Patois vivant



Le vannier

racontée par André Berger

 

Le vannier

(patois de Savigneux)

lu par l'auteur au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison dans les années 2000


André Berger, petit garçon

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 8 s)

Qui se rappelle de Chambeyron, à Savigneux ?

Qui c'est celui-là ? [Joseph Barou]

Je vais vous le dire [en français]. Je vais vous l'expliquer.

Tous les anciens de Savigneux se rappellent bien de ce vannier qui s'appelait Chambeyron. Il passait de maison en maison et proposait de réparer les paniers, les corbeilles ou d'en faire de neufs dans les fermes qui avaient de l'osier [de l'ambre]. Ebouriffé, sale, pas bien commode, c'est un homme qu'on appelait, dans le temps, un "roulant". Il traînait sa vie, buvait des canons en faisant du porte à porte. Il chiquait. Il aimait bien l'eau-de-vie et sentait mauvais. Il n'aimait pas bien l'eau et le bouillon s'il était clair.

Les paysans le faisaient travailler dans les étables pour profiter de la chaleur que dégageait le bétail. Les patronnes [ganéses : fermières] lui apportaient à manger quand il faisait les paniers. Il aimait bien la soupe avec un morceau de lard pour donner du goût. Il ne fallait pas oublier la chopine et le chevroton. Comme il faisait du bon travail il était à peu près bien traité et connaissait les bonnes maisons. La Plaine… les planards…

Les femmes lui demandaient de faire de jolis petits paniers fantaisie pour ramasser les œufs, les légumes… Il écorçait l'osier et c'était un bon travail qui avait sa récompense avec un café et toujours une gnôle, bien sûr. Et surtout une pièce de monnaie pour acheter du tabac. Pour la nuit, il couchait à la "fenière" [français local pour fenil], dans le foin. Mais les patrons lui enlevaient son briquet par peur du feu.

Nous autres, les gamins, qui avions de huit à quinze ans, quand nous le rencontrions sur les chemins, nous lui chantions une chanson dont se rappellent tous les anciens du pays :

Chambeyron,
a queue de la caille
Chambeyron,
la queue du cochon

[
reprise chantée]

C'est dommage qu'il n'y a pas de gens de Savigneux, ils auraient repris avec moi [en français].

Il nous jetait des pierres et nous chassait avec une "riote" [longue branche flexible]. Il m'a bien cinglé les jambes quelques [plusieurs] fois. Les gamins sont polissons depuis toujours.

Chambeyron a fait comme tous les braves hommes qui ont traîné leur vie dans les fermes. Il est devenu vieux. Tout de suite après la guerre, on ne l'a plus revu. Les religieuses de l'hôpital l'ont reçu un jour. Elles l'ont soigné. Elles ne pouvaient pas faire plus. Et le matin elles ont tiré le grand rideau (1). Ce fut fini des vanniers qui passaient par les chemins. Voilà.

(1) Allusion aux rideaux blancs qui entouraient chaque lit dans la grande salle de l'hôtel-Dieu Sainte-Anne à Montbrison jusque dans les années 1960.

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Patois du Forez

Mise à jour le 21 février 2013