Au
19e siècle :
Chiens et chats enragés
Ah, j'enrage
! Ce n'était pas un vain mot. Au 19e siècle, la rage
était une affection qui conduisait à une mort certaine
après de grandes souffrances. Et cela jusqu'aux découvertes
du grand Pasteur.
Les chats du Bourgneuf étaient-ils
enragés ?
Le 5 mai 1851, plusieurs membres
de la famille Chevalier, de la rue
du Bourgneuf, à Montbrison,
se font mordre par un chat en furie. On pense aussitôt à
un cas de rage. L'hydrophobie se serait déclarée spontanément.
Et l'animal aurait mordu d'autres chats avant d'être tué.
Grande inquiétude chez les Chevalier
! Si c'est la rage, aucun remède possible. Ne sachant à
quel saint se vouer, les bonnes gens se rendent dans le petit village
de Fumare (1) où se trouve,
paraît-il, "un thaumaturge qui,
au moyen d'un filtre ou d'un charme, guérirait de la rage".
Le "Journal de Montbrison"
relate le fait divers. Le chroniqueur, Michel Bernard, se veut d'abord
rassurant : "Heureusement les cas
de rage sont beaucoup moins fréquents qu'on ne le croit communément
; souvent on prend pour un animal enragé un animal en état
de fureur, ce qui n'est pas la même chose ; et nous espérons
que le chat du Bourgneuf était simplement furieux".
Il désapprouve ensuite la démarche de la famille Chevalier.
"L'hydrophobie est un mal terrible...
il serait déplorable que des personnes mordues fussent détournées
de prendre des précautions que la science conseille, par
leur foi dans des charmes ou des remèdes impuissants".
Il fustige ensuite les "sorciers de
Fumare". S'ils ont vraiment trouvé un remède
contre la rage, tout le monde doit en bénéficier.
S'il s'agit simplement d'exploiter la crédulité de
gens désemparés les autorités doivent intervenir...
Rassurons vite le lecteur. Pendant les mois qui suivent nous n'avons
relevé aucun décès à Montbrison concernant
la famille Chevalier.
Le drame de Chalain-le-Comtal
Un deuxième cas, dramatique cette fois. Au début
de 1866, un cas de rage est signalé
à Chalain-le-Comtal. Pierre
Genillon, fermier de M. Duval
à la ferme de Rayon, a été
mordu par son chien. Il présente bientôt tous les symptômes
de la rage. Alité, il est constamment surveillé par
ses proches. Ses crises sont de plus en plus fréquentes :
délire, convulsions, paralysie, étouffement...
Dans la nuit du 15 au 16 mars "profitant
d'un instant où son père était seul à
le garder, il se leva tout d'un coup, prit un pantalon et s'enfuit
dans la campagne". Il est impossible de le rattraper
et les recherches sont infructueuses à cause de la nuit.
Le 16 au matin, les vêtements sont trouvés au bord
de la Loire. Le malheureux s'est jeté dans le fleuve. Son
corps n'a pas été retrouvé.
Merci, monsieur Pasteur
Louis Pasteur (1822-1895)
commence ses recherches sur la terrible maladie en 1880.
Ce n'est qu'en 1885 qu'il applique avec succès son vaccin
antirabique à Joseph Meister.
Le petit berger alsacien avait été mordu par un chien
enragé sur le chemin de l'école. La rage était
vaincue. Pasteur entrait dans le panthéon des bienfaiteurs
de l'humanité.
A ses funérailles, le 5 octobre 1895,
Poincaré s'exclamait : "L'avenir
le rangera dans la radieuse lignée des apôtres du bien
et de la vérité". Et l'on ne compte
plus les rues, places et écoles qui portent le nom du digne
homme comme la place Pasteur à
Montbrison. Un bon choix...
Joseph
Barou
(1) En fait il s'agit de Fumerle, un lieu-dit près de Saint-Germain-Laval
où un homme surnommé "l'homme à la dent"
prétendait guérir de la rage. Il trempait dans un
verre d'eau une dent qu'il disait avoir appartenu à saint
Hubert puis il le faisait boire à ses patients en recitant
quelques prières (note de Louis-Pierre Gras dans son manuscrit
de Paysans du Forez)
Sources : Journal
de Montbrison du 8 mai 1851 et du 25 mars 1866.