Bon, c'était dans les années 1954, 1955. Je menais les batteuses pour Lévêque, à cette époque, comme Berger (1). On battait dans une ferme de la plaine. Et le matin, casse-croûte, on était à table, en train de manger. On mangeait la soupe et puis le lard.
N'arrive-t-il pas le marchand de vin qui amène un tonneau de cent litres de vin [une cempote] ! D'habitude il n'amenait qu'un "barricot", cinquante litres mais comme, pour la batteuse… - on battait toujours dans cette ferme - il amena une "cempote" de vin.
Alors il arriva à la maison. Il dit : J'amène la "cempote" de vin, il dit au patron. Et le patron lui dit : Laisse-là dans la cour parce que j'ai pas le temps, on est en train de manger. Alors bon, il laisse la "cempote" de vin dans la cour.
Et quand ils ont eu fini de manger, - les ouvriers -, le fromage, ils sortirent. Ils arrivent à la porte, ils "se crevaient" de rire. Alors le patron dit : qu'est-ce qu'il arrive ? Il sort à son tour. Qu'est-ce qu'il voit dans la cour : la truie [la caille] avec ses petits cochons qui était en train de boire [gouler] la "cempote" de vin qui s'était débouchée, bien sûr !
[Elle avait les yeux tout rouges ?] Elle […?], bon gu ! Il y a même les petits cochons qui avaient […?], bon gu ! Il y a des petits cochons qui étaient malades. Ils en ont crevé, bien sûr.
Eh ben ! je vous dis que depuis ce jour… C'était la bonne qui avait laissé cette "cempote" de vin - et nous autres, on était mécano - le patron nous avait dit : Il ne faudra pas […?] aujourd'hui. Je vais donner une bonne étrenne.
Allons, bon ! Mais depuis ce jour, il n'y a jamais eu de "cempote" de vin dans la cour, pas plus que de truie, et l'étrenne je l'attends toujours. Ça fait cinquante ans [de ça ?].
(1) M. Lévêque, un entrepreneur de battage pour lequel avait aussi travaillé André Berger, un autre patoisant participant aux veillées du groupe Patois vivant.
