Patois vivant


 



Célestin Masson

L'estive

 

 

L'estive

Célestin Masson

(patois de Roche-en-Forez)

souvenirs enregistrés au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison, rue de Clercs, au début des années 80

pour écouter cliquer ci-dessous

(2 min 44 s)

(traduction : Joseph Barou)

Alors moi, comme je suis né dans les jasseries à 1 300 mètres d'altitude (1), nous autres, il fallait suivre la maman. Nous faisions l'estive, quoi. On avait des loges. Alors nous commencions de déménager de Montvadan (2) pour monter à Goutte-Fier le 4 ou 5 du mois d'avril. Du 10 au 15 mai, il fallait à nouveau plier bagages. Alors bon, nous, ce n'est pas qu'on chauffait… C'était la chaudière qui faisait tout. C'était la salle à coucher, la cuisine, la salle pour faire les fromages… Ça faisait tout, quoi. Et il y avait des endroits, certains endroits, il n'y avait même pas de plancher, ce n'était que de la terre battue par terre. Alors le feu et la chaudière…

              Une chaudière

Alors, le matin, tu allumais la chaudière pour faire chauffer le café, tu mettais […?], alors le feu, il n'y avait pas de fourneau, il n'y avait rien du tout, la crémaillère, le machin… Alors après, nous autres, quand on voulait changer de loge, on ramassait de la feuille, avec le […?] tout ça, dans le tombereau. On déménageait les fourmes. Et nous voilà partis. La vache, la plus vieille, c'était la maîtresse, tu lui mettais la cloche [échingle] et nous voilà partis. Nous montions à Champclose. A Champclose, nous restions un mois et demi. C'était tout à fait les nomades, quoi. Puis on revenait à Plan Chevallat. De Plan Chevallat repasser à Champclose puis à Goutte-Fier.
- Vous avez trois loges alors ? [intervention d'une dame]
- Trois loges, oui !

Et il y en a deux où on passait deux fois. A Plan Chevallat, seulement une fois. A Plan Chevallat on ne restait que le mois de juillet et jusqu'au 20 août, à peu près, les grandes chaleurs. C'est là qu'on faisait les meilleures fourmes, quoi. On redescendait vers le 7, 8, à la Saint-Martin, le 11 novembre. On retournait à l'école.

Quand j'ai quitté les loges, alors après… à sept à huit ans, huit ans. Alors après je crois que mon oncle est parti et on a pris des vachères, la Marie qui faisait la vachère à son compte. Alors après, à quatorze, à treize, quatorze ans, je retournais faire un autre "stage", je remontais garder les vaches – "vachéron ?" [intervention de Philippine Chambon] – vacheron.

C'est là qu'on m'avait acheté un accordéon pour me faire jouer de la musique. J'avais peur des filles, alors je… - Tu y es bien passé ! [intervention de Jean Chambon]. On avait une échelle pour monter là-haut [démon], alors quand il y en avait quatre ou cinq qui voulaient danser je montais avec l'accordéon et j'enlevais l"échelle pour qu'ils n'aillent pas m'agacer. Je jouais de la musique à quatre mètres de haut.

- Bien souvent ce n'était qu'une bise pour le musicien ! [intervention de Marcel Epinat]
- Oui, mais je n'aimais pas ça. Et puis je n'étais pas tout seul. Ces quatre ou cinq "bargérounes" [petites bergères]. Et la vie, tout à fait bien !… Et après, à l'automne, on mangeait du "patia (3)". On faisait des veillées, c'était très sympathique. Alors j'ai continué à faire trois ans de vacher, quatre ans… jusqu'à ce que je parte à la guerre, [j'étais] avec "la" [ma] femme, là. Alors après, pendant la guerre, il a fallu faire trois ans qu'elle resta chez […?], trois ans.

Alors la question de faire le vacher, on courait les loges, on était … - franc bien [intervention de Philippine Chambon] - "franc" [tout à fait] bien. On courait à la chasse des grives – "lé sérene" [pièges à grive, intervention de Jean Chambon]. Je n'avais pas d'enfants.


(1) Un lieu-dit des hautes chaumes près de la Pierre Bazane, dans le massif de Pierre-sur-Haute.
(2) Hameau de la commune de Roche dans les monts du Forez.
(3) Plat traditionnel de la montagne forézienne à base de pommes de terre longuement cuites dans la crème.

 


 

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mise à jour le 30 novembre 2020