Patois vivant


Mariages d'autrefois



souvenirs de Thérèse Guillot

 

Mariages d'autrefois

souvenirs de Thérèse Guillot (née en 1915 à Germagneux, commune de Saint-Bonnet-le-Courreau)
racontés au cours d'une veillée en patois de Saint-Bonnet-le-Courreau (Loire)


pour écouter cliquer ci-dessous

(4 min 17 s)

Enregistrement effectué au cours des veillées "Patois Vivant"
au Centre Social de Montbrison de 1997 à 1999 par André Guillot et Joseph Barou

Il faut que je vous parle d'un mariage qui s'est passé à Germagneux : la Justine de chez Jambin. J'étais toute gamine, j'étais à l'école, bien sûr. Je ne sais pas l'âge que j'avais, pas bien vieille toujours. Il y avait un mariage qui se passait à Germagneux : une fille qui se mariait avec un de Châtelneuf. Alors l'institutrice nous fit sortir ["passer dehors"] pendant la récréation pour pouvoir voir ce qui se passait.

Nous avons vu toute une bande de chars à bancs qui montaient. Ils étaient tous pareils : c'était tout peint - et il y en avait une bande - c'était tout enrubanné, tout enrubanné. Oh ! la la ! On disait : On n'en a jamais vu comme ça. Et, bien sûr, ils montaient. Ils faisaient un beau mariage quoi. D'abord, ils étaient nombreux... Il y avait même des belles-soeurs de ma mère qui étaient des cousines germaines [de la mariée].

Et quand ils furent en haut du "village" [le hameau] - à cette époque [ça se faisait], et ça se fait certainement encore à d'autres endroits, - ils avaient barré [la route] pour empêcher de partir [la mariée]. Ils avaient mis un fil de fer et puis une table pour les recevoir, quoi. Alors, il y avait des gâteaux, des liqueurs, quoi ! Bien sûr, il fallait qu'elle [la mariée] descende. Ils ne passaient pas, autrement.

Mais nous regardions surtout ce qui était tout enrubanné ; c'était tout... les chevaux, c'était tout harnaché, ça brillait, partout. Eh ben ! bon sang ! Eh ben ! c'est un beau mariage !

Et moi non plus, j'étais tout à fait gamine, je n'en avais jamais vu comme ça. Et puis quand ils eurent fait [franchi le barrage]... ça dura un moment. Et puis il y avait l'accordéon, en tête, qui jouait. Je n'avais jamais entendu ça. C'était intéressant... Ils mettaient l'assiette, la corbeille, pour mettre des sous, bien sûr. Et puis après, ils firent un bon mariage.

Et puis, quelque temps après - ils appelaient ça le rouchin (1)- [avec] les sous qu'ils avaient ramassés, ils se réunissaient, ils choisissaient un moment qui leur accordait mieux pour inviter ceux de la noce et puis ceux qui avaient participé à la haie (?), à les barrer, quoi... Alors se passait une bonne veillée. On mangeait, s'il n'y en avait pas assez [de l'argent], il y en a qui ajoutaient. Et puis je ne me rappelle plus si ça s'est fait - j'étais toute gamine.

*

*    *

Mais tout ce que je me rappelle, il y avait un autre mariage qui s'était fait à Germagneux. J'étais bien plus vieille parce que... Alors ici, ils avaient fait allumer les jeux, les feux de joie pour carnaval. Alors je ne voulais pas y aller parce que c'était pendant la guerre. On n'avait pas tout ce qui fallait. Et puis mon homme était prisonnier. Je ne voulais pas y aller. Et j'y allais quand même ; ça se passait au village.

Et il y avait deux salles. Ils nous reçurent bien. Tout ce qu'ils pouvaient : des châtaignes, du vin, du café. Il se but... Il se passa une bonne nuit, jusqu'à sept heures du matin. Il y avait deux salles : d'un côté les vieux, de l'autre les jeunes. Ils avaient chacun leur accordéoniste. Et les jeunes disaient : Baste pour ça ! Ils ne pouvaient pas rentrer. C'était fermé à l'intérieur. Ils faisaient le tour de la "croisée"
[la fenêtre], après ils disaient :

Oh ! la la ! Venez voir les vieux comme ils s'amusent. Ils s'amusent, ils s'amusent mieux que nous. Et c'est fermé, on ne peut pas y aller.

Et il y avait de ces femmes - qui étaient vieilles -, qui levaient la gigue, qui levaient la gigue. Puis il y en avait qui avaient bu un petit coup [un petit "canon"]. Ils ne savaient pas... Mais ils faisaient des jeux que je n'avais jamais vus parce que je n'étais pas bien vieille d'abord mais il y en avait de plus vieilles qui y étaient... Ils s'amusaient bien plus.

*

*    *

Mais j'ai assisté aussi, à un endroit où j'étais placée où la belle-fille s'était mariée, le garçon s'était marié l'année d'avant. Et pour le carnaval, aussi, ils firent un feu de joie. Ils firent un grand feu, pour le Mardi gras, le dimanche après le Mardi gras. Et puis, par devant, quand on y alla, c'était tous des couples, garçons et filles, tous en couple. Les mariés n'étaient pas les premiers, c'étaient les jeunes qui étaient les premiers et les mariés en dernier. Et il y en a un, qui était devant, qui balayait, qui balayait, qui balayait jusqu'à ce qu'ils soient arrivés au feu de joie.

Et puis, là aussi, ils firent un bon feu qui dura un moment parce que les jeunes avaient accroché ça [le bois] tout le dimanche. C'est le dimanche soir que cela se passa. Et là aussi, nous avons passé toute la nuit, toute la nuit à danser jusqu'à sept heures du matin. Je m'en suis rappelé, ici, parce que j'y avais assisté. J'étais placée à cet endroit. Et ça se passa bien, quoi. Ce fut une veillée merveilleuse, quoi. Eh ben ! Mon vieux. Et puis ils s'amusaient bien. Les uns chantèrent des chansons qui étaient bien vieilles. Et puis on s'est bien amusé, quoi.

Ils avaient donné du jambon, du saucisson, des gâteaux. Ils avaient fait des gâteaux. Il y avait aussi des cacahouètes. Il y avait vin blanc, vin rouge. Il y avait du "quina"[Quinquina]. Ici, nous avons passé un dimanche, une veillée, toute une veillée merveilleuse. Je n'ai rien oublié. Et voilà.


(1) Festin de retour de noces, cf. rouchain L.-P. Gras, Dictionnaire du patois forézien, 1863.



Mariage à Saint-Bonnet-le-Courreau, vers 1930, l'accordéoniste est en tête du cortège

cliché de Marcel Roinat extrait de Marcel et Simone Roinat-Dumont,
"Saint-Bonnet-le-Courreau, années 1930-1950", Cahier de village de Forez, 2009


L'ouvrage du Thérèse Guillot : Dans le temps à Germagneux,
Village de Forez, 1999, est disponible au Centre social de Montbrison


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