Maria Avignant
de la Côte-en-Couzan
(patois de Saint-Didier-sur-Rochefort)
enregistré par Jean-Baptiste
et Marie Chèze pour une veillée patois en 1977
au Centre social de Montbrison, rue des Clercs
pour écouter cliquer ci-dessous
(5 min 29 s)
A
l'écolo de l'ensiin tin
A
! O vo vou fouér rire ïn petchi moumen. O m'in
vo vou explikè la via de moun enfansi è surtou
kant ou allavïn a l'écolo.
Kant'o vene la rentrè de lé classes, é
ben ! Vouère tout' in'afouére. La moma, po
nu préparè, o yave de travayou ; é
kouminsave de nu lavé de la tét'o pié
è de préparè notr' jinte gueniye ke
nu betâve su le do, ïna jinto belouso, d'éssioa
lu pié k'éron siro.
M'in vo vou fouér rire : ou crèchavan dessu
le cubêssio do poél a quatrou marmite è
avé la brossi ou frotâvan tien. Vouère
de sui, è z'u mouyavan bien ; passavan tien su notru
éssio è o z'u frotavan avé ïna
gueniyi, ïna vièyi brossi po z'u fouér
brillè è él'éron jintchi kouma
tou, notru éssio ; è pi en iver nu vessio
partchi o traver l'iver.
Mo poro mère, bôsseigne, ke vegne nu aconpagnè
: yave de conjère jusk'o vintrou ; e pouyan plu n'in
sôtre. E retroussave sé grandé robe
è avé ïn rèté é
nu faye la trassi davan è nu, trétu tré,
mu du frère é me. Ou marchavan tchi dedjïn
; de tin z'in tin ou tonbavan djin kel'iver ; nu relevavan
koum'ou pouyan è nu vessio partchi...
Ou arrivavan a l'écolo. Vouéran djïn
la cour plèno d'iver è ou courian, nu amusavan
trétu riyan ; trétu trimp, rintravan a l'écolo
; la damo ou la demouézèlo, ïn cou de
sifle, alé !, koum'ïn trupé de monton,
ou rintravan dedjïn notro classi è a notro plassi
; alé ! foule plu bougè, lu pié trétu
trimp jusk'a médji.
A médji ou sourtian dessou in préô ou
l'i faye fre ; ou jalave. Ou minjavan se ko avian aporta
dedjin notron pané è ïn jôr, mo
poro moma, é m'ave beta ïn bon djinè.
Ou n'avian ji tio de peûr de la sézon. Mon
pôrin avo porto in gro sossisson è é
nu an ave beto chakïn ïn moursé. Kant'ou
viyi ko moursé. Ou savian k'ou n'an avian ji ché
nu. Ou dissi : Mé ko voué ke mo beto tien
djïn mon pané ? N'osavïn pè
le mïnjè, ou le fouti ïn délé,
le fouti po la cour è le minji pè. Mïnji
ïn moursé de froumajou, jusk'o devé sé,
a notron soupè.
Kant ou arivavan a métan chemïn, ma pôro
mère ère tchi ke nu attinde vé ïna
vieyi kroué k'ou n'yave a kel indre kel apelavan
"Vé le mê", le vialage ; è
montavan la côta toujor ma mère, sé
robe retroussé è son rèté davan,
è ou suivian daré.
Ou arrivavan a la mouéson. Se k'ou é k'ou
trouvavan ? Dessu le pouélou a quatrou marmite yave
lu quatrou cubêssio k'éron ranpli de trufe
k'ou apelavan de trufe viulete ou nére...
k'éron touté rotché, bian dôré.
Trétu tré, nu betavan tchi su la trèble
do pouêlou por nu sechè, ïn'ôtre
lu pié djïn le four è mïnjavan toute
kelé trufe, n'in léssavan jïn tèlomin
él èron boune. Yave ïna bouno soupo ;
minjavan notro soupo. Ou yave de barate, ce k'el apelavon
de burete ; mïnjavan ïn moursé de barate
avé notron pan né è pi vou allâvan
nu couchè. Vou avian bien mïnjo é vou
érian bien contin è n'an demandave pè
de moué è tout'ïna né ou dourmian
bien.
Le lindeman é nu apelave de gran madjïn. Jamè
n' èran lu daré a l'écolo, touju lu
proumé djïn la cour a nu y amusè è
véssio ! è notre vio continuave kouma tien.
E véssio la vio de l'ensiin tin.
A l'école
de l'ancien temps
Oh ! Je vais vous faire rire un petit moment. Je m'en vais
vous expliquer la vie de mon enfance et surtout quand on allait
à l'école.
Quand venait la rentrée des classes, eh bien ! c'était
toute une affaire. La maman, pour nous préparer, elle
avait du travail. Elle commençait par nous laver de
la tête aux pieds à par préparer nos jolies
"guenilles" qu'elle nous mettait sur le dos : une
jolie blouse, des sabots aux pieds qui étaient cirés.
Je m'en vais vous faire rire : on crachait sur le poêlon
du poêle à quatre marmites et avec la brosse
on frottait bien. C'était de la suie, et on mouillait
bien ; on passait ça sur nos sabots et on les frottait
avec un chiffon, une vieille brosse pour les faire briller
et ils étaient jolis comme tout nos sabots ; et puis
en hiver nous voilà partis à travers la neige.
