Patois vivant


 

 

Souvenirs

de Pierre Dumas
(1911-1995)

 

Sevrage difficile

enregistrement le 7 décembre 1983
au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison, rue de Clercs


(patois de Saint-Didier-sous-Rochefort)

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 1 s)

La scène se passe à Saint-Julien-la-Vêtre, vers 1915-1916. Le battage de la moisson se faisait au fléau.

Une fois, [nous] avions un voisin qui avait deux ou trois gamins. Et il y en a un, c'était un garçon, c'était une forte tête. Pas moyen de le sevrer [détrier]. Pas moyen de le sevrer, tu n'as pas compris [le mot en patois] ? Pas moyen de le sevrer. Vous avez bien compris ? Pas moyen, pas moyen. Alors, que faire ? Oh ! Le père dit - il s'appelait Jean-Pierre :

- Il faudra bien que tu t'en passes. Bientôt, on va battre la moisson et il faudra bien que ta mère m'aide [me donne la main]. Tu comprends qu'elle n'aura guère de lait.

Arrive le moment et mon [Jean-Claude ?] voulait toujours téter, toujours téter. Pas moyen… Ah ! maman, je veux téter, je veux téter… Ben oui, mais tu sais, c'est d'abord le moment… C'est d'abord le moment de battre, hein !… Tu vois, la semaine qui vient, nous allons battre. Alors, bon, arrive le moment de battre.

La mère va battre avec le père et tous les deux : pin, pan, pan, pin, pan, pan ! Et à midi et après-midi, il a dit :

- Maintenant je veux téter une goutte.
- Tu sais bien, je n'ai plus de lait, mon pauvre. Tu as bien vu que j'étais en train de battre. Je n'ai plus de lait
.

Ah ! oui, mais rien à faire. Et que je pleure, et que je pleure. Tant et si bien que la mère eut encore du lait le soir. Elle dit : Mais c'est la dernière fois, tu sais. Demain tu iras voir la mère Barjon. La mère Barjon c'était ma mère. Tu iras voir la mère Barjon, si elle veut t'en donner. Je n'ai plus de lait, je ne peux plus t'en donner, je suis en train de battre.

Alors bon, le lendemain, le même refrain :

- Je veux téter, maman, je veux téter.
- Eh ! je n'ai plus de lait. Tu sais bien que je suis en train de battre.
- Ah ! Ça ne fait rien, ça ne fait rien.
- Va-t-en voir la mère Barjon.

Il ne voulait pas aller voir la mère Barjon. Que faire ? La mère lui donna encore à téter. Le lendemain, même refrain. Mais la mère dit : Attends un moment, je l'aurai bien. Alors, qu'est-ce qu'elle fit ? Elle alla sur le rond du poêle et puis alors elle frotta bien le téton [pousson : sein, téton] avec du noir. Ça fait qu'elle avait le téton tout noir. Alors elle dit : Eh bien ! tu vois, je ne peux plus te donner, je ne peux plus te donner. Mes seins ne sont plus pareils. Tu es bien obligé d'aller voir la mère Barjon.

Et il alla, - foutre bien -, voir la mère Barjon. Mais la mère Barjon lui dit : Eh ! mais moi, je suis en train de battre. Ça fait qu'il revint encore voir la maman. Et la maman avait prévu le coup et lui fit voir le sein : Oh ! maman, tu t'es fait mal, tu t'es fait mal ? Fais voir. Ça ne fait rien. [Il faut] essuyer le "pousson", il faut essuyer le "pousson".

Et voilà, c'est fini comme ça. Je me rappelle de ça, qu'il a fallu essuyer le "pousson" quand même. Rien à faire pour le sevrer. Moi, j'étais un petit peu plus grand, pense si je m'en rappelle !

Qui était l'ami Pierre ?
Pierre Dumas

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