Patois vivant



Maurice Brunel en avril 1999
au cours d'une veillée patois
au Centre social de Montbrison

 

Retour de veillée

Maurice Brunel

(patois d'Essertines-en-Châtelneuf)

enregistré au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison
, 13, place Pasteur

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 45 s)


Alors, c'est une histoire qui est vraie, ça ; ça se passait c'était la fin de la guerre mais je ne peux pas bien me rappeler l'année que c'était.

Nous allions veiller à Bard à cette époque. Moi, j'habite à Essertines, sur la route de Châtelneuf et ma grand-mère habitait à Bard, chez son frère, au bourg de Bard. Et pour y aller il faut franchir trois vallons, trois ponts, trois rivières : le Vizézy, la Trézaillette et le Cotayet. il y en a pour une heure et demie. Et nous y allions en veillée. Il faut encore être courageux, quoi ! Mais enfin nous y allions de temps en temps. Et, en général, nous y allions quand c'était clair de lune parce que nous avions bien des lanternes à la maison mais mon père disait : "Oh ! nous connaissons bien le chemin, nous n'avons pas besoin de lanternes". Il fumait, il avait un briquet, bon ! Nous partions.

Nous partions souvent à la tombée de la nuit [à bord de nuit]. Nous mangions avant de partir. Et parfois nous ne mangions pas parce que nous allions manger un morceau de cochon. Alors nous partions tous les trois. Parfois il y avait ma soeur. Ils [les autres enfants] étaient plus jeunes. Ils venaient bien ensuite mais enfin, cette fois, nous n'étions que tous les trois.

En arrivant au Moulin, comme nous l'appelions, au VIzézy, mon père coupait à chacun un bâton de noisetier pour faire le chemin. Et nous voilà partis, quoi ! Nous arrivions, bien sûr, il faisait nuit. Et il y avait le frère de ma grand-mère chez qui... Elle avait deux frères, ma grand-mère, il y en a un qui habitait à la cime du bourg de Bard, au Pic et l'autre le Pierre - elle était chez Pierre - habitait au bourg, en bas. Nous nous arrêtions en passant chez tonton Joannès pour dire bonjour et il nous disait toujours : "En remontant, passez [chez nous], on vous attendra." Alors nous descendions en bas. Nous mangions [ou] nous ne mangions pas. Nous buvions et puis nous nous en allions. Nous passions chez le tonton Joannès.

Et, cette fois, c'était bien clair de lune quand nous étions partis mais quand nous sommes sortis de chez le tonton Joannès c'était noir, et noir. Jamais je n'ai vu noir comme ça. Alors nous voici partis. Nous connaissions bien le chemin, bien sûr, mais pour se diriger heureusement que nous avions les bâtons. J'étais devant. Il fallait tâter le mur du côté d'en haut parce qu'il ne fallait pas sauter en bas.

Mais nous avons mis je ne sais pas combien de temps pour rentrer. Et toutes les fois, un endroit où nous ne voyions pas bien, mon père [donnait] un coup de briquet. Un peu qu'on voyait, on pouvait continuer. Nous sommes arrivés comme ça jusqu'au moulin, [ainsi que] que nous [l'] appelions, enfin le pont, le dernier pont. Et nous l'avons traversé. Un coup de briquet mais le briquet, il n'avait plus d'essence, il fallait brûler le coton, mais enfin, baste !

Et après il y avait encore la levée, la levée, franchir le pont de la levée. Ce n'est pas que c'était bien dangereux, mais enfin bien dangereux... Il ne fallait pas s'approcher d'en bas parce que, à cette époque, il y avait encore le moulin de l'André qui tournait. Alors il y avait la chute, et du côté d'en bas nous risquions d'avoir des histoires.

Alors moi, je tâtais du côté d'en haut. Il y avait un petit mur qui tenait la levée, et je savais que du côté d'en haut il y avait une pierre de moulin qui était dessus la levée. Alors comme j'arrivais - je l'avais trouvée - je dis : "Il faut passer ici".

Et juste à ce moment - je ne sais pas ce qui se passa, jamais je n'ai pu le savoir -, il se fit une clarté comme si ç'avait été une étoile filante. Cela nous éclaira pour passer le pont. Cela dura le temps de compter jusqu'à cinq, pas plus. Nous avons passé le pont et nous n'avons jamais su ce qui s'était passé.

C'était à la fin de la guerre. Après j'ai pensé, peut-être, qu'il y avait quelqu'un qui attendait quelque chose, je ne sais quoi, qui avait envoyé, peut-être une fusée éclairante, je n'en sais rien. Enfin, ça se peut, ça se peut, parce qu'on nous entendait discuter. On discutait : "Ici, attention, la pierre... c'est ici, c'est là... il y a le pré de la Toinette..." Moi, j'étais devant. Nous disions où nous étions. Est-ce que c'est quelqu'un qui attendait quelque chose ? Je ne l'ai jamais su.

Ah ! non, ça ne dura pas, comme si c'était une étoile filante qui nous éclaira juste pour passer le pont, le temps de compter jusqu'à cinq à peu près. Nous n'avons pas su ce que c'était. Je crois que c'était une étoile filante ou comme une fusée éclairante. C'était à la fin de la guerre, ça. Alors il se passait tout un tas de choses, à cette époque. On ne peut pas savoir.

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mise à jour le 6 août 2011