Ma pauvre mère, beauseigne ! qui venait nous accompagner
: il y avait des congères jusqu'au ventre ; et nous
ne pouvions plus en sortir. Elle retroussait sa grande robe
et avec un râteau elle faisait la trace devant nous,
tous trois, mes deux frères et moi. Nous marchions
là-dedans ; de temps en temps nous tombions dans la
neige, nous nous relevions comme nous pouvions et nous voilà
partis...
Nous arrivions à l'école. C'était dans
la cour pleine de neige et nous courions, nous nous amusions
en riant tous ; tout trempés nous rentrions à
l'école ; la dame ou la demoiselle, un coup de sifflet,
allez ! comme un troupeau de moutons nous rentrions dans notre
classe et à notre place. Allez ! Il ne fallait plus
bouger, les pieds tout trempés jusqu'à midi.
A midi nous sortions sous un préau où il faisait
froid ; il y gelait. Nous mangions ce que nous avions apporté
dans notre panier et un jour, ma pauvre maman, elle avait
mis un bon dîner. On n'avait pas tué de porc
de l'année. Mon parrain avait apporté un gros
saucisson et elle nous en avait mis chacun un morceau. Nous
savions qu'il n'y en avait pas chez nous. Nous nous sommes
dit : Mais qui m'a mis ça dans mon panier ? Nous
n'avons pas osé le manger, nous l'avons jeté
au loin, jeté à travers la cour sans le manger.
Nous avons mangé un morceau de fromage, jusqu'au soir,
à notre souper.
Quand nous arrivions à mi-chemin, ma pauvre mère
était là qui nous attendait vers une vieille
croix qu'il y avait à cet endroit qu'on appelait "Vers
le Mas", le village ; et nous montions la côte,
toujours ma mère, sa robe retroussée et son
râteau devant, et nous suivions derrière.
Nous arrivions à la maison. Qu'est-ce que nous trouvions
? Sur le poêle à quatre marmites, il y avait
les quatre poêlons qui étaient remplis de pommes
de terre qu'on appelait des pommes de terre violettes ou noires...
qui
étaient toutes rôties, bien dorées. Tous
trois nous nous mettions sur le dessus du poêle pour
nous sécher, un autre les pieds dans le four et nous
mangions toutes ces pommes de terre, nous n'en laissions jamais
tellement elles étaient bonnes. Il y avait une bonne
soupe ; nous mangions notre soupe. Il y avait du baraton qu'on
appelait de la "burette". Nous mangions un peu de
baraton avec notre pain noir et puis nous allions nous coucher.
Vous aviez bien mangé et vous étiez bien contents
et nous n'en demandions pas plus et toute la nuit nous dormions
bien.
Le lendemain on nous appelait de grand matin. Jamais nous
n'étions les derniers à l'école, toujours
les premiers dans la cour de l'école pour y jouer et
voilà ! Et notre vie continuait comme ça. Et
voici la vie de l'ancien temps.
Laissez-moi
vous parler un peu de mon école, comme c'était
drôle, comment on s'y amusait de temps en temps bien
que, durant l'école, nous étions bien sages,
nous ne faisions pas de sottises. Mais, à dire la vérité,
quand nous pouvions en faire quelqu'une, nous la faisions.
Notre bureau se levait et avec ma camarade d'école,
la Tonia Marcoux, et bien quand on pouvait en faire une, nous
la faisions. Et ce que nous aimions le plus c'est quand je
pouvais lui apporter de chez nous les poires cuisses-dames
que mon papa faisait cuire dans le four quand il faisait le
pain. Elles étaient bonnes ; elles devenaient toutes
frisées et toutes rouges, ces poires. J'en apportais
à ma camarade qui n'en avait pas mais ses parents tenaient
une épicerie et nous faisions un échange. Quand
nous pouvions lever le couvercle de notre bureau, je lui passais
quelques poires cuisses-dames et elle, en récompense,
elle m'apportait deux trois barres de chocolat. Ses parents
tenaient une épicerie et elle devait prendre ça
à sa mère sans le lui dire, bien sûr.
Et moi, je prenais les barres de chocolat. Et elle mangeait
les poires cuisses-dames toutes confites. Et c'était
bon ! Elle aimait ça ! Et quand nous avions fait échange
le couvercle retombait sans rien dire et nous regardions si
la dame ou la demoiselle ne nous voyait pas. Nous faisions
ça en cachette. Et bien nous étions contentes
et nous recommencions souvent. Et quand nous pouvions faire
quelques petites sottises, bien que nous soyons bien sages,
nous ne manquions pas de les faire mais jamais on nous voyait.
Nous ne nous laissions pas voir, nous nous cachions.
Quand on voulait se dire quelque chose pour le lendemain,
avec ma camarade, nous relevions le couvercle du bureau et,
tout doucement, nous écrivions sur un petit morceau
de papier avec notre porte-plume et notre encre violette.
Nous nous disions ce que nous voulions pour le lendemain.
S'il fallait apporter quelque chose nous le faisions. C'était
pas toujours commode. Bien des plumes souvent ne marchaient
pas bien. Quand on en trouvait une qui allait bien, on la
mouillait de notre salive et on la mettait au porte-plume.
Et ça marchait tout seul. On se disait ce qu'on voulait.
La neige dans un village de montagne
(photo de Marcel Roinat, Cahier deVillage de Forez,
n° 67)