Patois vivant




Soirée "patois vivant" de février 2008

 

Une sortie "Champignons"

Marthe Quétant

enregistrement dans les années 2000
au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison, 13, place Pasteur


(patois de Saint-Bonnet-le-Courreau)

pour écouter cliquer ci-dessous

(6 min 20 s)

On est plus costaud quand on est assis. Eh bien, j'ai réfléchi [calculer en patois] de vous parler d'une sortie de champignons. Mais je ne me rappelle plus l'année où ça s'est passé. Il me semble que c'était en 1979. Et un jour - je crois que c'était un mercredi - je voulus faire mon repas [mon goutè]. Et puis je me dis : Avant de mettre cuire ta viande, va donc chercher ton pain. Je suis allée chercher mon pain en ville - j'habite aux Comtes du Forez, c'est pas loin - et, qu'est-ce que j'ai vu à la boulangerie ? : le [mon] gendre qui était deux personnes devant moi. Et il passa, et puis une autre femme aussi passa à son tour, et puis moi aussi. Et il m'attendit dehors. Et il me dit :

- Qu'est-ce tu fais demain ?
- Oh !
je lui dis : J'ai rien de prévu. Pourquoi ?
- Eh ben, je voulais aller aux champignons.
- Oh ! je ne te dis pas non pour les champignons. Il fait bon, on peut bien y aller faire un tour.

Il me dit : Bon, d'accord. Eh bien, nous faisons comme d'habitude.

Parce que d'habitude, quand on y allait, on partait - ça dépend où on allait - mais il faisait sonner le réveil deux fois. Il habite à Ecotay, c'est pas bien loin. Alors quand il a fait sonner le réveil deux fois, moi, je vais pisser, je prends le panier, je descends avec l'ascenseur et puis je vais le retrouver devant Télécom. Et on ne s'attend pas, ni l'un ni l'autre. Et puis, quand il est arrivé je lui ai dit :

- Où est-ce que tu penses aller ?
- Oh !
Il me dit, j'avais pensé à Jeansagnière.
- Oh ! Jeansagnière, ça fait bien loin !
- Alors, tu as pensé qu'il y a l'éclipse de lune, aujourd'hui ?
- Oh ! C'est bien vrai, ça. Oh ! Dans ces conditions on va monter à Lérigneux.

… A Lérigneux. Puis en montant, il me dit : J'ai envie de m'arrêter, ici.
Oh ! par des fortes pentes [
deux mots utilisés : pendouére, rampiole], il y avait des pins [garolles], ça ne me plaisait pas du tout. Non, non… Je ne voulais pas… Je lui dis : c'est un coup pour se casser les jambes. Alors il me dit : montons plus haut. Et puis il monta au-dessus de Lérigneux. Il trouva un endroit pour se garer qui n'était pas trop mal. Je suis descendue de l'auto. Un peu plus loin, il y avait un "sabouillat (1)". Et puis il y avait de jolies digitales [petarelle].

- Oh ! la la ! - je [me] dis - qu'elles sont jolies ! Elles commencent juste à fleurir. Quand je reviendrai je vais les ramasser.
Et puis après nous sommes partis dans un bois. C'était un bois de bouleaux qui avait de la mousse. Et nous avons trouvé des chanterelles. Oh ! pas un plein panier, mais enfin on a trouvé, quoi. On a filé un peu plus loin, on a trouvé quelques bolets. Et puis on a continué, on a continué, à tourner en rond, d'un côté, de l'autre. Et après nous avons fait [
traversé] un morceau de bois de sapin.

Tout d'un coup, ça devint noir.

- Oh ! je lui dis : Sauvons-nous vite. C'est l'éclipse de lune.
- Oh ! -
il me dit - t'as raison.

Nous avons vite couru vers la voiture. Je coupais mes digitales qui me convenaient bien. Et voilà que nous sommes redescendus à brides abattues. Mais il y a une chose que je ne vous ai pas dite : quand je suis sortie de chez le boulanger je [me] dis : il m'a dit qu'il voulait aller aux champignons, moi quand je vais aux champignons, quand j'arrive, j'ai bien faim, il faut que mon repas soit prêt. Et j'avais acheté un morceau de pot-au-feu [buyi] et je l'avais fait cuire la veille, avec des carottes, des pommes de terre. J'avais mis tout prêt [pour quand] j'arriverai.

Alors je descendis, je rentrai. J'allumai vite le gaz pour faire chauffer ma viande. J'avais faim, oh ! j'avais faim, hein. Et je regarde par la fenêtre. Il y avait les "Impôts" [le personnel du centre des impôts], ils étaient tous aux fenêtres avec des lunettes, qui regardaient, qui regardaient. Mais moi je n'avais pas acheté des lunettes. Je dis je ne veux pas m'abîmer [petafiner] la vue. Moi, je vais mettre mon plateau sur la table, je me mettrai devant la télé. Et puis, tout d'un coup, les "Impôts", toutes les fenêtres se sont fermées, ça s'éclaircit, eh bien, la chose, ce fut fini. Et moi, je mangeai de la salade de chicorée, un morceau de pot-au-feu, des carottes, des pommes de terre, du fromage… Et mon frère m'avait donné des prunes [dravouéne], je mangeai des prunes qui étaient bien bonnes, des reines-claudes de Saint-Bonnet qui ne sont pas traitées, elles sont bonnes, hein !

Et après j'ai su la suite de l'éclipse de la lune et du soleil. Eh bien, quand ils se rencontrèrent, ils couraient tellement comme des imbéciles, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, pour une fois qu'ils arrivaient à se rencontrer. C'est que la lune était contente, hein ! Quand elle vit le soleil :
- Oh ! la la ! qu'il est beau ! Oh ! la la ! qu'il est joli, qu'il est joli ! Oh ! la la ! Elle était contente !

Alors elle lui dit :
Allez ! Allons prendre quelque chose parce que, moi, j'ai faim, j'ai couru toute la nuit.
Et, elle, elle n'avait pas eu le temps de faire sa toilette. Elle était tout ébouriffée, une jupe toute froissée [
froyè]. Et le soleil qui n'avait rien à faire, il s'était bien rasé, il s'était passé du "sent bon" [parfum]. Il n'y avait pas plus joli. Elle se disait : Oh ! la la ! qu'il est joli. Oh ! la la ! qu'il est joli ! Ça ne peut pas faire, il faut que je le demande en mariage.

Alors, ils allèrent boire, manger, je ne sais pas ce qu'ils firent… Et puis après elle le demanda en mariage. Elle attaqua. Elle attaqua, elle se dit : il ne faut pas laisser passer l'occasion. Je le regretterai trop !

Il lui dit : Je vais y réfléchir. Et puis quand il eut bien réfléchi, il dit :

Elle court toute la nuit. Elle change de quartier toutes les semaines. Elle est pleine tous les mois. Qu'est-ce que je ferais de ça ?


(1) Grande flaque, creux plein d'eau, cf. L.-P. Gras, Dictionnaire du patois forézien, 1863.

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