La
scène se passe à Saint-Julien-la-Vêtre,
vers 1915-1916. Le battage de la moisson se faisait au fléau.
Une
fois, [nous] avions un voisin qui avait deux ou trois gamins.
Et il y en a un, c'était un garçon, c'était
une forte tête. Pas moyen de le sevrer [détrier].
Pas moyen de le sevrer, tu n'as pas compris [le
mot en patois]
? Pas moyen de le sevrer. Vous avez bien compris ? Pas moyen,
pas moyen. Alors, que faire ? Oh ! Le père dit -
il s'appelait Jean-Pierre :
-
Il faudra bien que tu t'en passes. Bientôt, on va
battre la moisson et il faudra bien que ta mère m'aide
[me donne la main]. Tu comprends qu'elle n'aura guère
de lait.
Arrive
le moment et mon [Jean-Claude ?] voulait toujours téter,
toujours téter. Pas moyen
Ah ! maman,
je veux téter, je veux téter
Ben oui,
mais tu sais, c'est d'abord le moment
C'est d'abord
le moment de battre, hein !
Tu vois, la semaine qui
vient, nous allons battre. Alors, bon, arrive le moment
de battre.
La
mère va battre avec le père et tous les deux
: pin, pan, pan, pin, pan, pan ! Et à midi et après-midi,
il a dit :
- Maintenant je veux téter une goutte.
- Tu sais bien, je n'ai plus de lait, mon pauvre. Tu as
bien vu que j'étais en train de battre. Je n'ai plus
de lait.
Ah
! oui, mais rien à faire. Et que je pleure, et que
je pleure. Tant et si bien que la mère eut encore
du lait le soir. Elle dit : Mais c'est la dernière
fois, tu sais. Demain tu iras voir la mère Barjon.
La mère Barjon c'était ma mère. Tu
iras voir la mère Barjon, si elle veut t'en donner.
Je n'ai plus de lait, je ne peux plus t'en donner, je suis
en train de battre.
Alors
bon, le lendemain, le même refrain :
- Je veux téter, maman, je veux téter.
- Eh ! je n'ai plus de lait. Tu sais bien que je suis en
train de battre.
- Ah ! Ça ne fait rien, ça ne fait rien.
- Va-t-en voir la mère Barjon.
Il
ne voulait pas aller voir la mère Barjon. Que faire
? La mère lui donna encore à téter.
Le lendemain, même refrain. Mais la mère dit
: Attends un moment, je l'aurai bien. Alors, qu'est-ce qu'elle
fit ? Elle alla sur le rond du poêle et puis alors
elle frotta bien le téton [pousson :
sein, téton]
avec du noir. Ça fait qu'elle avait le téton
tout noir. Alors elle dit : Eh bien ! tu vois, je ne
peux plus te donner, je ne peux plus te donner. Mes seins
ne sont plus pareils. Tu es bien obligé d'aller voir
la mère Barjon.
Et
il alla, - foutre bien -, voir la mère Barjon. Mais
la mère Barjon lui dit : Eh ! mais moi, je suis
en train de battre. Ça fait qu'il revint encore
voir la maman. Et la maman avait prévu le coup et
lui fit voir le sein : Oh ! maman, tu t'es fait mal, tu
t'es fait mal ? Fais voir. Ça ne fait rien. [Il
faut]
essuyer le "pousson", il faut essuyer le "pousson".
Et
voilà, c'est fini comme ça. Je me rappelle
de ça, qu'il a fallu essuyer le "pousson"
quand même. Rien à faire pour le sevrer. Moi,
j'étais un petit peu plus grand, pense si je m'en
rappelle !