Patois vivant


Les veillées

à Germagneux



souvenirs de Thérèse Guillot

 

Les veillées à Germagneux

souvenirs de Thérèse Guillot (née en 1915 à Germagneux, commune de Saint-Bonnet-le-Courreau)
racontés au cours d'une veillée en patois de Saint-Bonnet-le-Courreau (Loire)

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 48 s)

Enregistrement effectué au cours des veillées "Patois Vivant"
au Centre Social de Montbrison de 1997 à 1999 par André Guillot et Joseph Barou

Les hivers. Les hivers étaient longs à la montagne. Et, entre voisins, on se fréquentait.
- Vous viendrez ? ma mère leur disait.
- On ira veiller chez vous, Germaine.
- Oui, oui, venez, venez, vous nous ferez bien plaisir !
- Vous ferez cuire les châtaignes ?
- Ah ! On fera bien cuire les châtaignes, bien sûr. Mais elles ne sont pas pelées
[
peler : dépouter]
Ah ! oui, oui, il y a toujours le châtaignier. Il donne toujours des châtaignes, il est vieux pourtant. On pelait les châtaignes et puis on les faisait cuire. Et puis après on disait : Eh ! bon, Germaine il faudra faire le café, après. On fera bien le café, bien sûr.

On mangeait des châtaignes, on disait des blagues entre temps. Il y avait des jeunes, des valets du hameau, quelques-uns. Il y avait chez T., il y en a qui venait veiller, chez P., il y en a qui venait veiller. On se faisait rire, les jeunes. On disait : Ces vieilles, elles n'ont que…, elles ne sont pas à la page, elles n'ont que… de l'ancien temps. On aime mieux ce qui se passe maintenant !
Ma mère disait : Vous n'êtes que de grands bêtes, taisez-vous donc ! Taisez-vous donc !
Ça ne nous plaisait pas, les jeunes. On parlait de l'ancien…, de la jeunesse, de notre temps, quoi. Ce n'était pas comme maintenant. On ne pouvait aller courir bien loin. On n'avait pas de voiture… Nous étions bien contents d'être réunis.

Eh bien ! on allait de temps en temps, quand il faisait…, le bal, le dimanche, on allait danser chez la […?] Masson, la Patrick, comme on l'appelait. Et là, mon vieux, nous étions contents de "virer" [danser]. Parfois, ma mère nous grondait [gronder : jurer]. Il y avait ma copine, là. [qui disait] :
- On va y faire un tour !
- Non, non, n'y restez pas, n'y restez pas ! Il ne faut pas aller courir là-bas.
- Mais on regardera ce qui se passera !

On faisait une danse ou deux puis on revenait.
- Ah bon ! Vous m'avez bien obéi [
obéir : écouter], bon.

Et puis après on mangeait les châtaignes. Ça dépend de ce qu'on trouvait. S'il n'y avait pas beaucoup de monde, ce n'était pas bien intéressant. Il fallait bien qu'il y ait des jeunes parce que quand nous étions jeunes nous aimions discuter avec les jeunes.

Et puis, quand on avait mangé les châtaignes, on buvait du "vin de pommes" [sorte de cidre]. Et puis ma mère faisait le café. On buvait le café et les jeunes disaient… il y a Victor Perrin qui disait :
- N'y mettez pas d'orge, Germaine. Il n'est pas bon, le café, quand il…
- Non ! non ! Je n'y mettrai pas d'orge, ni de chicorée.

Et puis, si on ne dormait pas ? [allusion au café fort qui crée des insomnies]. Mais on était jeunes. On dormait quand même. Etant jeunes, nous dormions bien, il n'y avait pas besoin de nous bercer [bercer : grousser]. Et puis après nous nous amusions. Nous allions à la salle, nous passions à la salle. Nous nous apprenions à danser. C'est comme ça que j'ai appris, entre nous.

Et après, quand on avait passé une bonne veillée, il fallait qu'on nous dise de s'en aller parce qu'on n'y pensait pas, de rentrer.

Et puis [quelqu'un] disait :
- Tu chanteras bien une chanson avant…
- Oh ! oui, oui, pourquoi pas
[
littéralement : la même chose].

Et on chantait notre chanson. On avait bu le café. On pouvait s'en aller. Parfois c'était une heure du matin. Et le lendemain matin nous n'étions pas pressés pour nous lever parce que… Ma mère nous disait : Vous ne pouviez pas vous coucher hier soir et maintenant vous ne pouvez pas vous lever. Mais, ma foi, nous étions jeunes, quoi. Et puis, à l'arrivée, personne, on ne partait pas travailler à la journée. Ce n'était pas comme maintenant : c'est l'heure, c'est l'heure, il faut partir. On passait notre vie comme ça. Et on regardait.
- Et demain, où irons-nous ?
- On ne peut pas partir tous les jours. Vous ne pouvez pas vous lever le matin.

Un autre jour, c'était chez d'autres. On passait notre vie… Nous étions contents comme tout. On se faisait des farces. Victor, qui n'était pas bête, m'en faisait souvent, lui. Une fois, j'étais allée dehors chercher de l'eau au "bachat (1)". Il m'avait entendu sortir dehors. Il était au bachat. Il m'en a foutu [de l'eau] après. Je dis : Oh ! la la ! Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai couru, [j'ai] lancé le seau… J'ai dit à ma mère : C'est quelqu'un qui est au bachat. C'était Victor Perrin qui m'a jeté de l'eau. Il m'a vu venir. C'est que j'ai eu peur, moi.

Il y a la voisine, à côté, la Mariette Chaperon. Alors, elle était vieille. Le lendemain elle disait :
- Germaine, tu as eu des gens [
chez toi] ? Qui as-tu eu ?
Ils ont crié, ils ont parlé de Mariette. Et il [
le farceur] a dit en passant : Eh ! Mariette, votre prunier fleurit-il toujours ?

Elle ne l'entendit pas, bien sûr. Et le lendemain :
- Tu avais du monde ?
- Oui, on avait du monde, oui.
- Et qui c'était ?
- Oh ! des jeunes du hameau, tu sais bien.
- Ils ont crié : Oh ! Mariette. Oh ! je n'ai pas compris. Je ne sais pas ce qu'ils ont dit.

On le savait, nous, ce qu'il avait dit. Il était tellement farceur, Victor. On s'amusait comme ça. On se faisait bien rire. Il ne nous en fallait pas plus. On ne pouvait pas aller bien loin. On faisait des réunions, on veillait, comme ça. On passait de bons moments, quoi. J'en ai gardé un bon souvenir. Parfois, quand je trouve de… du pays, on en parle toujours de ces choses, de ces choses anciennes. Eh oui !

(1) abreuvoir.

L'ouvrage du Thérèse Guillot : Dans le temps à Germagneux,
Village de Forez, 1999, est disponible au Centre social de Montbrison


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