Patois vivant

 

Le Burou

par Maria Avignant
(1896-1986)

 

Le burou
Le beurre

Maria Avignan
t
de la Côte-en-Couzan
(patois de Saint-Didier-sur-Rochefort)

enregistré par Jean-Baptiste et Marie Chèze pour une veillée patois en 1976
au Centre social de Montbrison, rue des Clercs

pour écouter cliquer ci-dessous

(2 min 26 s)

De djïn le tan le burou ne se faye pè kouma ouro. O se faye tout a la man. Voué kou n'y ave ji de machine a ko mouman.

E betavon la kréma dedjïn d'espésse de biche in gré ; n'y ave de petchtoune, n'y ave de grande. E é léssavon kela kréma sékan de jor tchi, juska se kél'ére in pok épéssi. Apré kelé biche ou y avè in partu o fon, avé ïn bouchon.

E l'inlevave ko bouchon ; ou sourte ïn èspéssi d'égo ke se séparave de la kréma è ké gardavon po lu peur ; él'èron byan kontan.

Apré é prenyon ina grande bagueta, ina granda kuyéri in bo è é batyon tyin lontan, de vé doué our, po fouére prindre kela kréma ke devene le burou ; è kant le burou ère pré, ko kouminsave de se separè é l'y betavon oun pouk d'égo dedjïn è é batyon toujour tyin ; è kan le burou ère byan séporo, ïn gro morsyo, é retchiravon le bouchon de ko partu è ou sourte ïn éspéssi d'égo touto blanchi.

Kel'égo é s'apelave la burèt è vouère bon a beur, tou le monde o z'ouamavon byan. E fayon sotre kela burèt è éz y betavon dïn lè, è apré é n'in fayon de barato. E kouzyon ïn tourchon, ina gueniyi in pouïntchi è é betavon tyin ké l'avyon foué chofè ;è ou se kayave è ou faye de barato ; è tou le monde, le devéssé, é minjavon de barato.

Le burou apré é le sourtyon de kelé biche ; é le betavon djïn léspéssi de benon in bo, é betavon d'égo, è lavavon tyin, zu batyon byan juska se kou ne sinte plu l'égro, ke le burou ère byan proprou. Apré n'in fayon de tchité moulete de djemé livro, d'ina livro.

E portavon tyin o marché, byan sur, è le payizan n'in minjave pa ïn gro moursé po zu pourtè vindre, po li fouére katr so !

Dans le temps le beurre ne se faisait pas comme aujourd'hui. Il se faisait tout à la main. C'est qu'il n'y avait pas de machine à cette époque.

On mettait la crème dans une sorte de biche en grès ; il y en avait des petites, il y en avait des grandes. Et on laissait cette crème là beaucoup de jours, jusqu'à ce qu'elle soit un peu épaisse. A cette biche il y avait un trou au fond, avec un bouchon.

On enlevait ce bouchon ; il sortait une sorte d'eau qui se séparait de la crème et qu'on gardait pour les porcs ; ils étaient bien contents.

Après on prenait une grande baguette, une grande cuillère en bois et on battait ça longtemps, parfois deux heures, pour faire prendre cette crème [et] qu'elle devienne le beurre ; et quand le beurre était prêt, qu'il commençait de se séparer on mettait dedans un peu d'eau et on battait toujours ça ; et quand le beurre était bien séparé, en gros morceaux, on retirait le bouchon du trou et il sortait une sorte d'eau toute blanche.

Cette eau s'appelait la "burette" et était bonne à boire, tout le monde l'aimait bien. On faisait sortir cette "burette" et on la mettait à part, et après on en faisait du "baratton"(1). On cousait un torchon, une guenille en pointe et on mettait ce qu'on avait fait chauffer ; et ça caillait et faisait du "baratton" ; et tout le monde, le soir, mangeait du "baratton".

Le beurre ensuite on le sortait de ces biches ; on le mettait dans une sorte de baquet en bois ; on mettait de l'eau, on lavait ça, on le battait bien jusqu'à ce que ça ne sente plus l'aigre, que le beurre soit bien propre. Ensuite on en faisait des petites molettes d'une demi-livre, d'une livre.

On portait ça au marché, bien sûr, et le paysan n'en mangeait pas un gros morceau, pour le porter vendre, pour lui faire quatre sous !

Un jour, ma mère, en battant son beurre, il lui arriva un malheur. En chantant ses cantiques : Ave Maria... ainsi de suite, le bouchon ficha le camp à travers la cuisine et toute sa crème avec. Et de crier, et de crier : oh ! pauvres petits, venez vite m'aider, mon beurre est tout perdu ! Elle n'eut qu'une chance, de mettre son doigt au trou pour garder le peu de crème qu'il y avait dans la biche.

(1) Français régional, en Forez espèce de fromage blanc délayé.


La baratteuse
(eau-forte de Jean-François Millet)

Retour

Ecoutons
le patois du Forez




Patois du Forez


Retour page accueil

mise à jour le 16 mai 2011