Patois vivant



Maurice Brunel en avril 1999
au cours d'une veillée patois
au Centre social de Montbrison

 

Les collets-verts

Maurice Brunel

(patois d'Essertines-en-Châtelneuf)

enregistré au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison
, 13, place Pasteur

pour écouter cliquer ci-dessous

(2 min 25 s)


C'est une histoire qui se passait à Malleray. Je l'ai un peu arrangée mais il y a un peu de vrai, dedans. Cela se passait un samedi . Les samedis, à Malleray et ailleurs, tous ceux qui avaient un cheval, ils attelaient un cheval pour mener vendre la "pidanse" (1) - comme on l'appelait - en ville : les oeufs, le fromage, le beurre... quand il y avait des chevreaux, beaucoup de choses [mé que d'une, plus d'une], quoi... un panier de pommes de terre...

Et les samedis, la bourgeoise descendait et vendait le beurre, les oeufs et les fromages au marché du beurre, place des Combattants, quoi. Et pendant ce temps les hommes allaient chercher le pain, achetaient parfois des fers pour ferrer les vaches ou les boeufs, parfois une faux [daille], ce qu'il fallait... des fois des graines, plusieurs choses...

Et puis, souvent, ils se trouvaient avec des gens des communes voisines qu'ils n'avaient pas vus depuis quelque temps. Ils allaient trinquer. Et, à cette époque, on ne trinquait pas comme aujourd'hui, au verre. Ils payaient une chopine. Les chopines ne tenaient pas un demi-litre comme aujourd'hui. Enfin chacun payait sa chopine et quand ils rentraient, parfois, ça "flessait" (2) un peu, quoi !

Et notre Tienne qui aimait encore bien boire son canon. Mais enfin, il n'était pas tout seul. J'avais remarqué, les samedis, quand mon père revenait d'en ville, [qu'] il trouvait les choses bien plus jolies que le vendredi qui n'était jamais que la veille.

Alors ce samedi, le Tienne a acheté des graines, de "carottes"(3), de collets-verts, pour semer une raie de parsonnades (4), deux ou trois salades. Et moi, je semais des pommes de terre, à côté. Et il monta semer ses collets-verts.

Il avait fait les raies la veille, bien comme il faut, à l'araire, mais il faut décrêter... parce que, avec l'araire, ça fait des raies pointues. Il faut décrêter avec un bechu (5) puis le tracer avec un piochon et semer. Et ça, cela se fit à peu près, mais quand vint le moment de semer les collets-verts, c'est que là il faut se baisser, la main à ras de terre. Et ici, ça se tâtait parce que la tête l'emmenait, il manquait de piquer du nez [piqué pouré, planter poireau]. Il fallait se reprendre.

Alors je me dis : "je ne sais pas bien comment ils seront semés, ces collets-verts". Enfin, baste, il sema ses collets-verts. Et, quelque temps après, je me trouvais de monter piocher les pommes de terre que j'avais semées. Il était en train de piocher ses collets-verts. Nous avons discuté, quoi.

Il me dit : "Je ne sais pas ce qu'ils ont ces collets-verts, je trouve qu'ils sont mal sortis". Oh ! Je regardais un peu. Il y a bien des endroits, ils étaient épais comme les cheveux, des endroits où il en manquait un peu. Il me dit :

- Je crois que c'est les bêtes qui les ont mangés.
- Oh ! non, je dis, je crois que non. Je crois que ce jour, il faisait un peu d'air.

(1) Les denrées qui se vendent au marché.
(2) Titubait.
(3 Il s'agit, en fait, de betteraves ; les carottes sont appelées "racines" ou "parsonnades".
(4) Carottes.

(5) Pioche à trois becs recourbés.

La place des Combattants, à Montbrison,
où se tenait le marché du beurre

re
tour


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mise à jour le 10 août 2011