Patois vivant




 

Souvenirs de Saint-Bonnet
de Jean Chambon

 

Souvenirs de Saint-Bonnet

Jean Chambon

(patois de Saint-Bonnet-le-Courreau)

enregistré en 1979 au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison, rue de Clercs

Les vaches et "la" fantôme

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(1 min)

J'étais en train de herser et puis il y avait un épouvantail [éna fantôme] au milieu de la terre pour empêcher les oiseaux de manger le grain. Je hersais du côté d'en-bas. Ces vaches avaient les oreilles toutes droites, elles regardaient cet épouvantail. Elles n'osaient pas passer. Elles avaient peur. Moi, je me baissai un peu et avec mon aiguillon [ma latte] j'ai fait bouger l'épouvantail. Les vaches, les voilà parties ! et ba da ri et ba da ri ! La herse au cul à travers les prés. Cette herse butait par terre et, dans l'élan, ça renvoyait la herse en l'air. L'herse allait les buter sur le dos ; ça les piquait. Plus ça les piquait plus les vaches filaient.

J'ai pris mes jambes à mon cou et j'allai les arrêter à - je ne sais pas - cinq ou six cents mètres à travers les prés. Les vaches, eh bien mon vieux, je "maronnais" d'avoir fait bouger cet épouvantail. Je fichai le camp à la maison.

Jean Chambon, quelques années plus tard, a raconté à nouveau ce souvenir. C'était au cours d'une veillée patois vivant le 7 décembre 1983 :

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(30 s)

*

*     *

Le parapluie-carabine

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(1 min 21 s)

Ils aimaient bien chasser, mes frères. Alors, ils n'étaient pas bien riches pour acheter des fusils. Et puis, il y en a un, l'aîné - il en avait dans la tête - il avait trouvé un parapluie, un manche de parapluie, un petit peu plus petit que mon petit doigt. Il dit : tiens, avec ça, je vais faire un fusil. Alors il emmanche le manche de parapluie dans un morceau de bois, et à la culasse il a mis un autre bout de fer un peu plus épais. Et pour faire le percuteur un caoutchouc [...] une flèche et un crochet et une gachette, quoi. Alors en tirant, po ! ça allait percuter la cartouche, quoi. Une cartouche de 6 millimètres. Et puis il prenait cette carabine pour tirer les oiseaux. Et puis on l'emportait quand on allait labourer, semer ; on emportait cette carabine.

Et puis un jour j'étais dans les genêts et lui au milieu de la terre, en bas. Il dit : tu dis chiche ? Chiche ! J'étais, je ne sais pas, à trente mètres. Dans les genêts. Bordel ! les plombs me piquaient de tous les côtés, par les jambes, par les fesses, ben mon vieux ! Heureusement que je tournais les fesses. Autrement ça m'aurait touché dans les yeux [...] la vue.

*

*     *

Le grand Massacrier et les gendarmes

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(1 min 57 s)

Il y en avait beaucoup, alors, à Saint-Bonnet, des chasseurs. Ils n'avaient pas de permis, des vieux fusils à broche. Et le grand Massacrier de Planchat, il chassait souvent sur la neige. Mais ce jour-là, il n'y avait pas de neige. Mais il chassait toujours sans permis, au mont Semiol, là-haut ! Il était en train de chasser mais tout d'un coup, les gendarmes, il ne vit que les gendarmes à ses trousses. Juste derrière lui, deux gendarmes.

Eh ! Là-bas, qu'est-ce que vous faites !

Il ne dit rien. Oh ! Bordel ! Il ne dit rien. Il prit ses jambes à son cou, à grand train [
a dro-de-bè]. Il était grand, Massacrier, très grand, le fusil d'un côté et ses grandes jambes. Et les gendarmes, par derrière, qui couraient aussi vite que lui. Ils étaient deux. Ils faisaient la course tous les trois, quoi !

Le grand Massacrier : attends ! je les aurai bien. Parce que, en bas, il y avait une retenue [
une enclose] sur le ruisseau. Attends ! je vais les emmancher vers la retenue, je vais bien les avoir, ici. Il connaissait bien l'endroit où il était capable de sauter et dans son élan il saute la retenue presque à l'endroit où elle était la plus large, quatre mètres à sauter dans son élan. Je les aurai bien ! Il arrive, il saute de l'autre côté d'un coup. Les gendarmes, derrière, étaient là.
- Merde !
- On vous tient.
- Oh ! pas encore, messieurs les gendarmes.

Alors il saute la rivière. Les gendarmes, derrière, ne purent pas sauter. Pendant qu'ils allaient faire le tour, en haut de la retenue, il ficha le camp à la maison. En arrivant dans le [...] il trouve ma grand-mère qui était en train de faire des rations pour le bétail.
- Cache mon fusil ! j'ai les gendarmes au cul.

La grand-mère cacha le fusil dans la paille et puis après, lui, il alla vite se changer, changea de veste, prit un sac sous le bras et le voilà parti plus loin sur le chemin. Après les gendarmes le trouvèrent.
- Où est-ce vous allez ? Qu'est-ce que vous faites ?
- Je vais chercher du grain à Monate.
Et ceux qui l'avaient poursuivi, ils ne le reconnurent pas...

 

Qui était Jean Chambon ?
Jean Chambon (1915-1994)

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mise à jour le 25 janvier 2010