Patois vivant


Au pensionnat de Leigneux

Anna Reboux

 

Au pensionnat de Leigneux

Souvenirs d'Anna Reboux (née en 1922)
enregistrés
le 7 juin 2013, à Montbrison

(patois de Saint-Laurent-Rochefort)

pour écouter cliquer ci-dessous

(2 min 15 s)

A Leigneux c'était tout à fait bien au point de vue école mais c'était un peu trop sévère, bien sûr. Il ne fallait pas parler pendant les repas. Il fallait manger en silence. Et, des fois, les dimanches, il y en a une qui prenait du culot qui disait : "Mademoiselle, est-ce qu'on peut parler ?" Et, mademoiselle Mure, qui était directrice, si on avait été bien sages pendant la semaine, disait oui, des moments elle disait non. Alors il fallait continuer de manger en silence.

Puis il fallait descendre dans la cour pour s'amuser, en silence les mains derrière… les mains sur les fesses, et pas trop faire de bruit dans l'escalier [l'échalé]. Et puis il fallait se coucher en silence, aussi. On n'avait pas d'eau chaude pour se laver. Le matin il fallait réciter sa prière en se levant, en s'habillant, et ne pas faire de bruit. Et puis il y avait étude, de bonne heure, le matin, avant la classe.

Et puis on allait se promener, l'après-midi. Il fallait passer par le chapitre - je ne sais pas si vous connaissez Leigneux, comment c'est fait ? - et puis on allait jusqu'à la Madone, vers le cimetière. On disait une dizaine de chapelet et on revenait. Mais à partir du cimetière il fallait rentrer en silence et en rangs. Il ne fallait pas bouger, pas faire de bruit, bien sûr. Ce n'était pas comme maintenant [vore (1)] où ils [les enfants] peuvent gueuler comme ils veulent. C'est tout à fait différent. Ç'a bien changé, tout ça.

L'année où je partis en pension, c'était le premier octobre puisque les vacances étaient en juillet et août [en fait août et septembre]. Alors du mois d'octobre il fallut rester jusqu'à Noël. Et puis à Noël on [re]venait pour dix, douze jours. Et puis il fallait repartir jusqu'à Pâques, il n'y avait pas de vacances en février. Et puis de Pâques, après, il fallait aller jusqu'aux grandes vacances, à la fin juillet. Et c'était bien long.

C'était bien à Leigneux, j'y ai bien travaillé. Mais je m'y suis bien ennuyée aussi parce que c'était trop longtemps sans revenir à la maison pendant trois mois. Je n'en pouvais plus. Quand j'ai eu passé mon certificat, le lendemain… Je passai le certificat le vendredi et le samedi je quittai l'école. Je remontai à Chanedat. Je ne pouvais plus rester. Mon école a été finie comme ça. Je n'avais même pas douze ans. Je n'étais pas vieille, mais tant pis, j'arrêtai tout.


(1) Cf. Voures, oures, ores : maintenant, à présent, L.-P. Gras, Dictionnaire du patois forézien, 1863.



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