lu
par l'auteur au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison en 2006
André
Berger, petit garçon
pour écouter cliquer ci-dessous
(3 min 3 s)
Mon copain
- Jean Damon - m'a prêté, il y a quelques jours, un
journal qui est daté de l'année 1907. Ça fait
presque cent ans. J'y ai relevé beaucoup d'articles qui portent
à la réflexion. On braconnait en ce temps et les fautifs
passaient au tribunal qui n'était pas tendre avec eux. Et
il m'est arrivé d'aider [à braconner] quand j'avais
à peu près quinze, dix-sept ans.
J'étais
ouvrier agricole, chez… Je vais dire le nom parce qu'ils sont
tous morts. J'étais ouvrier agricole chez Tonin Besson de
Morenol (1). Et il m'a demandé de rester vers le soir parce
que le Jean, le Jean Brebis qui connaissait bien le coin et qui
avait un furet devait venir pour faire une rafle dans les lapins
de garenne.
A la nuit
tombante (bruzan neu) nous sommes allés à Goutaillet
et sur la berge du Moingt. Nous avons placé les filets sur
les trous et lâché le furet dans les terriers. Ça
n'a pas tardé les lapins sortaient et se prenaient dans les
mailles. Et il ne restait qu'à les occire. En ce temps il
n'y avait pas la myxomatose et, comme il y en avait beaucoup, ils
faisaient des dégâts dans les récoltes et c'était
normal d'en détruire quelques-uns.
Que faire
de dix ou vingt lapins qui étaient morts ? Nous faisions
la distribution chez les voisins, les amis. Et même il y en
avait qui allaient en ville. Eh oui ! J'ai encore dans la tête
que cette garce de furet en avait coincé un dans un trou,
lui avait sucé le sang et s'était endormi. Eh oui
! Il a fallu attendre qu'il finisse la sieste. Comme des couillons
nous sommes restés jusqu'à presque minuit pour attendre
qu'il sorte.
Nous n'étions
pas bien fiers parce que si le garde du château de Bullieu
(2) était arrivé, ou bien les gendarmes, ça
nous aurait coûté cher, en ce temps. Dans le vieux
journal, le tribunal condamnait à cinquante francs d'amende
et quelques jours de prison. Je l'ai lu.
Je n'ai
pas aidé [à braconner] une autre fois parce que quand
je suis rentré à la maison, au milieu de la nuit…
Oh ! la la la. Ça bardait ! Le père a demandé
où j'avais passé ma vie. Il n'était pas content
du tout. Eh ou ! Le Tonin Besson et sa femme - la Louise - ils avaient
une jolie bonne qui était bien chaude. Et c'est tout juste
si le vieux et la maman ne doutaient pas que je me sois amusé
avec la servante.
Braves gens
qui m'avez écouté, c'est une histoire véridique
de braconnage de lapins, pas de lapines. Ça ne se faisait
pas bien en ce temps. Et puis nous étions encore sérieux.