Patois vivant


A l'école d'autrefois

Maria Avignant
(1896-1986)

 

A l'école de l'ansïn tin
A l'école d'autrefois

Maria Avignant
de la Côte-en-Couzan
(patois de Saint-Didier-sur-Rochefort)

enregistré par Jean-Baptiste et Marie Chèze pour une veillée patois en 1977
au Centre social de Montbrison, rue des Clercs

pour écouter cliquer ci-dessous

(5 min 29 s)

A l'écolo de l'ensiin tin

A ! O vo vou fouér rire ïn petchi moumen. O m'in vo vou explikè la via de moun enfansi è surtou kant ou allavïn a l'écolo.

Kant'o vene la rentrè de lé classes, é ben ! Vouère tout' in'afouére. La moma, po nu préparè, o yave de travayou ; é kouminsave de nu lavé de la tét'o pié è de préparè notr' jinte gueniye ke nu betâve su le do, ïna jinto belouso, d'éssioa lu pié k'éron siro.

M'in vo vou fouér rire : ou crèchavan dessu le cubêssio do poél a quatrou marmite è avé la brossi ou frotâvan tien. Vouère de sui, è z'u mouyavan bien ; passavan tien su notru éssio è o z'u frotavan avé ïna gueniyi, ïna vièyi brossi po z'u fouér brillè è él'éron jintchi kouma tou, notru éssio ; è pi en iver nu vessio partchi o traver l'iver.

Mo poro mère, bôsseigne, ke vegne nu aconpagnè : yave de conjère jusk'o vintrou ; e pouyan plu n'in sôtre. E retroussave sé grandé robe è avé ïn rèté é nu faye la trassi davan è nu, trétu tré, mu du frère é me. Ou marchavan tchi dedjïn ; de tin z'in tin ou tonbavan djin kel'iver ; nu relevavan koum'ou pouyan è nu vessio partchi...

Ou arrivavan a l'écolo. Vouéran djïn la cour plèno d'iver è ou courian, nu amusavan trétu riyan ; trétu trimp, rintravan a l'écolo ; la damo ou la demouézèlo, ïn cou de sifle, alé !, koum'ïn trupé de monton, ou rintravan dedjïn notro classi è a notro plassi ; alé ! foule plu bougè, lu pié trétu trimp jusk'a médji.

A médji ou sourtian dessou in préô ou l'i faye fre ; ou jalave. Ou minjavan se ko avian aporta dedjin notron pané è ïn jôr, mo poro moma, é m'ave beta ïn bon djinè. Ou n'avian ji tio de peûr de la sézon. Mon pôrin avo porto in gro sossisson è é nu an ave beto chakïn ïn moursé. Kant'ou viyi ko moursé. Ou savian k'ou n'an avian ji ché nu. Ou dissi : Mé ko voué ke mo beto tien djïn mon pané ? N'osavïn pè le mïnjè, ou le fouti ïn délé, le fouti po la cour è le minji pè. Mïnji ïn moursé de froumajou, jusk'o devé sé, a notron soupè.

Kant ou arivavan a métan chemïn, ma pôro mère ère tchi ke nu attinde vé ïna vieyi kroué k'ou n'yave a kel indre kel apelavan "Vé le mê", le vialage ; è montavan la côta toujor ma mère, sé robe retroussé è son rèté davan, è ou suivian daré.

Ou arrivavan a la mouéson. Se k'ou é k'ou trouvavan ? Dessu le pouélou a quatrou marmite yave lu quatrou cubêssio k'éron ranpli de trufe k'ou apelavan de trufe viulete ou nére...

k'éron touté rotché, bian dôré. Trétu tré, nu betavan tchi su la trèble do pouêlou por nu sechè, ïn'ôtre lu pié djïn le four è mïnjavan toute kelé trufe, n'in léssavan jïn tèlomin él èron boune. Yave ïna bouno soupo ; minjavan notro soupo. Ou yave de barate, ce k'el apelavon de burete ; mïnjavan ïn moursé de barate avé notron pan né è pi vou allâvan nu couchè. Vou avian bien mïnjo é vou érian bien contin è n'an demandave pè de moué è tout'ïna né ou dourmian bien.

Le lindeman é nu apelave de gran madjïn. Jamè n' èran lu daré a l'écolo, touju lu proumé djïn la cour a nu y amusè è véssio ! è notre vio continuave kouma tien. E véssio la vio de l'ensiin tin.

A l'école de l'ancien temps

Oh ! Je vais vous faire rire un petit moment. Je m'en vais vous expliquer la vie de mon enfance et surtout quand on allait à l'école.

Quand venait la rentrée des classes, eh bien ! c'était toute une affaire. La maman, pour nous préparer, elle avait du travail. Elle commençait par nous laver de la tête aux pieds à par préparer nos jolies "guenilles" qu'elle nous mettait sur le dos : une jolie blouse, des sabots aux pieds qui étaient cirés.

Je m'en vais vous faire rire : on crachait sur le poêlon du poêle à quatre marmites et avec la brosse on frottait bien. C'était de la suie, et on mouillait bien ; on passait ça sur nos sabots et on les frottait avec un chiffon, une vieille brosse pour les faire briller et ils étaient jolis comme tout nos sabots ; et puis en hiver nous voilà partis à travers la neige.

