Au
milieu du 19e siècle, le cabaret est sans doute le principal
lieu de la vie sociale tant en ville qu'à la campagne. Il
a son utilité mais est aussi la cause de bien des misères.
Pensons à "l'Assommoir".
Paris possède alors 25 000 débits
de boissons pour un million d'habitants. Ils sont très nombreux
dans les villes. En Forez, chaque village, chaque hameau possède
un ou plusieurs cabarets. En 1858, la Loire compte 3
745 débits de boissons soit un
pour 135 habitants. C'est énorme même si tous
n'ouvrent pas chaque jour. Ces établissements sont surveillés
de près par les autorités. Elles y voient des foyers
possibles de subversion car on y parle volontiers politique.
En 1858, le préfet de la Loire
fait fermer 24 cabarets par mesure
de sûreté ou de moralité publique. L'alcoolisme
fait de gros ravages. Bien des miséreux cherchent ainsi à
oublier leurs peines pour un moment. L'ivresse est la cause d'accidents
et de drames.
Accidents d'après
boire et rixes
L'année 1851 se termine mal
pour Michel Granger de Bard. Le 28
décembre 1851, il est retrouvé mort au bas
du mur qui longe la rue des prisons à Montbrison. Selon le
"Journal de Montbrison",
Granger s'enivrait souvent : On
attribue sa mort à une chute et à l'influence du froid
qui l'a saisi ensuite.
A Boën, le 5 juin 1853, un vieux
pochard passe sous une voiture hippomobile. Jean-Claude
Chenavat, âgé de 78 ans, a les deux jambes brisées.
Il devra être amputé.
Le dimanche 7 janvier 1856, Benoît
Rival, de Lézigneux,
est retrouvé gisant dans une flaque d'eau, sur la route de
Moingt, près de la maison Sirvanton.
Il
paraît que ce vieillard, âgé de 78 ans, était
en état d'ivresse, et qu'il a trouvé la mort en tombant
dans cette mare, où il y avait tout au plus 12 à 15
centimètres d'eau vaseuse.
Parfois une querelle d'après boire entraîne une rixe
qui tourne mal. Bagarre le 2 octobre 1858,
à 11 heures du soir, dans le cabaret du nommé Roux,
de Lézigneux. Pour un motif
futile, Philippe Devant, de Lavieu,
âgé de 57 ans, frappe Michel
Granger de deux coups de couteau. Il y a mort d'homme. Le
11 décembre 1858, la cour d'assises
de la Loire condamne le meurtrier à 6 ans de réclusion.
Refus d'obtempérer
au garde-champêtre
Un arrêté préfectoral du 6
octobre 1851 interdit à tous cafetiers ou cabaretiers
de tenir ouverts leurs établissements et d'y donner à
boire après neuf heures du soir, du 1er
octobre au 31 mars. Le règlement n'est pas toujours
respecté. Parfois on s'en moque tout à fait.
Louise Joannin, veuve Bayle,
tient un cabaret à Ecotay. Le
7 janvier 1855, à 9 heures et
demie du soir, Jean Champandard, le
garde-champêtre du village, ordonne aux clients de quitter
les lieux. Ostensiblement, Antoine Cognasse,
meunier, Philippe Granger, cultivateur,
Jean Chaperon, fils de Jean-Marie,
cultivateur, Guillaume-Clair Poirier,
domestique et Jean-Claude Peyrat continuent
à boire. Et la cabaretière à les servir.
Bafoué dans son autorité, le garde rédige un
procès-verbal et se retire dignement. Deux semaines après,
à l'audience du 20 janvier,
le tribunal de simple police de Montbrison condamne la
veuve Bayle à 1 franc d'amende pour "fermeture
tardive" et Cognasse,
Granger, Poirier
et Peyrat également à
1 franc d'amende chacun "pour avoir
refusé de sortir à l'injonction du garde-champêtre".
La loi c'est la loi...