A
Leigneux c'était tout à fait bien au point de
vue école mais c'était un peu trop sévère,
bien sûr. Il ne fallait pas parler pendant les repas.
Il fallait manger en silence. Et, des fois, les dimanches,
il y en a une qui prenait du culot qui disait : "Mademoiselle,
est-ce qu'on peut parler ?" Et, mademoiselle Mure,
qui était directrice, si on avait été
bien sages pendant la semaine, disait oui, des moments elle
disait non. Alors il fallait continuer de manger en silence.
Puis
il fallait descendre dans la cour pour s'amuser, en silence
les mains derrière
les mains sur les fesses,
et pas trop faire de bruit dans l'escalier [l'échalé].
Et puis il fallait se coucher en silence, aussi. On n'avait
pas d'eau chaude pour se laver. Le matin il fallait réciter
sa prière en se levant, en s'habillant, et ne pas faire
de bruit. Et puis il y avait étude, de bonne heure,
le matin, avant la classe.
Et
puis on allait se promener, l'après-midi. Il fallait
passer par le chapitre - je ne sais pas si vous connaissez
Leigneux, comment c'est fait ? - et puis on allait jusqu'à
la Madone, vers le cimetière. On disait une dizaine
de chapelet et on revenait. Mais à partir du cimetière
il fallait rentrer en silence et en rangs. Il ne fallait pas
bouger, pas faire de bruit, bien sûr. Ce n'était
pas comme maintenant [vore
(1)]
où ils [les
enfants]
peuvent gueuler comme ils veulent. C'est tout à fait
différent. Ç'a bien changé, tout ça.
L'année
où je partis en pension, c'était le premier
octobre puisque les vacances étaient en juillet et
août [en
fait août et septembre].
Alors du mois d'octobre il fallut rester jusqu'à Noël.
Et puis à Noël on [re]venait
pour dix, douze jours. Et puis il fallait repartir jusqu'à
Pâques, il n'y avait pas de vacances en février.
Et puis de Pâques, après, il fallait aller jusqu'aux
grandes vacances, à la fin juillet. Et c'était
bien long.
C'était
bien à Leigneux, j'y ai bien travaillé. Mais
je m'y suis bien ennuyée aussi parce que c'était
trop longtemps sans revenir à la maison pendant trois
mois. Je n'en pouvais plus. Quand j'ai eu passé mon
certificat, le lendemain
Je passai le certificat le
vendredi et le samedi je quittai l'école. Je remontai
à Chanedat. Je ne pouvais plus rester. Mon école
a été finie comme ça. Je n'avais même
pas douze ans. Je n'étais pas vieille, mais tant pis,
j'arrêtai tout.
(1) Cf. Voures, oures, ores : maintenant, à
présent, L.-P. Gras, Dictionnaire du patois forézien,
1863.

Le pensionnat de Leigneux