Notre mère[était]
toujours levée la première, le matin, bien sûr.
Il fallait écrémer les biches [de lait] de la
veille. Il y avait une cuillère, tout à fait
["franc"] plate, qu'elle ne prenait que pour faire
ça. Et puis elle mettait la crème dans le beurrier.
Et puis après il fallait chauffer le lait pour le cailler,
pour pouvoir le cailler pour les fromages, "en passant"
[pendant] le matin. Et puis il fallait faire la soupe
de choux pour les hommes. Quand ils avaient travaillé
au jardin, ils venaient manger à huit heures parce
que le matin, en se levant, ils ne buvaient que le café,
une petite tasse avec de la crème, puis il fallait
aller travailler.
Mon frère commençait par
aller nettoyer l'étable. [On
l'aidait ?], les filles. Puis il
fallait passer le lait, bien sûr. On n'avait pas d'écrémeuse
alors. On le mettait dans les biches, on le passait avec la
"coulougne (1)", je crois. Il y avait un morceau
de tissu (peta)
[qu'il] fallait laver tous les jours, bien sûr, ou changer.
Et puis après il fallait laver les
seaux [bru
(2)] qui avaient servi pour traire. Et puis après on
mangeait la soupe de choux avec les hommes. Et ma mère
se mettait à faire le dîner, le repas de midi.
On était nombreux alors il y avait bien pour s'occuper.
Il fallait faire les fromages, cailler le lait, faire les
fromages dans les faisselles, retourner ceux de la veille
qui étaient sur la ["paillette" ?] et puis
ceux qui étaient trop secs les porter à la cave,
dans la paille. C'est tout un travail qui ne se fait plus,
bien sûr.
Et puis on partait au travail, on partait
"en champ" [garder les
bêtes] jusqu'à midi.
A midi il fallait revenir pour manger tous ensemble. Et retourner
après parce que, à ce moment, il fallait traire
trois fois par jour : le matin, à midi et le soir.
On faisait du raccommodage l'après-midi, du repassage,
des choses comme ça. Le linge, pour le laver, c'était
ma mère qui le faisait le matin, dans le baquet [benon],
bien sûr. Il n'y avait pas de machine. Il y a toujours
eu de l'eau chez nous, par hasard. Il y avait un puits qui
,
c'était commode pour ça. Et puis le [mettre
?] dehors pour le faire sécher.
Et puis, le soir, retourner "en champ", et puis
recommencer à traire, le soir...
Toujours le même manège, quoi.
Ce n'était jamais fini. Et puis l'hiver, après,
il y avait la veillée. Ça nous distrayait un
petit peu.
L'été, l'après-midi,
on faisait une sieste [pragnéron],
mais pas les femmes, bien sûr, on n'avait pas le droit
de la faire.
(1) cf. coullre
: sac en laine ou en toile pour passer le lait, le filtrer,
Louis-Pierre Gras, Dictionnaire du patois forézien,
1863.
(2) Bru : Petit seau pour traire les vaches,
cf. Louis-Pierre Gras, Dictionnaire du patois forézien,
1863.