Patois vivant




cliché Christian Levet

Deux paires de boeufs...
chez le Jean-Claude

 

Fréquentations

Histoire racontée par une dame
parlant le patois des monts du Forez

(région de Montbrison)

enregistrement dans les années 2000 au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison
, 13, place Pasteur

pour écouter cliquer ci-dessous

(5 min 19 s)

[En français]
Je vais vous raconter comment ça se passait autrefois, dans le temps, [quand] les jeunes fréquentaient.

[
patois]
Il y avait la Catherine. Elle commençait à grandir. Et il y a le petit Jean qui la regardait. Et comment faire ? Il n'avait pas d'auto, pas de vélo et, pour la voir, c'était pas commode. Alors il partait à toute vitesse rôder autour de sa maison. Il guettait [
verbe : apincher] mais ne voulait pas se faire voir. C'était bien embêtant. Mais il avait trouvé une combine pour la trouver. Il allait à la messe. Et puis à la sortie de la messe - il n'avait pas le même chemin - mais il partait à toute vitesse et il rencontrait la Catherine. Il bavardait tous les deux. Ils ne disaient pas grand-chose, mais enfin ! Et quand il s'approchait de la maison, il ne voulait pas se faire voir, il s'en allait.

Ça dura quelque temps. Mais il y avait Jean-Claude qui était bien plus hardi. Au lieu de guetter il allait directement à la maison. Il allait voir le papa et la maman. Et que faire ? La Catherine, la Catherine… elle ne savait pas bien lequel choisir. Alors, un jour, le papa lui dit :

Il ne faut pas rester comme ça, il ne faut pas que tu en aies deux, il n'en faut qu'un. Regarde : Petit Jean, il est bien brave mais le Jean-Claude… il y a deux paires de bœufs, je ne sais pas combien de vaches, des chèvres, des poules, des lapins… tout. Et, en plus, il est tout seul, il n'y aura rien à partager.

Alors, la Catherine elle vota pour le Jean-Claude. Un jour - elle allait se marier - elle rencontra la Marguerite. Elle lui dit : Eh bien ! Tu sais, je vais me marier. Il faudra venir à ma noce, à mon mariage.

- Tu vas te marier ?
- Eh ben ! oui.
- Avec qui ?
- Avec le Jean-Claude.
- Tu vas te marier avec le Jean-Claude ! C'est un vrai "maraud ! (1)"
- Tu me dis ça parce que tu es jalouse, tu le voudrais.
- Non, non, non, je n'en veux pas du Jean-Claude. Je viendrai à ta noce mais il faut que tu mettes [invites] mon amoureux.
- Si tu veux. Et qui est ton amoureux ?
- C'est le petit Jean !

Bon, alors, voilà. La Marguerite se maria avec le petit Jean. La Catherine prit Jean-Claude. Avec la Marguerite, on se maria tout à fait [franc] bien. Mais la Catherine, la Catherine… pourtant sa mère lui avait bien dit : Tu verras, si tu te maries avec, Eh ben ! tu verras, il a beaucoup de sous, tu auras un joli "devantier" (tablier en français local), de jolies galoches vernies, un plein panier de provisions. Et, tu verras, tout ira bien.

Pas si bien que ça ! C'est que, le Jean-Claude, quand il allait en ville, la Catherine arrivait, regardait ce […?] de jolies cornes. Mais à force de faire la pampille le Jean-Claude, il attrapa quelque chose, de pas bien bon, je ne sais pas comment ça s'appelle, je ne me rappelle plus. Et puis, il mourut. Alors tout le monde alla à l'enterrement. Et puis il y avait le Tonin et la Phine qui allèrent à l'enterrement. Le Tonin était vieux. Il avait bien soixante-dix ans. Il se mit dans l'église, il s'endormit. Et le curé qui faisait l'enterrement : Requiscat in pace. Ne vois-tu pas que le Tonin se réveille ! Il dit à la Phine :

- Mais qu'est-ce tu me dis ? Les cantines sont passées.
- Mais, bougre de gros nigaud, tais-toi, tu es dans l'église !

Bon, alors, il se réveilla. Ils allèrent au cimetière. La Catherine, en sortant du cimetière, se mit à pleurer, se mit à pleurer, impossible de l'arrêter, comme la pluie d'hier (2), impossible.

- Mais enfin, on lui dit, pourquoi que tu pleures tant ? Tu vois bien que tu vas être tranquille.
- Oh ! non. Tu as écouté tout ce que le curé a dit ?
- Mais, bien sûr, que j'ai tout écouté.
- Non, non ! Tu n'as pas tout écouté.
- Maintenant c'est fini.
- Oh ! Ce n'est pas fini. Ça ne durera pas bien longtemps.
- Mais c'est fini. Il est mort, n'en parlons plus.
- Mais tu as bien écouté ce qu'il a dit ? Eh ben ! je vais encore le retrouver au Paradis !


(1) Chat, matou, cf. Louis-Pierre Gras, Dictionnaire du patois forézien, 1865.
(2) Allusion à une journée particulièrement pluvieuse la veille de la rencontre des patoisants.

 

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mise à jour le 12 mars 2013