Vous ne
savez pas ce qui m'est arrivé l'autre jour ? Je vais vous
le raconter. Jeudi passé, je partais faire la lessive [lo
buya] au lavoir qui se trouve de l'autre côté
du village juste à l'entrée de C
?, vers le
chemin du C
? Comme les petits [lou matru] n'avaient
pas d'école, j'ai emmené mes deux derniers : ma
Jeannine avec mon petit Maurice qui a tout juste ses cinq ans,
tout fier de porter la corbeille de linge. Et ça m'a bien
évité de prendre la brouette de mon homme.
Allons
bon, j'arrive au lavoir. Je sors ma caisse. Je commence à
faire tremper, à taper mon linge. Je tape à grands
coups de battoir [batou]. Les deux petits se mettent à
se chamailler, à se courir après. Je leur dis :
Allez donc ramasser des
allez donc dans le pré, à
côté, il y a un "bachat" [un
abreuvoir]
pour faire boire les vaches, vous y attraperez des grenouilles.
Quelle bonne idée ! Ils cherchent un récipient [una
gandole] et les voilà partis en courant.
Voilà
qu'une voisine arrive, la Jeanne, de la Côte. Et on se met
à parler. Vous ne savez pas ce que c'est de trouver quelqu'un
pour se mettre parler ! Des uns, des autres. Vous avez su ? Il
paraît que la fille [lo p'tchita] du boulanger attend
[un
enfant]
pour le mois de février. Elle ne s'était pas mariée
pour le [autour
du]
quinze août ? Dites, vous n'avez pas entendu
dire que notre curé allait s'en aller ? Bref, il se dit
les nouvelles, les uns, les autres. Croyez-moi, on ne pensait
plus à nos petits.
Tout d'un
coup, ma Jeannine arrive en courant : Viens vite maman ! viens
vite ! Le Maurice est tombé dans le bachat. Jésus,
Marie, Joseph ! Mon sang n'a fait qu'un tour. Je me mets à
courir et je vois mon Maurice tout trempé, trempé
comme une soupe, à trembler, et à trembler. Je lui
dis : Tu as eu peur, hein ? Pourtant il n'est pas resté
longtemps dans l'eau. Sitôt tombé, sitôt sorti.
Je lui dis : Tu as eu peur, hein ! Oh ! oui, il me répond.
Je suis vite sorti, sitôt tombé, sitôt sorti.
J'avais peur que les vaches me boivent !