Le Lion d'or, au bord du
Vizézy
1912
Les Camelots du Roi
à Montbrison
Montbrison
a eu longtemps la réputation d'être une ville conservatrice.
A la Belle Epoque les royalistes tiennent parfois conseil sur les
bords du Vizézy...
En février 1912, plusieurs avis parus dans l'Avenir
Montbrisonnais annoncent la tenue à Montbrison
d'une "réunion royaliste contradictoire".
Elle a lieu le dimanche 3 mars 1912 à
2 heures ½ de l'après-midi dans la grande salle de
l'hôtel de Lion d'Or, quai
des Eaux-Minérales. Réunion privée donc.
Les entrées sont filtrées. Il faut se munir de cartes
retirées à l'imprimerie du journal.
La semaine suivante, l'Avenir Montbrisonnais
en donne un complaisant compte rendu. Selon la feuille locale, une
assistance nombreuse se presse dans l'hôtel de M. Gréa,
le meilleur de la ville. Public nombreux et, aussi, choisi, car
les animateurs portent tous la particule, comme, sans doute, beaucoup
d'auditeurs.
Le commissaire n'est pas le bienvenu
Avant la réunion, le correspondant de l'Avenir
relève un petit incident qu'il qualifie d'amusant. M.
Pierroti, commissaire de police, se présente sans
invitation. On le laisse entrer mais avant d'ouvrir la séance,
le baron de Vazelhes vient "très
courtoisement" lui dire qu'il n'est toléré dans
la salle qu'à titre "absolument personnel". Le
fonctionnaire de la République se vexe d'une telle remarque
et réplique : "J'y
suis, j'y reste". C'est le mot de trop. Celui
qu'avait dit le Maréchal de Mac-Mahon
à la prise de Malakoff...
Le ton monte. Finalement le commissaire se retire pour ne pas être
jeté dehors. Provisoirement la République cède
le pas.
Une estrade domine la grande salle de l'hôtel. Le président,
M. Flachaire de Roustan, bâtonnier
de l'ordre des avocats de Lyon, délégué
régional de "Monseigneur" le duc d'Orléans,
ouvre la séance. Ensuite le comte de
Villechaize qui préside les comités royalistes
de la Loire remercie l'assistance. Elle est venue, dit-il, "entendre
la parole des vaillants combattants de l'Action française".
Le baron de Vazelhes est félicité
pour l'organisation de la réunion. Il a déployé
beaucoup d'efforts "pour réunir
autour de lui les meilleurs éléments de propagande
et d'action".
Propos virulents
avant les chansons des Camelots du Roi
Après cet assaut de politesse, arrive le tour des orateurs.
Et d'abord, d'une dame dont le nom est bien connu : la marquise
de Mac-Mahon, épouse du général
Patrice de Mac-Mahon, second duc de Magenta, fils du maréchal
de Mac-Mahon. Ce dernier avait été de 1873
à 1879, un peu
à contrecur on s'en souvient, second président
de la troisième République.
Elle assure avec passion qu'il faut "aimer
son pays de toute son âme, le servir et vouloir pour lui tout
ce qu'il y a de plus gros et de plus grand". Pour
cela, elle voudrait "renverser le
gouvernement antinational, anticatholique et antipatriotique".
Même les "dames", dit-elle, peuvent aider
à "cette bonne et utile besogne".
Le comte de Vesins se montre encore
plus virulent. Il évoque "l'asservissement
actuel de toute la nation à l'or juif", stigmatise
"la faiblesse des institutions démocratiques
de la France" en face des gouvernements monarchiques
européens. "Le discrédit
dans lequel est tombé le Parlement" va même,
selon lui, jusqu'au dégoût : "le
gouvernement de la République, c'est le règne de l'incompétence".
Pour conclure, M. de Roustan invite
l'assistance à suivre les "vrais
patriotes", ceux de l'Action française, pour
rendre au pays "le seul gouvernement
national, celui des rois qui ont fait la France".
L'assistance s'en va lentement. Les Camelots
du Roi de Saint-Etienne, Montbrison,
Roanne et Saint-Bonnet-le-Château chantent des refrains
royalistes : "Viv' les cam'lots du
roi. Et viv' le roi, A bas la République. La gueuse on la
pendra"
Le cours des choses n'en fut pas inversé
pour autant.
Joseph
Barou
Source
: L'Avenir
Montbrisonnais, février et mars 1912.