enregistrement
dans le 6 février 2002
au cours d'une veillée du groupe
Patois Vivant
au Centre social de Montbrison, 13, place
Pasteur
pour écouter cliquer ci-dessous
(4 min 5 s)
Dans ces
villages [bour] et ces hameaux [vialage],
il y en avait toujours quelques-uns qui étaient nigauds [badaro]
et qui se faisaient prendre. Et, une fois, il y avait des maçons
qui étaient dans le bourg. Il y avait le père qui
travaillait dans une ferme au fond du village, le garçon,
en haut Et dans ce village, il y avait le "Pète".
Le Pète, il se faisait toujours avoir. C'était un
vieux garçon. Il travaillait chez les uns chez les autres.
Les hivers, il cassait du bois sous les hangars [lou chapi].
Au printemps, il bêchait les jardins. Les maçons l'avaient
embauché pour faire le goujat.
Et, tout
à coup, il lui dit :
- Oh ! Il manque un peu de chaux pour [finir ?] cette muraille.
Va-t-en donc voir le garçon à la cime du bourg, un
fond de sac, ça suffira.
Et le Pète descendit, avec un sac vide. - Oh ! Mais c'est pas ça qu'il me fallait. C'est du ciment
blanc, ça ! Retourne chercher.
Et le Pète
repartit. Et, en arrivant dans le milieu du village, vers le "bachat"
[la
fontaine],
le Baptiste qui était assis lui dit : - Mais tu ne vois pas qu'il se moque de toi ! Mais que t'es bête.
Tu n'as pas de jugeote [éme
: bon sens].
Il lui dit : - Oh ! mais va-t-en vite à l'épicerie. Ils ont
peut-être livré, ils en ont peut-être reçu.
Tu y vas, tu achètes pour cent sous de jugeote [éme].
Le Pète,
tric, trac, avec ses sabots, traversa [la
place].
Il rentra chez la Tonia de chez Bonnefoy, qui tenait le Zanzibar,
et lui dit : Je voudrais pour cent sous de jugeote.
La Tonia
qui le connaissait et qui regardait par la vitrine le Baptiste qui
s'en tenait les côtes se dit : il lui en a fait encore
une autre.
Elle lui
dit : - Oh ! mon pauvre Pète t'as rien de la chance, tiens.
Pour une fois qu'on m'en avait mis un peu, c'est déjà
tout vendu.
Le Pète
partit tout ennuyé. Il crut tout le soir que s'il avait pu
en acheter un peu, il aurait été comme les autres.
Il lui arriva
un autre [
?]
au Pète. Il y avait, dans le village, une vieille fille qu'on
appelait la Phine. De "Fine", elle n'avait que le nom.
Elle faisait du raccommodage, quelques lavages, elle gardait les
enfants. Les voisins l'aidaient un peu à vivre. Et il y avait
un paysan du fond du bourg, tous les hivers, il lui faisait passer
un sac [éna boje] de pommes de terre. Un jour, il vit le
Pète qui "badait la mire" [bayait
aux corneilles].
Il lui dit :
- Tiens, prends donc la brouette et monte ce sac chez la Phine.
Et pour
arriver chez la Phine, il y avait des escaliers qui étaient
raides, droits. Il ne pouvait pas passer avec le sac sur le dos.
Il appela la Phine pour l'aider. Et le Pète poussait le sac
par le derrière, la Phine tirait par les oreilles. Ils avaient
fait les trois quarts de l'escalier. Tout par un coup la bride du
sabot du Pète lâcha. Le Pète descendit les escaliers
sur le ventre. La Phine perdit l'équilibre. Elle descendit
sur le dos. Elle était rondelette, ce n'était pas
le sac de pommes de terre qui l'arrêta. Elle passa par-dessus.
Ce qu'il y a, c'est qu'en passant par-dessus, ça lui remonta
toutes les robes sur la tête. Et le Pète, lui, toujours
renversé [évanlé] dans l'escalier, les deux
mains au derrière du sac, il n'avait que la tête qui
dépassait. Il vit arriver la Phine, les jambes en l'air,
le derrière à la bise. Et comme elle portait encore
des culottes fendues, le Pète se retrouva le nez dans le
"pisse-droit" de la Phine, mais dans l'escalier c'était
noir, il ne vit pas grand-chose. L'honneur de la Phine fut sauf.
Mais la
Phine, c'était la première fois que quelqu'un lui
passait dessus de si proche, elle en fut toute retournée.
Enfin les présentations furent vite faites. Et les voisins
disaient, qu'en passant l'hiver, ils voyaient, de temps en temps,
le Pète qui montait veiller chez la Phine. Ils en faisaient
des gorges chaudes : - On va bientôt les marier pour Pâques.
L'autre
disait : -
A moins qu'ils ne fassent Pâques avant les Rameaux !
Et tout
ça arriva aux oreilles du curé. Il alla voir la Phine.
Il n'en eut pas pour longtemps pour la confesser. Il attrapa le
Pète. Il lui passa un sermon. Pète ne comprit pas
grand-chose. Il compris seulement une chose : il ne fallait plus
du tout qu'il aille veiller chez la Phine. Cela le contraria [littéralement
: "lui sut mal"].
Et les vieux
disaient : Oh ! le curé a eu raison, parce que s'il était
arrivé quelque chose, ça aurait été
Beauseignette
et Bonne-gens
mariés
ensemble.
Mais, en
attendant, le Pète et la Phine eurent une aventure, comme
les autres.