Patois vivant


Laa Sain-Fiacre

Souvenirs d'André Berger

 

La Saint-Fiacre
(patois de Savigneux)

lu par l'auteur au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison au début des années 2000


André Berger, petit garçon

pour écouter cliquer ci-dessous

(6 min 38 s)


Bon ! Avec les confrères, nous avons vécu la semaine dernière, un conseil d'administration qui nous a amené des gens, même de Belgique et du Luxembourg. Un jour, la Marguerite Gonon dit à Mme Lerou (1), du CNRS - ce n'est pas n'importe qui - qui s'occupait des confréries, qu'il y avait chez elle, un petit groupe qui célébrait encore la fête de saint Fiacre, patron des jardiniers.

Il y a juste 150 ans que s'est formée, en ville, une société d'horticulture. Et c'était le maire, M. de Quirielle qui en était le président. Et c'étaient seulement des jardiniers particuliers et ceux des maisons bourgeoises qui étaient rassemblés. En ce temps, le dimanche le plus près du 30 du mois d'août, on célébrait la messe, la distribution de la brioche à la sortie de la cérémonie et le banquet qui se terminait bien tard dans l'après-midi, et même plus loin. La statue était exposée dans l'église avec des fleurs, des légumes, des fruits… qui restaient la propriété des curés, bien sûr. Ils aimaient bien ça.

Pour le banquet, ceux qui n'étaient pas riches payaient ce qu'il coûtait mais les châtelains [qui] avaient une bonne situation, le maire, le président laissaient tomber un billet sans ramasser la monnaie. Ça faisait un peu d'argent dans la caisse et, en ce moment, on touchait quelques subventions parce que c'était encore possible en ce temps. Le lundi matin, après la fête, le curé célébrait une messe basse pour les morts. Et après, c'était le casse-croûte, dans un bistro qui payait la cotisation, hein ! Tous les hommes étaient présents, les femmes, je n'en sais rien, je n'étais pas né. A midi, pour le repas, il en manquait la moitié. Et le soir, il ne restait que quelques "groules" [traînards] qui aimaient faire la bringue. Et ça se finissait toujours dans le bistro dont les bonnes étaient les plus accortes.

La société faisait fonction [d'association] de secours mutuels. Quand arrivait un malheur dans une famille, elle ne payait pas la cotisation et touchait quelques sous pour payer le []. Une année on a distribué 150 F pour les plus pauvres. A la suite de fortes gelées il était tombé de la neige trois mois de suite.

Il se faisait des concours, des expositions de fruits, de légumes et c'était les bons jardiniers des maisons bourgeoises qui avaient souvent les premiers prix et le plus grand nombre de variétés. La commission de contrôle passait pour savoir qui avait le plus beau jardin.

Dans les années 1930, la société est devenue le groupement fruitier. Le président en était M. Tixier, marchand de vins à Savigneux. On achetait en commun les paillassons, les graines, les pots, tout ce qui était nécessaire aux jardiniers.

Les voyages étaient surtout faits pour visiter des exploitations de jardinage. C'est le Jean Arnaud qui nous transportait avec son car, et, bien sûr, on n'oubliait pas de mettre les casse-croûte et les gourdes : du [vin] blanc, du rouge, du rose et pourquoi pas la gnôle. Nous nous arrêtions, vers les huit heures, pour manger une part et pour pisser. Le Jean mettait son car dans un chemin de travers et les femmes passaient derrière les buissons et laissaient la rosée du matin dans les trèfles et les froments.

Je me rappelle bien du père Espitalier qui traînait les gourdes de l'avant à l'arrière du car. Et il faisait presque tout le voyage sans s'asseoir. Il avait son gobelet en fer. Il n'en mettait pas beaucoup parce qu'à cause des [secousses ?] du chemin ça débordait. Maintenant, on ne peut plus boire des canons, on ne peut plus manger les chevrotons qui puent, on ne peut plus fumer dans les cars.

J'ai commencé, moi, à payer ma cotisation en [19]37 pour m'inscrire aux cours d'horticulture qui devaient se passer à la Maison de l'Agriculture, le Crédit agricole, aujourd'hui. Il y avait M. Cubayne, le professeur, pour la théorie et, au jardin d'expérience, pour le côté pratique - il était situé rue Chantelauze et bien entretenu par M. Poyet. Les cours se faisaient le dimanche après-midi. Eh oui ! j'ai bien dit le dimanche de deux heures à cinq heures. Et les professeurs nous donnaient des devoirs à faire chez nous. Nous étions une bonne bande de jeunes et, quand c'était un cours de taille des arbres, les anciens venaient pour apprendre et écouter : Georges Cassagne, le père Croix, M […?] qui était ingénieur de la ville de Saint-Etienne, Bidault de Lyon et, une fois, Ebel [?] Marcel, meilleur ouvrier de France, de Saint-Etienne.

Quand nous étions lâchés, vers les cinq heures, ah ! ah ! en ville pour trouver les filles qui nous attendaient vers le cinéma. C'est pas tant que le film était intéressant mais on savait bien passer au dernier rang d'en haut et on rattrapait le temps perdu. Parfois, il ne fallait pas nous demander le titre du film, on était bien trop occupés avec elles pour le regarder.

Te rappelles-tu Pierre Pouillon de Saint-Romain, Joanny Patard de Boën, Garnier de Boën et Michel Chevallard de Boën aussi ? Paul Bonnet qui est devenu maire de Bellegarde ? Stéphane Giraud le paysan de […?], Paul Croix qui était un peu plus jeune. C'était notre temps, le temps où l'on pouvait laisser notre vélo dans le couloir du bistro Favard et le retrouver quand on s'en allait. On buvait des canons, moitié avec de la limonade et vers les huit heures, neuf heures il fallait "rappliquer" à la maison.

Beau temps de notre innocente jeunesse ! Le 2 du mois de septembre la guerre s'est déclarée et le bon temps s'est fini. Le brevet d'apprentissage est arrivé en 41, 42, je ne me rappelle pas bien. C'est le garde qui l'a apporté. On n'y comptait plus. En juillet 42, il fallut partir pour les camps de jeunesse pour faire huit mois et le 6 du mois de mois de juin 43 pour le Service du travail obligatoire chez les "Frigolins".

Notre confrérie de Saint-Vincent et de Saint-Fiacre c'est une survivance de l'ancien temps. Nous devons la continuer pour la mémoire de nos anciens qui ont disparu.


(1) Paule Lerou, auteure, en collaboration avec Roger Lerou de :
"De la charité à l'entraide dans les confréries de jardiniers du XVIIe siècle à nos jours", communication au 118e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Pau, 1993, "De la charité à l'action sociale".

Bannière de la société des jardiniers de Montbrison
aujourd'hui déposée à la Diana

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Patois du Forez

Mise à jour le 6 mars 2013