Il
y a 75 ans à peu près. Bon, alors je vous
explique. Chez la Benoîte et le Tonin, il y avait
deux jumeaux. Il n'y avait pas besoin de les regarder deux
fois pour voir que les deux faisaient la paire. Ils se ressemblaient
comme deux gouttes d'eau. Ils étaient un peu chétifs,
deux petits rejetons, maigrichons mais pour faire les polissons
[charipe],
ils ne donnaient pas leur part au chien. C'étaient
des turbulents
[tarabate] finis.
Leur mère s'en était vu pour les élever,
cette pauvre mère Benoîte. Parce qu'ils arrivaient
toujours tout déguenillés de l'école.
C'étaient de vrais chercheurs de disputes [garguillou],
cherchant toujours la guerre. Et ils prenaient de bonnes
[brave]
volées. Ils arrivaient avec leurs blouses, leurs
culottes toutes déchirées. Elle n'arrêtait
pas de racommoder. Et le père Tonin, c'est souvent
qu'il faisait le poing dans sa poche. Il avait tant envie
d'en prendre un pour assommer l'autre parce que "le
tissu vaut bien le sac"mais [..?].
Le
père Mathieu, un voisin, leur faisait apporter son
pain du bourg et leur demandait parfois de venir bricoler
dans son jardin mais pas quand il y avait des fraises [migode]
parce qu'ils les lui mangeaient toutes. Et ce pauvre père
Mathieu, ils savaient que c'était un avare complet.
Il en aurait écorché un pou pour avoir la
peau. Et [ils
savaient]
qu'ils seraient payés à coups de fronde. Alors
son travail était vite fait : "en cinq sept"
mais c'était "fait à la six quatre deux".
Ils n'attendaient pas midi à quatorze heures pour
déguerpir. Ils n'avaient pas les pieds dans le même
sabot. Ils prenaient les jambes à leur cou avant
que le père Mathieu ne lève sa canne. Il ne
risquait pas de des atteindre [appondre].
Ils n'avaient pas attendu trois fois sept ans pour courir
les filles. Mais comme c'étaient des "couratiers"
finis, ils faisaient japper les chiens de sept communes
[ah
! putain ! exclamation d'un auditeur].
Alors, à courir deux lièvres à la fois,
ils ne trouvaient pas chaussure à leur pied. Donc,
ils se sont mis "à la débine", à
la chopine et à faire les quatre cents coups.
Mais un jour, ils ont eu une peur bleue. Les gendarmes les
poursuivaient. Ils ont dit : un de ces quatre matins
nous allons nous retrouver entre quatre murs. Alors
ils ont remis les pendules à l'heure. Ils ont changé
leur fusil d'épaule. Ils ont mis de l'eau dans leur
vin. Ils ont acheté une conduite. Et du coup, ils
sont devenus sages comme des images. Ma foi, il faut bien
que jeunesse se passe...
