Patois vivant


La jeunesse, le dimanche,

à Germagneux



souvenirs de Thérèse Guillot

 

La jeunesse, le dimanche,
à Germagneux

souvenirs de Thérèse Guillot (née en 1915 à Germagneux, commune de Saint-Bonnet-le-Courreau)
racontés au cours d'une veillée en patois de Saint-Bonnet-le-Courreau (Loire)

pour écouter cliquer ci-dessous

(6 min 6 s)

Enregistrement effectué au cours des veillées "Patois Vivant"
au Centre Social de Montbrison de 1997 à 1999 par André Guillot et Joseph Barou

Quand nous étions jeunes, la jeunesse, nous nous réunissions, le dimanche après-midi, à partir de midi jusqu'à quatre cinq heures [dans un lieu qui] s'appelait le Pignodron. Alors nous montions à la route ; moi, nous étions… j'étais dans le hameau. Nous nous réunissions, les jeunes, toutes les filles qui étaient à peu près du même âge. Il y en a qui étaient plus vieilles [qui] partaient ailleurs. Mais nous étions toute une bande. Nous nous réunissions dans un pré qu'on appelait le Pignodron où mon garçon a bâti son chalet. Nous nous réunissions, là. C'était le rendez-vous des garçons, des filles. Les garçons, des moments, ce n'est pas toujours qu'ils venaient. Il y en a qui passaient à vélo. Ils disaient : Ah ! tiens, arrêtons-nous, il y a une bande de jeunes, allons-y. Et on s'amusait. […?] une fois elle en attrapa un. Elle lui dit : Allez viens seulement ! Nous nous mettrons à la cime. Ils s'attrapèrent par… ils allèrent tout le long du pré, jusqu'au fossé, en roulant, en roulant. Ça faisait bien rire, bien sûr. Nous nous amusions bien, quoi.

Et puis après, quand on avait bien [ri] : Si on descendait dans le fond [le bas] du hameau ? Et dans le village, il y avait le café Masson - comme on l'appelait - un bistro. Il était cantonnier. Et les dimanches, il avait l'accordéon. Il jouait de l'accordéon. Parfois il n'y avait personne mais, pour nous attirer, il jouait de l'accordéon. On disait : Il joue de l'accordéon. Si on allait voir ? On ne ferait qu'une danse et on s'en irait s'il n'y a personne.
Alors [
au bout d'un moment ?] il sortait et disait :
- Venez, venez, venez, n'ayez pas peur ! il nous disait.
Et, bien sûr, si on y allait, les jeunes venaient aussi. Il y des moments, il y a des jeunes qui descendaient, même quelques vélos qui s'arrêtaient - qui allaient plus loin - [
et qui] allaient boire un canon. Nous les attirions. On rentrait, on fait une danse, on était deux ou trois. Et puis ça attirait du monde. Nous nous amusions bien, quoi.

Et puis, quand arrivait quatre heures, il fallait penser à s'en aller pour aller "en champ" [au pré] parce que notre mère nous disait :
- Vous vous amènerez pour lâcher les vaches à quatre heures. il ne faut pas rester jusqu'à cinq heures. Il faut mener les vaches en champ. La semaine on [les] lâche tard parce qu'il y a le travail dans les champs mais les dimanches, il faut lâcher de bonne heure.

Alors on y allait. Quand on s'était bien amusé, on s'en allait. Des moments, ils [les garçons] disaient : Où allez-vous en champ ? Ils voulaient savoir. Ils nous observaient [patois : sugner], ils nous regardaient lâcher les vaches. S'ils voulaient venir, s'ils n'avaient pas envie de venir : ils faisaient comme ils voulaient. On passait devant le Pignodron puis, quand on avait un moment, on montait le long de la route. On faisait le va-et-vient. Mais enfin, quand on avait fait quelques danses on était contentes. C'est suivant comment il y avait du monde. S'il y avait bien du monde, ça faisait mais s'il n'y en avait pas beaucoup, on disait : Oh ! on ne s'y plaît pas bien, ils ne dansent pas bien ceux-là ! Foutons le camp d'ici.

Ça c'était l'été, mais quand arrivait l'automne, il commençait à y avoir des veillées, le dimanche. Il se disait : Il y a une veillée, chez Masson, chez la Patrick, le dimanche qui vient.
Ça se disait dans le hameau. Nous allions à la messe :
- Vous venez à Germagneux ce soir ? Il y a une veillée chez Patrick.
- Oh ! on ira peut-être faire un tour.

Mais, des moments, il y en avait ailleurs, aussi. Alors on y allait. Alors des moments, il y avait pas mal de gens. Il y en avait de loin, même. Alors s'il y avait du monde, on disait : Ben, non vieux, il y a pour rire, on va s'amuser.

En effet le patron jouait de l'accordéon. Il avait une espèce de… Il mettait, il avait un pique-feu. Il tapait sur quelque chose. Ça faisait : ding, ding, ding. […] un beau jazz. Eh oui ! il faisait son jazz mais il jouait bien, bien, bien. Il n'arrêtait pas de jouer. Ça nous intéressait, nous.

Des moments, il y avait des tables tout autour de la pièce puis la cuisine, là-bas, quand on était… La patronne disait : Passez de là, s'il n'y a pas de place. Mais on disait : Il y a des garçons.
- Tu veux pas boire un verre de limonade, boire quelque chose ?

Parfois, ils ne disaient rien, ça dépend, ça dépend qui c'était. On passait de bons moments, et puis quand on avait bien dansé, parfois jusqu'à deux heures, trois heures du matin, et que le lendemain la mère nous disait : Et que vous soyez "rendus" [
rentrés] de bonne heure, demain vous ne pourrez pas vous lever !

Mais nous n'étions pas pressées pour nous en aller surtout quand il y avait du monde et qu'il y en avait qui dansaient bien. S'il y en a qui dansaient mal, on n'avait pas bien envie d'y revenir. Eh ! bon, on nous l'avait reproché après. Ils disaient : Oh ! Toi, tu n'allais pas avec n'importe qui ! Je disais : Dansez avec une galoche, c'est pas bien intéressant ! On passait des bons moments, quoi. Et puis après, on allait se coucher.

Le lendemain, nous allions "en champ" ensemble, les jeunes, on en parlait. Untel, celui-là, il dansait bien. Et on passait de bons moments comme ça, quoi. En arrivant la mère disait :

- Eh ! bon, il fallait attendre qu'il fasse jour pour rentrer !
- Oui, oui, il y avait du monde. On voulait bien danser, en profiter. On n'en profitera pas dans vingt ans !
- Oh ! jeunesse ! Moi, je n'ai jamais dansé.
- Bien sûr, tu ne savais pas faire. Ça ne t'intéressait pas !


L'ouvrage du Thérèse Guillot : Dans le temps à Germagneux,
Village de Forez, 1999, est disponible au Centre social de Montbrison


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