Quand
nous étions jeunes, la jeunesse, nous nous réunissions,
le dimanche après-midi, à partir de midi jusqu'à
quatre cinq heures [dans un lieu qui] s'appelait le Pignodron.
Alors nous montions à la route ; moi, nous étions
j'étais dans le hameau. Nous nous réunissions, les
jeunes, toutes les filles qui étaient à peu près
du même âge. Il y en a qui étaient plus vieilles
[qui] partaient ailleurs. Mais nous étions toute
une bande. Nous nous réunissions dans un pré qu'on
appelait le Pignodron où mon garçon a bâti
son chalet. Nous nous réunissions, là. C'était
le rendez-vous des garçons, des filles. Les garçons,
des moments, ce n'est pas toujours qu'ils venaient. Il y en a
qui passaient à vélo. Ils disaient : Ah ! tiens,
arrêtons-nous, il y a une bande de jeunes, allons-y.
Et on s'amusait. [
?] une fois elle en attrapa un.
Elle lui dit : Allez viens seulement ! Nous nous mettrons à
la cime. Ils s'attrapèrent par
ils allèrent
tout le long du pré, jusqu'au fossé, en roulant,
en roulant. Ça faisait bien rire, bien sûr. Nous
nous amusions bien, quoi.
Et puis
après, quand on avait bien [ri]
: Si on descendait dans le fond [le
bas]
du hameau ? Et dans le village, il y avait le café Masson
- comme on l'appelait - un bistro. Il était cantonnier.
Et les dimanches, il avait l'accordéon. Il jouait de l'accordéon.
Parfois il n'y avait personne mais, pour nous attirer, il jouait
de l'accordéon. On disait : Il joue de l'accordéon.
Si on allait voir ? On ne ferait qu'une danse et on s'en irait
s'il n'y a personne.
Alors [au
bout d'un moment ?]
il sortait et disait :
- Venez, venez, venez, n'ayez pas peur ! il nous disait.
Et, bien sûr, si on y allait, les jeunes venaient aussi.
Il y des moments, il y a des jeunes qui descendaient, même
quelques vélos qui s'arrêtaient - qui allaient plus
loin - [et
qui]
allaient boire un canon. Nous les attirions. On rentrait, on fait
une danse, on était deux ou trois. Et puis ça attirait
du monde. Nous nous amusions bien, quoi.
Et puis,
quand arrivait quatre heures, il fallait penser à s'en
aller pour aller "en champ" [au
pré]
parce que notre mère nous disait :
- Vous vous amènerez pour lâcher les vaches à
quatre heures. il ne faut pas rester jusqu'à cinq heures.
Il faut mener les vaches en champ. La semaine on [les] lâche
tard parce qu'il y a le travail dans les champs mais les dimanches,
il faut lâcher de bonne heure.
Alors
on y allait. Quand on s'était bien amusé, on s'en
allait. Des moments, ils [les
garçons]
disaient : Où allez-vous en champ ? Ils voulaient savoir.
Ils nous observaient [patois
: sugner],
ils nous regardaient lâcher les vaches. S'ils voulaient
venir, s'ils n'avaient pas envie de venir : ils faisaient comme
ils voulaient. On passait devant le Pignodron puis, quand on avait
un moment, on montait le long de la route. On faisait le va-et-vient.
Mais enfin, quand on avait fait quelques danses on était
contentes. C'est suivant comment il y avait du monde. S'il y avait
bien du monde, ça faisait mais s'il n'y en avait pas beaucoup,
on disait : Oh ! on ne s'y plaît pas bien, ils ne dansent
pas bien ceux-là ! Foutons le camp d'ici.
Ça
c'était l'été, mais quand arrivait l'automne,
il commençait à y avoir des veillées, le
dimanche. Il se disait : Il y a une veillée, chez Masson,
chez la Patrick, le dimanche qui vient.
Ça se disait dans le hameau. Nous allions à la messe
:
- Vous venez à Germagneux ce soir ? Il y a une veillée
chez Patrick.
- Oh ! on ira peut-être faire un tour.
Mais, des moments, il y en avait ailleurs, aussi. Alors on y allait.
Alors des moments, il y avait pas mal de gens. Il y en avait de
loin, même. Alors s'il y avait du monde, on disait : Ben,
non vieux, il y a pour rire, on va s'amuser.
En effet
le patron jouait de l'accordéon. Il avait une espèce
de
Il mettait, il avait un pique-feu. Il tapait sur quelque
chose. Ça faisait : ding, ding, ding. [
] un beau
jazz. Eh oui ! il faisait son jazz mais il jouait bien, bien,
bien. Il n'arrêtait pas de jouer. Ça nous intéressait,
nous.
Des moments,
il y avait des tables tout autour de la pièce puis la cuisine,
là-bas, quand on était
La patronne disait
: Passez de là, s'il n'y a pas de place. Mais on
disait : Il y a des garçons.
- Tu veux pas boire un verre de limonade, boire quelque chose
?
Parfois, ils ne disaient rien, ça dépend, ça
dépend qui c'était. On passait de bons moments,
et puis quand on avait bien dansé, parfois jusqu'à
deux heures, trois heures du matin, et que le lendemain la mère
nous disait : Et que vous soyez "rendus" [rentrés]
de bonne heure, demain vous ne pourrez pas vous lever !
Mais nous
n'étions pas pressées pour nous en aller surtout
quand il y avait du monde et qu'il y en avait qui dansaient bien.
S'il y en a qui dansaient mal, on n'avait pas bien envie d'y revenir.
Eh ! bon, on nous l'avait reproché après. Ils disaient
: Oh ! Toi, tu n'allais pas avec n'importe qui ! Je disais
: Dansez avec une galoche, c'est pas bien intéressant
! On passait des bons moments, quoi. Et puis après,
on allait se coucher.
Le lendemain,
nous allions "en champ" ensemble, les jeunes, on en
parlait. Untel, celui-là, il dansait bien. Et on passait
de bons moments comme ça, quoi. En arrivant la mère
disait :
- Eh
! bon, il fallait attendre qu'il fasse jour pour rentrer !
- Oui, oui, il y avait du monde. On voulait bien danser, en profiter.
On n'en profitera pas dans vingt ans !
- Oh ! jeunesse ! Moi, je n'ai jamais dansé.
- Bien sûr, tu ne savais pas faire. Ça ne t'intéressait
pas !
L'ouvrage
du Thérèse Guillot : Dans le temps à Germagneux,
Village de Forez, 1999, est disponible au Centre social
de Montbrison