Patois vivant


Le travail des femmes

Anna Reboux

 

Le travail des femmes

raconté par Anna Reboux (née en 1922)
enregistré
le 7 juin 2013, à Montbrison

(patois de Saint-Laurent-Rochefort)

pour écouter cliquer ci-dessous

(2 min 37 s)


Notre mère[était] toujours levée la première, le matin, bien sûr. Il fallait écrémer les biches [de lait] de la veille. Il y avait une cuillère, tout à fait ["franc"] plate, qu'elle ne prenait que pour faire ça. Et puis elle mettait la crème dans le beurrier. Et puis après il fallait chauffer le lait pour le cailler, pour pouvoir le cailler pour les fromages, "en passant" [pendant] le matin. Et puis il fallait faire la soupe de choux pour les hommes. Quand ils avaient travaillé au jardin, ils venaient manger à huit heures parce que le matin, en se levant, ils ne buvaient que le café, une petite tasse avec de la crème, puis il fallait aller travailler.

Mon frère commençait par aller nettoyer l'étable. [On l'aidait ?], les filles. Puis il fallait passer le lait, bien sûr. On n'avait pas d'écrémeuse alors. On le mettait dans les biches, on le passait avec la "coulougne (1)", je crois. Il y avait un morceau de tissu (peta) [qu'il] fallait laver tous les jours, bien sûr, ou changer.

Et puis après il fallait laver les seaux [bru (2)] qui avaient servi pour traire. Et puis après on mangeait la soupe de choux avec les hommes. Et ma mère se mettait à faire le dîner, le repas de midi. On était nombreux alors il y avait bien pour s'occuper. Il fallait faire les fromages, cailler le lait, faire les fromages dans les faisselles, retourner ceux de la veille qui étaient sur la ["paillette" ?] et puis ceux qui étaient trop secs les porter à la cave, dans la paille. C'est tout un travail qui ne se fait plus, bien sûr.

Et puis on partait au travail, on partait "en champ" [garder les bêtes] jusqu'à midi. A midi il fallait revenir pour manger tous ensemble. Et retourner après parce que, à ce moment, il fallait traire trois fois par jour : le matin, à midi et le soir. On faisait du raccommodage l'après-midi, du repassage, des choses comme ça. Le linge, pour le laver, c'était ma mère qui le faisait le matin, dans le baquet [benon], bien sûr. Il n'y avait pas de machine. Il y a toujours eu de l'eau chez nous, par hasard. Il y avait un puits qui…, c'était commode pour ça. Et puis le [mettre ?] dehors pour le faire sécher. Et puis, le soir, retourner "en champ", et puis recommencer à traire, le soir...

Toujours le même manège, quoi. Ce n'était jamais fini. Et puis l'hiver, après, il y avait la veillée. Ça nous distrayait un petit peu.

L'été, l'après-midi, on faisait une sieste [pragnéron], mais pas les femmes, bien sûr, on n'avait pas le droit de la faire.

 

(1) cf. coullœre : sac en laine ou en toile pour passer le lait, le filtrer, Louis-Pierre Gras, Dictionnaire du patois forézien, 1863.
(2)
Bru : Petit seau pour traire les vaches, cf. Louis-Pierre Gras, Dictionnaire du patois forézien, 1863.

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