C'est une histoire qui s'est réellement
passée, une histoire vécue. Mais elle date, peut-être
bien, d'avant la guerre de 14. Jean Vial, qui est en face de moi,
le connaissait cet homme. C'était le maître d'école
de Lavieu [Lavi] entre Margerie et Chazelles-sur-Lavieu
et en même temps qu'il était maître d'école
il était secrétaire de mairie.
Et un jour est arrivé un homme qui venait
de la Côte. La Côte est un petit "village",
un hameau qui se trouve assez loin du bourg de Lavieu et pour
aller - il connaît le Père Chassagneux - de la Côte
à Lavieu, il y a un ravin, la Pinatelle, ça s'appelle,
la Curraize, il faut traverser le ravin, une côte qui monte
comme une échelle.
Alors, cet homme, ce paysan de la Côte
avait à faire à la mairie, avait besoin d'un papier.
[Il] alla voir
le maître d'école et le maître d'école
était de Margerie, je l'ai bien connu. Ils ne parlaient
qu'en patois à la mairie, pas en français. Et le
paysan arrive à la mairie.
- Bonjour Joannès.
- Bonjour Philippe.
- Ah ! Tu viens voir pour ton papier ? Je te l'ai préparé,
il est tout prêt.
- Ah ! bon.
Mais le Philippe dit :
- Ce n'est pas tout ça, je vais te faire faire la déclaration
du décès de mon gamin.
Un enfant qui était bien, bien malade. Il devait avoir
six, sept ans.
- Ton petit est mort ?
- Eh oui !
- Ah ! pauvre homme.
Et le maître d'école secrétaire de mairie
prend son registre d'état civil et son porte-plume, pas
de stylo à l'époque. Il avait commencé à
écrire et [il] demande au Philippe :
- Eh ! Quand est-ce qu'il est mort, ton gamin ?
- Eh ben ! il est mort aujourd'hui.
- Et à quelle heure ?
- Oooh ! - dit-il - il n'était pas mort quand je suis parti
de la maison mais il est bien mort maintenant.
[en français]
Ça s'est réellement passé.
[reprise en patois]
La fin de l'histoire… Ça serait trop triste de finir
comme ça. La fin de l'histoire… Le gamin ne mourut
pas, il guérit et après, dans le hameau, on l'appelait
: Trompe-la-mort.