
Chapeau d'Albert Petit et Carrière,
Paris, 1912
Chapeaux
bas, Mesdames !
Autrefois, les couvre-chefs
avaient, c'est sûr, une bien plus grande importance que de
nos jours. Chapeaux, casquettes, képis, coiffes et bibis
de toutes sortes étaient indispensables pour assurer à
tous un minimum de dignité.
A chacun son
couvre-chef
Un vieux Montbrisonnais, Jean
Soleillant, se souvient : "Pour
les hommes, j'ai été, disons, dans les premiers à
sortir tête nue, dans les années 32-33. Auparavant,
les hommes portaient le chapeau
Le canotier était une
coiffure très légère, très confortable,
paraît-il. Les hommes portant le panama étaient rares.
Il était réservé à l'élite".
Pour les femmes, "le
chapeau était absolument obligatoire, d'ailleurs ma mère
en a toujours porté. Elle allait chez la modiste car, bien
sûr, on changeait souvent de chapeau". Modistes
et chapeliers exerçaient un métier plaisant et rémunérateur.
A Montbrison, en 1933, Mlle Kopp avec
Mmes Dumas et Meyer
coiffaient les dames, MM. Perrin et
Migeat fournissaient les messieurs.
Pour les hommes, le chapeau permettait des gestes
de politesse : se découvrir galamment pour saluer une dame,
le toucher négligemment pour dire bonjour à un ami.
Au rebours, il servait aussi à provoquer, tel le libre-penseur,
canotier sur le crâne et cigare aux lèvres devant la
procession de la fête-Dieu. Bref, un accessoire indispensable
qui, de plus, rangeait chacun dans sa classe sociale : la casquette
à l'ouvrier,
le chapeau au bourgeois,
le képi au militaire
et la coiffe à la vieille paysanne.
Charmant mais encombrant
Pour les femmes, tout se complique. Car ce cher
chapeau peut être volumineux. Et devenir gênant au spectacle.
En janvier 1912, pour la représentation
des Mystères de Noël,
salle Saint-Pierrre, les dames doivent
éviter des coiffures semblables à "la
tente d'Abraham" pour ne pas gêner les voisins.
Même problème en mars 1912. Une "fête
de l'aviation" réunit la bonne société
au théâtre municipal. Et le chroniqueur du Journal
de Montbrison prévient :
"Les dames seront
priées de déposer leurs chapeaux qui pourraient gêner
les personnes placées aux seconds rangs. C'est un geste gracieux
qui répondra à la galanterie de ceux qui se feront
un devoir de laisser aux dames les premières places."
Pour l'occasion, une petite salle est transformée
en vestiaire. Cependant il serait mieux, recommande-t-on, pour éviter
les retards, de venir au théâtre "en
cheveux, coiffées seulement d'une mantille".
Mais c'est bien osé !
M. le préfet
s'en mêle
Plus grave encore, le chapeau peut devenir un vrai
danger ! Et en octobre 1912, le préfet de la Loire prend
un décret pour protéger les bonnes gens :
"Considérant
que la partie acérée des épingles fixant les
chapeaux féminins dépasse parfois la coiffure de plusieurs
centimètres, sans être munie d'aucun appareil protecteur,
et que des accidents se sont produits" ils seront interdits
dans les "endroits fréquentés par un public nombreux"
. Ainsi plus de chapeaux dans les salles de spectacle,
les gares, les voitures publiques, les tramways
Sauf si les
épingles sont munies "d'un
cache-pointe constituant une protection suffisante".
Et il ne s'agit pas de plaisanter car
"Messieurs les Sous-préfets, les Maires, le commandant
de gendarmerie, les agents de contrôle des voies ferrées,
les Commissaires de police, gardes champêtres sont chargés
d'assurer l'exécution du présent arrêté
"
Cet acte d'autorité freina-t-il quelques
abus ? Il ne fut sans doute pour rien dans la presque totale disparition
des chapeaux féminins. Ah ! la mode ! Elle est difficile
à gouverner.
Joseph Barou
Sources : presse
locale de 1912 (bulletins paroissiaux, Journal de Montbrison)
et souvenirs de Jean Soleillant, "Montbrison
autrefois", Cahier de Village
de Forez, n° 2, octobre 2004.