Jour de marché à
Feurs, ce 19 décembre 1899. Les
chalands s'acheminent vitement vers la cité forézienne
comme le sieur Coquard de Chambost-Longessaigne.
Il prend quatre personne dans sa toute nouvelle automobile. Et en avant.
Choc près de l'auberge
Pinton
Tout va très bien sur les trois quarts du trajet
jusqu'à deux pas du bourg de Salt-en-Donzy,
tout près de l'auberge Pinton. Et
là, catastrophe ! La voiture heurte violemment un porc de forte
taille que la dame aubergiste conduisait sur la route. Les passagers
sont projetés à quatre ou cinq mètres dans le champ
voisin. Ils se relèvent sans grand mal.
Mais le conducteur se trouve pris sous l'automobile renversée.
Il en est retiré avec une jambe cassée et de graves contusions
à la poitrine. Il n'ira pas à la foire de Feurs. Transporté
à son domicile de Chambost, M. Coquard
meurt quelque temps après des suites de l'accident. Il était
âgé de 70 ans.
Il y a eu mort d'homme et la justice s'en mêle. Les premières
constatations engagent la responsabilité de la gardienne du porc.
Elle aurait imprudemment laissé errer son animal sur la route.
De plus, un jour de foire, alors que la circulation était plus
dense qu'à l'ordinaire.
Devant la justice
L'affaire est jugée deux mois après. A
l'audience on entend les témoins du drame. Autre son de cloche
: les résultats de la première enquête sont totalement
rejetés. L'automobile roulait à une vitesse excessive
alors qu'une pente assez forte et
une courbe très prononcée auraient dû inciter le
conducteur à la modérer. Elle mordait sur l'accotement
au lieu d'être au milieu de la route comme il se doit. Quant à
l'aubergiste elle est ne laissait pas divaguer son animal. Elle aurait
même fait des signes au conducteur pour lui demander de ralentir,
mais en vain. Et, tout bien pesé, le tribunal conclut à
l'acquittement de la dame Pinton.
Certificat d'aptitude
C'est l'un des premiers accidents d'automobile de notre
région. En cette toute dernière fin du dix-neuvième
les voitures sont très peu nombreuses à la campagne, bien
plus rares que les porcelets en liberté. Et les conducteurs sont
loin d'être tous expérimentés. Rappelons que, seulement
quelques mois avant, le 10 mars 1899, le
ministère des Travaux Publics instituait un certificat de capacité
spéciale permettant de conduire les automobiles. Il ne fallait
pas dépasser 30 km/h en rase campagne
et 20 km/h en ville. Et le code de la route
était balbutiant.
Ce fait divers bien mince - sauf pour la victime - annonce une ère
nouvelle. Un grand combat s'engage entre la ruralité et la modernité.
Dans ce premier choc entre le cochon et le tacot, c'est la voiture qui
a eu le dessous. Depuis elle s'est bien vengée.
Joseph
Barou
Source
: Journal de Montbrison du 18 février
1900.
[La
Gazette du 10 mars 2006]