Patois vivant


Confession des hommes


 

Confession des hommes

(patois des monts du Forez)

Une homme âgée

Histoire enregistrée le 6 février 2002

au cours d'une veillée du groupe Patois vivant
au Centre social de Montbrison

pour écouter cliquer ci-dessous

(durée : (4 min 1 s)

[en français]

Ce sont des histoires qu'on écoutait souvent, dans le temps, dans les veillées. Les anciens racontaient ça en jouant aux cartes et nous, les enfants, on s'approchait pour écouter. Et quand ils voyaient qu'on était trop… qu'on écoutait trop bien ils changeaient de conversation ce qui donnait un air d'authenticité à ces histoires

[en patois]

Alors, celle-ci, elle se passa dans ce bourg, sur les montagnes du Soir. Le samedi de Pâques, l'après-midi, c'était la confession des hommes. Ce qui fait que l'après-midi, ils mettaient un peu les jambes dans le four, passaient à étable, regardaient si tout se passait bien, montaient à la chambre [pour] s'endimancher. Ils prenaient une paire de culottes de velours ou de "deux-laines  (1)". Un gilet, un chapeau, un veston noir, et les voilà partis au bourg. Parfois ils faisaient trois ou quatre kilomètres pour arriver à l'église.

Et ils se [re]trouvaient sur la place. Ils étaient beaucoup et ils allaient boire un canon. Ça fait que […?], ça faisait du tumulte, dix, quinze bonshommes. Et, en ce temps, on se servait à la chopine, le "Pollionnay (2)" qui fait quarante-cinq centilitres mais quand c'était la presse comme ça, il y avait quelques chopines qui avaient un gros cul, elles ne faisaient que quarante-deux ! Et, serrant sur la rangée de devant, c'était les quarante-deux qui y étaient. Une chopine ne risquait pas de faire le tour [des buveurs] ! Tu n'entendais que :

  • Apporte chopine !
  • Apportes-en une autre !
  • Apportes-en deux pendant que tu y es !
  • Eh ! Attendez, je veux bien payer la mienne !

Ce qui fait qu'il se buvait beaucoup de canons. Et c'était du vin qui était fort, qui titrait. Et le Toine, lui, il n'avait pas de vigne. Il ne faisait qu'un peu de piquette, avec des prunelles [pialousse], quelques "conscrits (3)" qu'il ramassait dans les vignes des autres, après les vendanges. Ce vin fort lui monta à la tête. Il sortit pour aller se confesser tout "effumacé".

Il arriva à l'église, ouvrit les grandes portes, monta à grandes enjambées toute la grande allée qui remonte jusqu'au chœur, il tourna à l'équerre pour aller jusqu'au confessionnal. Il arriva devant le confessionnal, agité [abriva]. Il y en avait déjà beaucoup qui étaient assis qui attendaient leur tour. Il vit qu'il y en avait un [côté du confessionnal] de libre, il s'enfila. Mais dans sa précipitation il s'était un peu trompé. Il avait trop tiré à droite. Il était passé sous la statue du curé d'Ars et il s'était coincé entre la muraille et le confessionnal. Il trouva bien que c'était plus étroit que la dernière fois… pas moins. Il écoutait le petit volet qui s'ouvrait, qui se fermait. Pas trop pressé, il se dit : Mon tour arrivera bien.

Et en attendant, il se mit à réfléchir ["calculer"] à ce qu'il allait lui dire [au curé]. C'est que le Toine, il ne trouvait pas grand-chose. Il habitait là-haut sous les sapins, pas de guinguette, pas de boîte de nuit. Pour fauter ce n'était pas bien facile. Et puis en cherchant bien, il trouva bien quelques choses qui n'étaient pas bien jolies, tiens. Alors le Toine se mit à réfléchir : quand c'était ? quelle année ? combien de fois ?

Et tous ces calculs fatiguèrent le Toine, il se mit à somnoler [donquer : somnoler]. Et, baste pour somnoler, mais, tout d'un coup, il se mit à ronfler. Et du coin où il était, ça montait le long du pilier et ça résonnait sous les voûtes de l'église. Ceux qui étaient assis disaient : [… ?] et ils dirent à celui qui était en bout de banc : Va-t-en voir […]. Et en se dépêchant, il se leva, il renversa le petit banc où on se met à genoux. Ça fit un pet dans l'église ! Ça réveilla le Toine. Toine ouvrit les yeux. Il entendit seulement : Allez en paix, priez pour nous. Brrr ! Le volet qui se fermait. Il mit bien une minute pour comprendre ce qui lui arrivait. Mais quand il sortit de derrière le confessionnal, vous ne l'auriez pas reconnu. Il était droit comme un "i", il marchait raide comme la justice, la tête haute, il regardait les grands vitraux du chœur, la lumière lui tombait sur les joues qui en brillaient. Oh ! les autres dirent, il s'est passé quelque chose. Le Toine n'est pas dans son état normal, d'habitude, il ne fait pas toutes ces choses.

Et bien sûr, qu'il s'était passé quelque chose que le Toine en avait été retourné. C'était la première fois que ça lui arrivait : aller se confesser et ne pas avoir de pénitence !

  • Grosse étoffe en laine de pays.
  • Commune du Rhône, canton de Vaugneray.
  • Conscrit : grappillon oublié par les vendangeurs.

 

Retour


Ecoutons
le patois du Forez




Patois du Forez