Patois vivant


Dans les champs

Marie Coiffet

 

Dans les champs

une histoire de Marie Coiffet (née en 1919) enregistrée au début des années 2000
au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison


(patois de Champdieu)

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 57 s)

(traduction : Joseph Barou)

Quand venait le bon temps, que la neige commençait à passer, que les récoltes montaient, le père nous avait fait des … ? ["échardelettes" ?] et nous allions "courir" [chercher] les chardons et les nielles, dans les récoltes, dans les seigles [bla, en patois], les blés [frouman, en patois], l'orge. On courait les chardons parce que, parce que quand il y avait des chardons qui avaient mûri dans les moissons, c'est que - attention ! - ceux qui "écharpissaient (1)", ceux qui liaient javelles, ils n'étaient guère contents !
 
Et les nielles, elles ont disparu, je n'en vois plus, de ça. Ça faisait des petites graines noires et pour vendre le seigle [bla] c'était difficile parce que le seigle n'était pas propre. Alors il fallait chercher ça. Après, bon, venait le moment où on semait les "quarantains" [variété de haricots], qu'on semait après les "calabres" [variété de haricots], les carottes [parsounade], les "collets verts". Alors, nous autres, qu'est-ce que nous faisions ? Il fallait aller désherber les collets verts, il fallait aller éclaircir les betteraves "carottes" en patois] et puis après ramasser les quarantains qu'on montait chez Marcoux avec la brouette. On les vendait. Mais les calabres c'était bien pareil, il fallait bien les trier parce qu'il fallait seulement des haricots bien propres, bien fins. On ne mangeait que des gros…

Après, bon, nous allions "en champ" les vaches, les premiers temps, au printemps, dans les prés [paqui]. Dans les prés nous ramassions des fleurs. Il y avait des "queues de renard", je n'en vois plus. Il y avait des coucous, il n'y en a guère. Dans les …? les buissons, il y avait des prunelles [pialousse], bien entendu. Il y avait des fruits de l'églantier [bayardi (2)] qu'on appelait aussi des "bouche-cul". Et il y avait des nids… Et puis des ballons (3), de bons ballons qu'on ramassait, nous autres, les gamins.

Et il y avait des nids, il y avait des nids de "darnillats" mais je ne sais pas ce que c'est, cet oiseau. Je ne sais pas ce que c'est. C'est un oiseau, bien sûr. Mais on n'en voit plus de ces "darnillats".

- La pie-grièche ! [interpellation en français d'André Guillot]

- Ah bon ! Ben, oui, ça se peut, mais je n'en vois plus maintenant de ça. [en français]

Il y avait des chardonnerets [chadri] - les "chadri", c'est les chardonnerets |en français] - et puis il y avait des ramiers [rami], et les pies [uyasse] et les corneilles [grôle], enfin plein d'affaires, bon !
 
[en français]
- Les pies c'est les "z'uyasses", eh oui !
Les queues de renard, je ne sais pas ce que c'est. C'est une espèce d'orchidée, là. Il y en avait plein. Oh non ! ce n'est pas haut. C'est comme… il y a un oignon là. J'en vois plus, moi, de ça, dans les prés, hein ! Enfin, bon. Comme les ballons dans les… il n'y en a plus, non plus.
C'est une espèce de groseille blanche.

- Des groseilles à maquereau ? [interpellation]
- Voilà !

[reprise en patois]

Eh bien, plus tard, nous faisions pas mal de petits travaux, comme ça. Pour les vendanges nous allions vendanger, bien entendu, mais avant on attachait la vigne. Nous allions attacher la vigne de bonne heure, il ne faut pas croire que ça allait tout seul, mais nous étions bien contents quand même, bon. Et puis alors après, venait l'automne [l'an dari]. Nous rentrions les betteraves, il fallait enlever les feuilles [les "déchaviller"], les collets verts, il fallait aussi les "déchaviller"…

Et puis voilà, on travaillait. C'était plutôt pénible, quand même, hein ! Et ça n'empêchait pas de bien travailler à l'école. Et voilà.

 

(1) Rassembler les épis coupés en brassée, après le passage de la moissonneuse qui n'était pas encore une moissonneuse-lieuse.
(2) Bayardey, églantier ; bayard, baie rouge de l'églantier nommée plus communément gratte-cul, cf. L.-P. Gras, Dictionnaire du patois forézien, 1863.
(3) Groseilles à maquereau.

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