Quand j'étais gamin, chez nous, à
Saint-Georges, il n'y avait pas l'électricité. Il
n'y avait pas l'électricité. A Saint-Georges, ça
été électrifié en 1935. J'avais huit
ans. Et alors, on s'éclairait, à ce moment,
avec des lampes à pétrole, hein ! J'ai une histoire
sur la lampe à pétrole, après. Alors à
la maison il y avait une lampe à pétrole, quoi,
à la cuisine. Avec des poulies, ça montait, ça
descendait, et puis bon, remplie de pétrole, là.
Et puis alors pour aller à l'étable et dans les
granges, il y avait la lanterne, une lanterne, quoi, qu'ils portaient,
ici. Et puis il y avait la lanterne du cheval qui avait…
C'était une bougie qu'ils plantaient sur la voiture, quoi.
Et puis après c'était des bougies dans les chambres,
quoi. Et à la cave, mon père avait fait un trou
dans une pomme de terre, où il plantait… Ça
ne l'empêchait pas de boire un canon.
C'est une histoire qui m'est arrivée,
j'étais gamin. Ce n'était pas électrifié
à cette époque. Alors il n'y avait pas la cantine
scolaire. On allait manger chez Pierre et Paul, quoi, au bourg.
Alors, ma grand-mère, elle avait pris des pièces
au bourg et elle nous faisait manger, à midi. Alors, nous,
on lui portait le lait le matin. J'habitais à la Chanal
(1) et la Chanal c'est à deux
kilomètres du bourg de Saint-Georges. Alors, on faisait
le chemin, quoi, avec nos sabots couverts, hein, dans la neige
[l'iver :
la neige]. Alors ma mère elle
avait mis… C'était convenu qu'on devait lui porter
un litre de lait, à la grand-mère, quoi. Et mon
frère était plus grand, il passait devant. Il portait…
Ma mère avait mis un sac, ces sacs de toile qu'il y avait
dans le temps, qui avaient deux poches, une pour mettre un litre
devant, hein ! Alors elle avait mis le litre qui avait tenu du
pétrole, bien sûr, d'un côté et, de
l'autre côté, le litre de lait. Alors mon frère
passait devant, marchait devant, à grands pas, premier.
Le litre de lait se débouche. Et à chaque coup qu'il
marchait le lait s'échappait.
- Ah ! mais, dis donc, le lait s'en va !
- Ah ! oui, bon gu, j'ai perdu le bouchon.
Il attrape le bouchon du pétrole
et bouche, il bouche le litre de lait, hein ! Ah ! véridique,
hein !
Ah ! bon, il porte le litre de lait chez la grand-mère.
Oui, mais, à midi, une sacrée savonnée !
Le litre de pétrole… enfin le litre de lait, elle
ne put pas le boire, quoi. Elle fut obligée de le vider
par le trou de l'évier, quoi. Et elle l'engueula comme
il faut. Et elle dit :
- Tu diras à ta mère : s'il n'y a plus de bouchon
à la Chanal, d'y mettre une pomme de terre et pas le bouchon
du pétrole.
Il s'était démerdé, lui.
Il avait pris le bouchon du pétrole. Ah ! Véridique,
ce n'est pas une histoire inventée. Enfin, bon.
(1) La Chanal : hameau de Saint-Georges-en-Couzan.