Journal de Montbrison
du 21-11-1936
1936,
vie quotidienne
à Montbrison
au temps du Front Populaire :
Semaine
anglaise chez
le maréchal-ferrant
1936
: victoire au Front populaire. Le 4 juin, Léon Blum forme un
ministère ; troubles sociaux. Les accords de Matignon sauvent
la paix sociale. Patronat et syndicats s'entendent sur des réformes
hardies : liberté syndicale, hausse de salaire, congés
payés, semaine de 40 heures...
Voilà bien des nouveautés à faire appliquer à
tout le pays, et même à Montbrison, ville un peu éloignée
de toute cette agitation. Car elles concernent la vie de tous les jours.
Augmentation du "grelasson"
A l'extraction le coût du charbon augmente. Les marchands de charbons
répercutent sans délai la hausse. Ceux de Montbrison,
Moingt et Savigneux s'entendent sans vergogne pour fixer les prix. Ils
annoncent la couleur dans le Journal de Montbrison :
"Les marchands de charbons de Montbrison,
Moingt et Savigneux informent leurs clients qu'à la suite de
l'application de la semaine des quarante heures dans les mines, celles-ci
ont majoré le prix de tous leurs produits. A dater du 15 novembre
les prix de vente seront les suivants..."
Suivent les prix de 16 qualités de houille. Il y a charbon et
charbon. On a aujourd'hui oublié cette variété
et leurs noms pittoresques : "grelasson,
chatille, coke, briquette, grenette forge et Monanthra..."
La ménagère sait alors à quoi s'en tenir. Car les
prix varient du simple au double : 21 F le quintal pour le charbon
"en barre" et 48 F pour l'anthracite le plus réputé,
celui du Tonkin !
Semaine anglaise pour les forgerons
Même agitation chez les maréchaux-ferrants - il y en a
sept à Montbrison. Le premier septembre 1936, la chambre syndicale
des maîtres maréchaux-ferrants de la Loire et le syndicat
signent un accord. Désormais, il y aura repos du samedi 11 h
30 au lundi 6 h 45.
La corporation sait réagir vite. Les patrons du Montbrisonnais
tiennent assemblée générale le 20 septembre 1936.
Et par communiqué ils avertissent leurs clients que la "La
semaine anglaise" a été mise en vigueur.
"Ces dispositions s'appliquent à
tous les ateliers de maréchalerie occupant des aides ou les membres
de leurs familles ; les maîtres travaillant seuls ont les mêmes
obligations. Il est bien entendu que les réfractaires risquent
de graves sanctions..." Pas question donc, même
pour le patron, de s'enfermer seul dans la forge pour fabriquer quelques
douzaines de fers à vache... Ce serait de la concurrence déloyale...
De plus, mauvaise nouvelle, les prix flambent :
"D'autre part, vu les charges nouvelles
occasionnées, une augmentation de 4 F par ferrure sera pratiquée
pour chevaux, mulets et ânes. Pour les bovins et fournitures concernant
tous travaux agricoles, il y a une majoration de 20 % à partir
du 21 septembre 1936".
Pour être sûr que la loi sera appliquée,
le 12 novembre le préfet prend un arrêté de fermeture
des ateliers au public le dimanche. Sous-préfets, inspecteurs
du travail, commandants de gendarmerie et commissaires de police sont
chargés de son exécution. Quant au prix... Eh bien, il
faut payer !
Le coiffeur, la bergère et le
boulanger
D'autres métiers sont concernés. Les salons de coiffure
seront fermés du dimanche midi au mardi midi, sauf en cas de
fête au pays. Les bûcherons, écorceurs, valets, vachers,
vachères, bergers, bergères... ont aussi leurs droits.
Il s'ensuit une cascade de règlements pour s'adapter aux travaux
à faire. Car, il ne faut pas que le viticulteur soit en congé
pendant la vendange.
Le prix du pain est revu. Tenant compte des nouvelles
conditions dans la minoterie la "Commission
consultative départementale des blés et farine" relève
la marge de mouture de 11,50 à 13 F. Le préfet fixe le
quintal de farine à 204,69 F. Le kg de pain ordinaire coûte
donc 2,10 F à compter du 14 septembre 1936. Prix à la
hausse, premiers congés. Une ère nouvelle débute.
Joseph Barou
[La Gazette
du 2 juin 2006]
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La
presse locale :
Le
Montbrisonnais (mai 1936)
Le
journal de Montbrison (juin 1940)
Prix du pain 40
ans plus tôt