A
Essertines, il y a quelques années... Je vais vous parler
de ce qui s'est passé à Bard. Je connais un peu
Bard, étant gamin [j'y suis resté] mais je
n'y étais plus à cette époque ; ça
se passait au temps de la guerre d'Algérie mais je ne me
rappelle plus l'année. Mon cousin - enfin le cousin germain
de mon père - était mobilisé en Algérie.
Alors un samedi, il trouva mon père ; il trouva mon père
et ils convinrent que j'aille lui "donner la main" pour
la machine [le battage]. Et j'y allai pour la machine.
A
midi, il y a le Marcel Joannin de Prassouroux, qui est mort il
y a quelques années, qui se mit à raconter - je
ne sais pas comment cela "tomba sur la table" -
[une histoire] sur
les farces. Et il se mit à raconter une farce qu'on lui
avait faite. Je me rappelle toujours, il était assis à
côté de moi. Et ça se passait pour la mi-août
à Essertines, ça. La nuit de la mi-août, du
15 au 16. A cette époque la mi-août c'était
toujours le jour, ce n'était pas, comme aujourd'hui, avancé
ou reculé.
[une
voix de femme]
C'est pas avancé, c'est toujours le jour, le jour...
Ah
! mais, aujourd'hui, les fêtes, non ! A Essertines, la fête,
ils avancent la fête. Ah ! mais pas la fête religieuse...
Et
cette fois, la nuit, c'était clair de lune. Et Marcel Joannin,
il avait une terre d'avoine qui était moissonnée
et les gerbes étaient liées par terre. Et le lendemain,
le lendemain de la mi-août, quoi, il alla pour "accrocher"
[rassembler]
ses gerbes. Qu'est-ce qu'il vit : en passant la nuit, on lui avait
fait un "cuchon".
[une
voix dans l'assemblée] Il
avait de la chance !...
Et
il ne sut pas qui c'était. C'était des "vaillants"
[courageux].
C'était des jeunes qui étaient allés à
la fête à Essertines et "en se rendant"
[en
rentrant],
ils dirent : "On va faire une farce à Marcel".
Alors ils se mirent à rassembler les gerbes et firent un
"cuchon" mais le "cuchon" était cuché
à rebours. Il était cuché l'épi plus
bas que le derrière de façon à ce que, s'il
avait plu, ça boive la tasse. Et il ne savait pas qui c'était...
Un
samedi - enfin je ne me rappelle plus exactement comment il l'a
raconté - il trouva une bonne femme du Montel, une veuve.
Je ne sais pas de quoi ils discutèrent. Elle lui dit :
"J'ai un garçon, je ne sais pas où ils ont
passé le jour de la fête à Essertines. Il
"s'est rendu"
[est rentré] c'était
pas jour
[juste avant le lever du jour],
ses habits tout "bouduchonnés" [fripés]
et
les pleines poches de "baloufe" [balle]
d'avoine..."
Alors
il dit : "J'en connais déjà un !" Je crois
bien que le jour où il l'a racontée [cette
farce],
à la machine, à table, il y en avait deux autres
qui y étaient.
Un jour de battage