par
un femme parlant le patois de la région de Boën
enregistré
dans
les années 2000 au cours d'une
veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison,
13, place Pasteur
pour écouter cliquer ci-dessous
(3 min 24 s)
[en français]
Je vais vous raconter une histoire, mais qui est
vraie. Le
Père Chassagneux l'a connu (1),
d'ailleurs il est mort il y a longtemps.
[en
patois]
C'était mon voisin, le Glaude, le Glaude de chez [ Roland
?].
C'était un célibataire, tout seul depuis que son père
était mort. Et il aimait bien, il aimait bien boire son canon.
Et quand il avait bu beaucoup de canons, il ne pouvait plus traire
ses vaches alors il venait nous chercher pour traire les vaches.
Mais c'était pas commode. Il n'avait même pas un tabouret
[selon(2)],
[en
français]
il n'avait qu'un tiroir tourné sur le côté.
[en
patois]
Il n'y avait pas besoin d'avoir un canon dans la tête pour
basculer sous la vache, et le seau [seillon],
et le lait. Alors, un jour, j'y suis allée, comme ça.
Et puis il avait bu un bon canon, il tenait la cuite mais il était
malade aussi. Alors je lui dis :
- Mais Glaude, vous ne pouvez pas rester comme ça, quand
même.
Alors il me dit :
- Tu reviendras voir demain.
Alors le lendemain j'ai dit à mon homme :
- Je vais aller voir le Glaude parce qu'il n'était pas
bien. Il y avait la cuite mais il y avait quelque chose qui n'allait
pas.
Alors j'arrive chez le Glaude. Et puis, en effet, il avait pris
froid. Il devait avoir de la fièvre. Il ne prenait pas sa
température, bien sûr. Alors je dis :
- Glaude vous ne pouvez pas rester comme ça. il faut faire
venir le médecin.
Il me dit :
- Non, non, non, non ! Pas le médecin.
Vous savez, à cette époque, [voir
le médecin] c'était un déshonneur.
- T'as qu'à aller à la pharmacie parce que c'est
pas bien [grave] Alors je descendis à Boën.
Je demandais quelque chose au pharmacien. Alors il me dit qu'il
ne pouvait pas donner des piqûres parce qu'il faudrait [une
ordonnance du] le médecin :
- Mais pour que ça agisse vite je vais vous donner des
suppositoires.
Mais moi, je n'ai pas réfléchi que ce Glaude n'avait
jamais vu de suppositoires de sa vie. Alors je revins avec ma boîte
de suppositoires. J'arrivai chez lui. Et je dis :
- Eh bien, voici un remède. Tous les matins et tous les
soirs. Ça devrait passer vite.
Alors il me dit :
- Mais comment il faut prendre ça ? Il faut le faire fondre
?
Je lui dis :
- Non, il faut mettre ça où vous mettez le thermomètre,
quoi.
Je savais pas trop comment lui expliquer. Alors il me dit :
- Alors, crois-tu, cette malhonnête qui veut me [faire]
mettre ça dans le derrière. Eh ben ! mon vieux. Sors-moi
d'ici ! Allez !
[en français]
C'est vrai ça.
En colère, en colère. Alors je suis partie et j'ai
laissé les suppositoires. J'arrivai à la maison. Mon
homme me dit : qu'est-ce qui s'est passé ? Je lui dis : Je
ne ramène pas de remèdes pour le Glaude, tu iras,
toi. Il m'a traitée de toutes sortes parce qu'il ne voulait
pas se mettre ça dans le derrière.
Alors, bon, il guérit quand même avec de l'aspirine,
je ne sais pas. Et, quelque temps après, mon homme y alla
et lui dit :
- Alors ça va-t-il, Glaude ? C'est passé ?
- Eh ben ! ta femme je l'enverrai chercher des remèdes !
Tu crois que je voulais me mettre ça, moi ?
- Et qu'est-ce vous en avez fait Glaude ?
- Oh bien ! mon chien était malade, j'ai passé toute
la boîte au chien.
(1) L'homme concerné par cette histoire.
(2) Le selon, diminutif de sella, chaise, tabouret à
trois pieds pour traire les vaches.