Alors
le Tonin il avait toujours une truie, le Tonin il avait
toujours une truie. Et cette année-[là]
il avait pris
- il y avait un marchand de cochons
qui était à côté de chez lui
- qui lui avait emmené une petite truie [tsamponette]
et elle avait fait une bonne nichée. Alors il a vendu
les cochons et il avait gardé le plus petit [tchiasson]
pour faire un "champan" [porc
à engraisser] comme
d'habitude il faisait toujours, quoi.
Alors
ce "champan", il était de "bonne venue".
Et quand est arrivé le moment d'arracher les pommes
de terre - il avait mis beaucoup de beauvettes [variété
de pommes de terre] qui
avaient bien donné - alors ils avaient ramassé
toutes les petites, toutes. Il faisait cuire de grandes
quantités [baritéla] de pommes de terre autant
que des collets-verts dans la chaudière et ils se
sont mis à engraisser le cochon.
Mais
un jour, ils y vont dans son étable. Il n'avait pas
mangé. Oh ! la la ! qu'est-ce qu'il a mon cochon
? Vite ils vont voir le marchand de cochons d'à
côté. Il lui dit : Viens voir ce que tu
en penses de mon cochon, je crois bien qu'il est foutu.
Il fait la "cosse", il est tout "ensuqué".
Alors il lui dit, le Georges, il lui dit : Oh ! mais
ton cochon il a le rouget [rido
?] hein, il faut le réchauffer.
Tu n'as qu'à prendre une poignée de paille
[une petite farasse]
dans ton gerbier [cleu de paille] ici.
Il faut bien le frotter avec de l'essence de térébenthine.
Et
ils l'ont bien frotté, mais "Milla-dzeu"
! la Toinette, qui était là, dit : Je n'ai
pas d'essence térébenthine mais j'ai quelque
chose qui doit bien faire. Dans l'armoire du Tonton qui
est mort cette année, il y avait plein de Rigolo
et de thermogènes parce qu'il ne soignait qu'avec
ça sa bronchite, lui. Alors ils sont allés
chercher ces Rigolo et ces thermogènes. Ils l'ont
emplâtré, autant qu'ils ont pu. Ils l'ont bien
ficelé dans une vieille couverture. Et ils l'ont
observé [sugner
en patois] pour voir ce
qu'il allait faire.
Et
tout d'un coup, mon cochon, il s'est mis à s'agiter
[s'égermeter].
Il a "enquillé" la porte [...a
renversé ?] le Tonin.
Et il est parti, comme un fou [un
ébrangea] à
travers la "piale" [la
cour ?] à faire des
tours et des tours, comme une toupie [fiarde]
et en geignant, et en couinant. Il couinait tellement qu'ils
en étaient étourdis ! (1) Ils ont dit :
Mais qu'est-ce qu'on va faire avec ça ?
Ils
ont pâti pour le faire rentrer [?].
Après avoir bien [
], il est rentré quand
même, dans l'étable. Et, tout à coup,
il s'est un peu calmé quand même, tout doucement.
Il s'est mis à geindre. Alors le Georges lui a dit
: Ne te fais pas de bile, ton cochon est sauvé [échappe]
et tu en feras de jolis jambons. Et en effet, ils avaient
regardé pour le tuer, ils le tuaient toujours vers
Noël. Ils regardaient la bonne lune et puis la Saint-Abdon.
Il fallait pas tuer les cochons pour la Saint-Abdon.
Enfin
ils ont tué le cochon et pour la nuit de Noël
[?], ils ont pu manger de bonnes saucisses et de
bons boudins, surtout, avec des pommes rousses, une fricassée
de ces pommes rousses c'est tout à fait [franc]
bon. Allez, voilà.
(1)
Avoir les ébarliaudes, selon L.-P. Gras :
éblouissement (Dictionnaire du patois forézien,
1865).