Patois vivant


Le cochon malade

Marie Coiffet

 

Le cochon malade


Marie Coiffet
(patois de Champdieu)

une histoire de Marie Coiffet (née en 1919) enregistrée
au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison dans les années 2000


pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 25 s)

Alors le Tonin il avait toujours une truie, le Tonin il avait toujours une truie. Et cette année-[] il avait pris… - il y avait un marchand de cochons qui était à côté de chez lui - qui lui avait emmené une petite truie [tsamponette] et elle avait fait une bonne nichée. Alors il a vendu les cochons et il avait gardé le plus petit [tchiasson] pour faire un "champan" [porc à engraisser] comme d'habitude il faisait toujours, quoi.

Alors ce "champan", il était de "bonne venue". Et quand est arrivé le moment d'arracher les pommes de terre - il avait mis beaucoup de beauvettes [variété de pommes de terre] qui avaient bien donné - alors ils avaient ramassé toutes les petites, toutes. Il faisait cuire de grandes quantités [baritéla] de pommes de terre autant que des collets-verts dans la chaudière et ils se sont mis à engraisser le cochon.

Mais un jour, ils y vont dans son étable. Il n'avait pas mangé. Oh ! la la ! qu'est-ce qu'il a mon cochon ? Vite ils vont voir le marchand de cochons d'à côté. Il lui dit : Viens voir ce que tu en penses de mon cochon, je crois bien qu'il est foutu. Il fait la "cosse", il est tout "ensuqué". Alors il lui dit, le Georges, il lui dit : Oh ! mais ton cochon il a le rouget [rido ?] hein, il faut le réchauffer. Tu n'as qu'à prendre une poignée de paille [une petite farasse] dans ton gerbier [cleu de paille] ici. Il faut bien le frotter avec de l'essence de térébenthine.

Et ils l'ont bien frotté, mais "Milla-dzeu" ! la Toinette, qui était là, dit : Je n'ai pas d'essence térébenthine mais j'ai quelque chose qui doit bien faire. Dans l'armoire du Tonton qui est mort cette année, il y avait plein de Rigolo et de thermogènes parce qu'il ne soignait qu'avec ça sa bronchite, lui. Alors ils sont allés chercher ces Rigolo et ces thermogènes. Ils l'ont emplâtré, autant qu'ils ont pu. Ils l'ont bien ficelé dans une vieille couverture. Et ils l'ont observé [sugner en patois] pour voir ce qu'il allait faire.

Et tout d'un coup, mon cochon, il s'est mis à s'agiter [s'égermeter]. Il a "enquillé" la porte [...a renversé ?] le Tonin. Et il est parti, comme un fou [un ébrangea] à travers la "piale" [la cour ?] à faire des tours et des tours, comme une toupie [fiarde] et en geignant, et en couinant. Il couinait tellement qu'ils en étaient étourdis ! (1) Ils ont dit : Mais qu'est-ce qu'on va faire avec ça ?

Ils ont pâti pour le faire rentrer [?]. Après avoir bien […], il est rentré quand même, dans l'étable. Et, tout à coup, il s'est un peu calmé quand même, tout doucement. Il s'est mis à geindre. Alors le Georges lui a dit : Ne te fais pas de bile, ton cochon est sauvé [échappe] et tu en feras de jolis jambons. Et en effet, ils avaient regardé pour le tuer, ils le tuaient toujours vers Noël. Ils regardaient la bonne lune et puis la Saint-Abdon. Il fallait pas tuer les cochons pour la Saint-Abdon.

Enfin ils ont tué le cochon et pour la nuit de Noël [?], ils ont pu manger de bonnes saucisses et de bons boudins, surtout, avec des pommes rousses, une fricassée de ces pommes rousses c'est tout à fait [franc] bon. Allez, voilà.

(1) Avoir les ébarliaudes, selon L.-P. Gras : éblouissement (Dictionnaire du patois forézien, 1865).

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