[En
français]
Je vais vous raconter comment ça se passait autrefois,
dans le temps, [quand] les jeunes fréquentaient.
[patois]
Il y avait la Catherine. Elle commençait à grandir.
Et il y a le petit Jean qui la regardait. Et comment faire ? Il
n'avait pas d'auto, pas de vélo et, pour la voir, c'était
pas commode. Alors il partait à toute vitesse rôder
autour de sa maison. Il guettait [verbe : apincher]
mais ne voulait pas se faire voir. C'était bien embêtant.
Mais il avait trouvé une combine pour la trouver. Il allait
à la messe. Et puis à la sortie de la messe - il
n'avait pas le même chemin - mais il partait à toute
vitesse et il rencontrait la Catherine. Il bavardait tous les
deux. Ils ne disaient pas grand-chose, mais enfin ! Et quand il
s'approchait de la maison, il ne voulait pas se faire voir, il
s'en allait.
Ça
dura quelque temps. Mais il y avait Jean-Claude qui était
bien plus hardi. Au lieu de guetter il allait directement à
la maison. Il allait voir le papa et la maman. Et que faire ?
La Catherine, la Catherine
elle ne savait pas bien lequel
choisir. Alors, un jour, le papa lui dit :
Il
ne faut pas rester comme ça, il ne faut pas que tu en aies
deux, il n'en faut qu'un. Regarde : Petit Jean, il est bien brave
mais le Jean-Claude
il y a deux paires de bufs, je
ne sais pas combien de vaches, des chèvres, des poules,
des lapins
tout. Et, en plus, il est tout seul, il n'y aura
rien à partager.
Alors,
la Catherine elle vota pour le Jean-Claude. Un jour - elle allait
se marier - elle rencontra la Marguerite. Elle lui dit : Eh bien
! Tu sais, je vais me marier. Il faudra venir à ma noce,
à mon mariage.
- Tu vas te marier ?
- Eh ben ! oui.
- Avec qui ?
- Avec le Jean-Claude.
- Tu vas te marier avec le Jean-Claude ! C'est un vrai "maraud
! (1)"
- Tu me dis ça parce que tu es jalouse, tu le voudrais.
- Non, non, non, je n'en veux pas du Jean-Claude. Je viendrai
à ta noce mais il faut que tu mettes [invites] mon
amoureux.
- Si tu veux. Et qui est ton amoureux ?
- C'est le petit Jean !
Bon,
alors, voilà. La Marguerite se maria avec le petit Jean.
La Catherine prit Jean-Claude. Avec la Marguerite, on se maria
tout à fait [franc]
bien. Mais la Catherine, la Catherine
pourtant sa mère
lui avait bien dit : Tu verras, si tu te maries avec, Eh ben !
tu verras, il a beaucoup de sous, tu auras un joli "devantier"
(tablier
en français local),
de jolies galoches vernies, un plein panier de provisions. Et,
tu verras, tout ira bien.
Pas
si bien que ça ! C'est que, le Jean-Claude, quand il allait
en ville, la Catherine arrivait, regardait ce [
?]
de jolies cornes. Mais à force de faire la pampille le
Jean-Claude, il attrapa quelque chose, de pas bien bon, je ne
sais pas comment ça s'appelle, je ne me rappelle plus.
Et puis, il mourut. Alors tout le monde alla à l'enterrement.
Et puis il y avait le Tonin et la Phine qui allèrent à
l'enterrement. Le Tonin était vieux. Il avait bien soixante-dix
ans. Il se mit dans l'église, il s'endormit. Et le curé
qui faisait l'enterrement : Requiscat in pace. Ne vois-tu pas
que le Tonin se réveille ! Il dit à la Phine :
-
Mais qu'est-ce tu me dis ? Les cantines sont passées.
- Mais, bougre de gros nigaud, tais-toi, tu es dans l'église
!
Bon,
alors, il se réveilla. Ils allèrent au cimetière.
La Catherine, en sortant du cimetière, se mit à
pleurer, se mit à pleurer, impossible de l'arrêter,
comme la pluie d'hier (2), impossible.
-
Mais enfin, on lui dit, pourquoi que tu pleures tant ? Tu vois
bien que tu vas être tranquille.
- Oh ! non. Tu as écouté tout ce que le curé
a dit ?
- Mais, bien sûr, que j'ai tout écouté.
- Non, non ! Tu n'as pas tout écouté.
- Maintenant c'est fini.
- Oh ! Ce n'est pas fini. Ça ne durera pas bien longtemps.
- Mais c'est fini. Il est mort, n'en parlons plus.
- Mais tu as bien écouté ce qu'il a dit ? Eh ben
! je vais encore le retrouver au Paradis !
(1) Chat, matou, cf. Louis-Pierre Gras, Dictionnaire
du patois forézien, 1865.
(2) Allusion à une journée particulièrement
pluvieuse la veille de la rencontre des patoisants.