Ma pauvre mère, beauseigne ! qui venait nous accompagner : il y avait des congères jusqu'au ventre ; et nous ne pouvions plus en sortir. Elle retroussait sa grande robe et avec un râteau elle faisait la trace devant nous, tous trois, mes deux frères et moi. Nous marchions là-dedans ; de temps en temps nous tombions dans la neige, nous nous relevions comme nous pouvions et nous voilà partis...

Nous arrivions à l'école. C'était dans la cour pleine de neige et nous courions, nous nous amusions en riant tous ; tout trempés nous rentrions à l'école ; la dame ou la demoiselle, un coup de sifflet, allez ! comme un troupeau de moutons nous rentrions dans notre classe et à notre place. Allez ! Il ne fallait plus bouger, les pieds tout trempés jusqu'à midi.

A midi nous sortions sous un préau où il faisait froid ; il y gelait. Nous mangions ce que nous avions apporté dans notre panier et un jour, ma pauvre maman, elle avait mis un bon dîner. On n'avait pas tué de porc de l'année. Mon parrain avait apporté un gros saucisson et elle nous en avait mis chacun un morceau. Nous savions qu'il n'y en avait pas chez nous. Nous nous sommes dit : Mais qui m'a mis ça dans mon panier ? Nous n'avons pas osé le manger, nous l'avons jeté au loin, jeté à travers la cour sans le manger. Nous avons mangé un morceau de fromage, jusqu'au soir, à notre souper.

Quand nous arrivions à mi-chemin, ma pauvre mère était là qui nous attendait vers une vieille croix qu'il y avait à cet endroit qu'on appelait "Vers le Mas", le village ; et nous montions la côte, toujours ma mère, sa robe retroussée et son râteau devant, et nous suivions derrière.

Nous arrivions à la maison. Qu'est-ce que nous trouvions ? Sur le poêle à quatre marmites, il y avait les quatre poêlons qui étaient remplis de pommes de terre qu'on appelait des pommes de terre violettes ou noires...

qui étaient toutes rôties, bien dorées. Tous trois nous nous mettions sur le dessus du poêle pour nous sécher, un autre les pieds dans le four et nous mangions toutes ces pommes de terre, nous n'en laissions jamais tellement elles étaient bonnes. Il y avait une bonne soupe ; nous mangions notre soupe. Il y avait du baraton qu'on appelait de la "burette". Nous mangions un peu de baraton avec notre pain noir et puis nous allions nous coucher. Vous aviez bien mangé et vous étiez bien contents et nous n'en demandions pas plus et toute la nuit nous dormions bien.

Le lendemain on nous appelait de grand matin. Jamais nous n'étions les derniers à l'école, toujours les premiers dans la cour de l'école pour y jouer et voilà ! Et notre vie continuait comme ça. Et voici la vie de l'ancien temps.

Laissez-moi vous parler un peu de mon école, comme c'était drôle, comment on s'y amusait de temps en temps bien que, durant l'école, nous étions bien sages, nous ne faisions pas de sottises. Mais, à dire la vérité, quand nous pouvions en faire quelqu'une, nous la faisions.

Notre bureau se levait et avec ma camarade d'école, la Tonia Marcoux, et bien quand on pouvait en faire une, nous la faisions. Et ce que nous aimions le plus c'est quand je pouvais lui apporter de chez nous les poires cuisses-dames que mon papa faisait cuire dans le four quand il faisait le pain. Elles étaient bonnes ; elles devenaient toutes frisées et toutes rouges, ces poires. J'en apportais à ma camarade qui n'en avait pas mais ses parents tenaient une épicerie et nous faisions un échange. Quand nous pouvions lever le couvercle de notre bureau, je lui passais quelques poires cuisses-dames et elle, en récompense, elle m'apportait deux trois barres de chocolat. Ses parents tenaient une épicerie et elle devait prendre ça à sa mère sans le lui dire, bien sûr. Et moi, je prenais les barres de chocolat. Et elle mangeait les poires cuisses-dames toutes confites. Et c'était bon ! Elle aimait ça ! Et quand nous avions fait échange le couvercle retombait sans rien dire et nous regardions si la dame ou la demoiselle ne nous voyait pas. Nous faisions ça en cachette. Et bien nous étions contentes et nous recommencions souvent. Et quand nous pouvions faire quelques petites sottises, bien que nous soyons bien sages, nous ne manquions pas de les faire mais jamais on nous voyait. Nous ne nous laissions pas voir, nous nous cachions.

Quand on voulait se dire quelque chose pour le lendemain, avec ma camarade, nous relevions le couvercle du bureau et, tout doucement, nous écrivions sur un petit morceau de papier avec notre porte-plume et notre encre violette. Nous nous disions ce que nous voulions pour le lendemain. S'il fallait apporter quelque chose nous le faisions. C'était pas toujours commode. Bien des plumes souvent ne marchaient pas bien. Quand on en trouvait une qui allait bien, on la mouillait de notre salive et on la mettait au porte-plume. Et ça marchait tout seul. On se disait ce qu'on voulait.


La neige dans un village de montagne
(photo de Marcel Roinat, Cahier deVillage de Forez, n° 67)

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mise à jour le 28 février 2010