Patois vivant



Maurice Brunel en avril 1999
au cours d'une veillée patois
au Centre social de Montbrison

 

Le feu à Malleray, le 15 août 1892

Maurice Brunel

(patois d'Essertines-en-Châtelneuf)

enregistré au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison
, 13, place Pasteur

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 34 s)


Alors je ne vais pas vous raconter une histoire bien rigolote. C'est un peu d'histoire que je vais faire. Je vais vous conter ce qui se passa le 15 du mois d'août 1882 dans le hameau de Malleray, ça ne date pas d'aujourd'hui. Ma grand-mère avait douze ans.

Le 15 du mois d'août à Essertines, il y avait une procession, avant les vêpres. Ils faisaient le tour du cimetière. Ils descendaient par le chemin que nous appelons le chemin du Diable. Et quand ils arrivèrent à la croix du Heurt - cette croix se trouve en face du hameau de Malleray, mais de l'autre côté du Vizézy - les gens se mirent tous à gueuler : "Il y a le feu, il y a le feu ! Au feu !"

Et, en effet, il y avait le feu, à Malleray, en face. Il y avait deux maisons qui brûlaient ; ça fait que la procession, ce fut la vraie débandade. Les hommes et tous ceux qui habitaient Malleray s'en allèrent à fond de train, au galop. Enfin il y en a déjà pour un petit moment pour aller à Malleray, d'Essertines. Il faut une demi-heure à pied. Il faut descendre au Vizézy, il faut remonter. Mais enfin, tous ceux qui étaient un peu valides allèrent porter secours, quoi !

Et, bien sûr, il faisait du vent, en plus. Alors ils montèrent sur le toit. Ils cherchaient l'eau, avec des seaux, parce que, à ce moment, les pompiers n'existaient pas. Et à Malleray, il n'y a pas tellement d'eau au mois d'août. Il y a bien quelques boutasses [reserves d'eau] dans les environs. Je ne sais pas comment ils firent.

Mais le pire qui se passa, [c'est que] le vent était tellement grand que ça amenait des bourrasques [de z'ébufle] et il y avait deux maisons dans le pré, à 70 ou 80 mètres et des maisons derrière - il y avait chez Duchez et chez Chaland, chez Jean Chaland où je demeure, moi - qui avaient des ouvertures sur le pré où ils passaient le foin. Et les bourrasques amenèrent des étincelles, ça fait que sans parler de deux maisons qui brûlaient, il y en avait quatre.

Alors je ne sais pas comment ils se démerdèrent. Ils arrivèrent à sauver un peu les habitations ; les granges, les fenières, tout brûla. En plus, le curé vint. Le curé s'appelait L... Il vint conjurer le feu. Bon, je ne sais pas le résultat. A la tombée de la nuit, il leur dit : "Faites attention parce qu'il y en a qui sont venus aider mais il y en a [aussi] qui sont venus pour vous piller. Ils avaient bien sorti ce qu'ils pouvaient des bâtiments : le linge, beaucoup de choses [littéralement : mé que d'une, plus d'une]..? Ils avaient fait des tas dans les prés. En effet, le lendemain, quand ils menèrent les vaches "en champ" sous le hameau, ils trouvèrent des draps, des serviettes qu'ils avaient semés en s'en allant. [c'était] Des gens qui avaient pillé.

Le père Epinat dans le bulletin paroissial qui était édité par le père Bouillot au début et après par le père P...., le père Epinat - il était professeur aux facultés catholiques de Lyon, d'histoire et de géographie - et il disait qu'il n'y avait que les granges et les fenières qui avaient brûlé et qu'ils avaient sauvé les habitations. Mais moi, je ne suis pas tout à fait d'accord, parce que, moi, j'ai fait faire des réparations il y a quelques années, et dans les murs - dans le temps, il y avait des placards dans les murs, les murs étaient épais, ils faisaient des placards - nous avons enlevé le crépissage... et dans les murs, au-dessus des placards, nous avons trouvé des morceaux de bois qui avaient brûlé, qu'ils avaient laissés. Donc il y avait des morceaux de maisons qui avaient brûlé.

Alors je ne sais pas comment cela se passa. Le foin, bien sûr, il fut probablement tout perdu. Il y avait du grain - il y avait chez Baudou et chez Duchez. Chez Baudou, ils avaient un moulin, à la suite d'un partage de chez Duchez parce que Baudou était un gendre qui était resté et ils avaient partagé la propriété, et ils avaient du grain. Et le grain, je ne sais pas combien de jours le grain brûla.

Alors je ne sais pas comment ils firent pour se tirer d'affaire. Ma grand-mère l'a peut-être dit mais je ne m'en rappelle plus. Mais ce ne dut pas être un jour bien rigolo.

Village de Malleray
(octobre 1957, photo d'un reportage de Paysan de la Loire)


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mise à jour le 9 août 2011