Patois vivant


Braconniers, gendarmes

et farceurs

 


 

Braconniers, gendarmes

et farceurs...

(patois de Saint-Georges-en-Couzan)

Une dame et Jean Chambon

Histoires enregistrées au début des années 1980

au cours d'une veillée du groupe Patois vivant
au Centre social de Montbrison, rue de Clercs.
(traduction J. Barou)

pour écouter cliquer ci-dessous

(durée : (3 min 5 s)

Alors, ils étaient partis dans la neige. Ça ne craint rien, il y a beaucoup de neige. A cette époque les gendarmes n'étaient qu'en vélo et, vous savez bien, les chemins n'étaient pas dégagés… Alors les voilà partis. Et puis alors ils étaient en train de regarder le lièvre [la liore : féminin en patois] quand les gendarmes arrivèrent au hameau [le vialage]. C'est que les autres [habitants] du hameau les observaient. Ils disaient : ils vont tirer juste quand les gendarmes, au moment…, ils vont tirer quand les gendarmes vont passer. Il y en un qui dit : "Il faut essayer de les avertir" [lou gueulè : les avertir en criant]. Mais ils [les braconniers] étaient trop pressés, ils n'écoutaient rien.

Tout par un coup : Boum ! "La" lièvre lève les jambes en l'air. Les gendarmes entendent, les voilà partis. Alors, il y en a un [du hameau] qui leur cria, il leur dit [aux braconniers] : par en-haut ! mais pas par en bas !

Les consignes étaient toutes données. Les voilà partis, à travers ils montèrent […?] et puis alors c'est qu'il y avait de la neige, comment faire pour semer les gendarmes dans la neige ? Ils dirent : il n'y a rien à faire, il faut faire le tour et aller passer où il y en a qui ont passé… C'est ce qu'ils firent mais ils ont fait des kilomètres. Ils ont atterri à un hameau qu'on appelle la Colombette, [entre ?] Saint-Georges[-en-Couzan] et Saint-Just[-en-Bas] mais enfin ils furent sauvés…

Il y a une autre fois ça ne se passa pas de la même [façon]. Il y a une autre fois - il y en avait un qui était farceur, chez nous, "affreux" ["très" farceur] - il avait rapporté son "costume" du régiment qui était bleu marine à cette époque, avec le képi. Ils étaient partis à la chasse, cinq, six, les voilà partis à travers. Alors ça allait tout bien. Il [le farceur] dit comme ça : "Attends un moment, je vais aller les faire courir !" Mais il dit aux autres : "Il faudra les avertir en criant parce que si je me rapproche trop près, ils vont me reconnaître." Le voilà parti. Il fit à peu près vingt, trente mètres. Les autres crièrent [pour prévenir]. Tu sais comme ils "gueulaient" chez nous : Brou ! Les autres "décabanèrent" de tous les côtés, à travers, chacun…

Puis, tout par un coup, il leur cria, il dit : "C'est pour rire [pour une "ricanée]…"  

[Jean Chambon, patois de Saint-Bonnet-le-Courreau]

Etienne […?] de Planchat [hameau de Saint-Bonnet], et il chassait toujours sans permis, bien sûr. Dans le mont Semiole, il s'était rendu, à attendre, au passage de "la" lièvre", quoi. Les gendarmes allèrent le cueillir tout chaud, au poste, quoi.

  • Ah ! On vous tient Monsieur !
  • Eh ben ! oui, je suis pris, quoi, mais ça ne me coûtera pas cher puisque j'ai pas bougé, je vous fais pas courir ?
  • Oh ! dites ! Courir ou pas courir, c'est le même prix, hein !
  • Ouh ben alors ! Pour le même prix, courons !

Et le voilà parti et il sema bien les gendarmes. Ils ne l'eurent pas.  

[La dame de Saint-Georges]
Il ne fit pas la lutte comme il y a un…

[Jean Chambon]
Pour le même prix, courons !

[La dame de Saint-Georges]
Je parle de vieux. Alors, un jour, il était à la chasse, en hiver, toujours sans permis, bien sûr. Alors, bon, il ne vit que les gendarmes devant lui, quoi. Et le gendarme eut le temps de lui faire un croche-pied, il eut le temps de l'attraper. Mais c'est qu'ils firent la lutte. Ils avaient tellement fait la lutte, deux costauds ensemble, ils avaient ben fait un trou creusé [pour combler] une vache ! Affreux (1), il paraît !

Alors, tout par un coup, ils [se] lassaient, tous les deux, aussi bien l'un que l'autre. Alors le gendarme commença à prendre peur. Alors il lui dit :

  • Tu es aussi fort que moi. Ma foi, par sympathie, on s'est bien débattus, bon, mais tant pis…
  • Attention, il lui dit, ne me fais pas de procès parce que, le prochain coup, tu sais, je te passe la tournée, hein !

(1) Enorme, considérable.

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