sur le trottoir, sa tête blanche toute
nimbée de la lumière du jour finissant, il débitait
son dernier poème. Il en composait à propos de tous les
événements montbrisonnais : un mariage, une fête,
un concours de musique, la construction d'un bâtiment, etc. Et
cela rimait toujours !...
J'ai connu aussi La Marie-Dentelle, une vieille clocharde qui fumait
la pipe autour des arbres, insultant tous ceux qui passaient
J'ai
connu Minimi, le roi des poivrots, poursuivi par une horde de gamins
braillards... bref, tout le folklore montbrisonnais.
[extrait de
: Marguerite Fournier, "Montbrison au début du
siècle,
Souvenirs d'enfance", Village de Forez n° 19, juilllet
1984]
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Notice
nécrologique du Petit Poète
dans
le Montbrisonnais du 29 mars 1913
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Album
:
Dernière apparition de Bobèche à Montbrison (2018)
Mise à jour : 6 juillet
2019
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