Patois vivant


 

 

A la foire de Saint-Anthème

avec l'Abbé Epinat

 


 

A la foire de Saint-Anthème

(patois d'Essertines-en-Châtelneuf)

Une dame âgée

Histoire enregistrée au début des années 2000

au cours d'une veillée du groupe Patois vivant
au Centre social de Montbrison

pour écouter cliquer ci-dessous

(durée : (5 min)

C'est à foire à Saint-Anthème (1). Alors mon grand-père habitait à la Villette (2) et son… le tonton habitait au bourg. Alors, l'été, il y avait l'abbé Epinat (3), qui montait en vacances, il venait voir son grand-père. Mais mon grand-père était aveugle. Il avait pris les cataractes, il s'était fait opéré et ça n'avait pas réussi. Alors il avait perdu la vue.

Quand l'abbé Epinat venait le voir, il ne le voyait pas mais il le comprenait à la parole. Il lui disait : Tiens ! C'est toi, Joannès. Et puis, tout l'après-midi, ils bavardaient ["coutarger"]. Ils buvaient un petit canon, du vin de Pinasse, mais je crois qu'ils n'y mettaient pas d'eau.

Et puis c'était début de septembre, un jour, l'abbé vint. Et il dit : Oh ! C'est la foire de Saint-Anthème. J'aimerais bien y aller faire un tour. Et puis il s'adressa à moi : Toi qui marches bien, tu pourrais bien venir avec moi ? On emportera notre repas. On montera à Saint-Anthème, on fera un tour à la foire et on redescendra avant la nuit. Il s'adressa à ma mère. Elle dit : Oh ! ça peut bien se faire, si tu veux.

Alors, la veille, il fallait préparer la musette. Mais qu'est-ce qu'il fallait mettre dans cette musette ? C'était les restrictions. Des topinambours, des pommes de terre, des raves… Oh ! mais il y a des petits [pigeons] bizets qui sont bons à manger. Ma mère lui dit : Tu vas attraper les bizets. Alors il attrapa les pigeons, elle les pluma, les fit cuire et le lendemain les mit dans la musette. Et voilà.

De bonne heure, nous sommes partis à Saint-Anthème. Moi, ma musette, l'abbé il avait une carte d'état-major et une boussole. Et puis il avait un bâton. Le bâton, il le prenait parce qu'il ne voulait pas déchirer sa soutane. Une soutane ça coûte cher, il ne faut pas la déchirer.

Alors, nous sommes montés à Saint-Anthème. Nous avons pris les "coursières". Oh ! pas la route, les coursières, les "violets (4)", les "tracolets (5)", les "trappons (6)". Nous sommes arrivés quand même. A midi, nous arrivions à Saint-Anthème. Oh, la la la ! le temps se gâta. Il se mit à pleuvoir. Que faire ? Manger dehors quand il pleut. Mais l'abbé me dit : Oh ! je vais aller voir le curé. Il trouvera bien quelque salle. Il doit bien avoir une salle pour faire le catéchisme, les Cœurs vaillants, la JOC.

Effectivement, il alla à la cure. Il sonna. Une femme ouvrit, qui alla chercher le curé. Oh ! mais, pas de problème, ils firent tout de suite connaissance. L'abbé entre le premier, et moi, le gamin, je suivais derrière.

Oh, la la la ! Qu'est-ce qu'on voit ! Une grande tablée de curés, mais des curés ! mais des curés ! Tous assis, une assiette devant le nez, prêts à manger. Eh ben, moi, j'étais jolie ! Eh ben ! Qu'est-ce qu'ils firent ? Ils allèrent chercher deux assiettes. L'abbé était à son aise, mais moi, le gamin, que faire ? Que faire ? Oh, la la ! J'avais trouvé le temps long.

Et puis, il y avait un petit curé, il était maigre, il était maigrichon, ça ne devait être qu'un "curaton (7)". C'est lui qui nous servit. Et il savait bien faire. Il commença par servir l'abbé, le dernier arrivé et puis moi. Et puis il se servit après. Ouh ! je me dis : C'est bien comme dans les Evangiles, les derniers sont les premiers.

Et bon ! On commença à se mettre à table. Ils mirent du melon. Oh, la la la ! C'est pas tous les jours qu'on mangeait du melon ! C'était bon. Après le melon, ils enlevèrent les assiettes. Oh, la la la ! je me dis : Il n'y a plus rien à manger. Pourtant ça sentait bon à la cuisine […?] une grande platée de pommes de terre. Oh, la la la ! Que ça sentait bon ! Moi qui étais montée d'Essertines à Saint-Anthème, un morceau de melon, c'était pas grand-chose. Ils […?] de la viande. Je ne me rappelle pas ce que c'était comme viande mais je ne laissai rien dans mon assiette, je mangeai tout.

Ils burent le café. Après le café, il fallut dire au-revoir à tout ce monde. C'était déjà tard, il fallait prendre le chemin de Baracuchet…

C'est comme disait mon grand-père : il y a des choses qu'on oublie mais quand ça s'est passé quand on est jeune, on ne peut pas oublier, il n'y a rien à faire…  

  1. La foire de la Croix, le 13 septembre, fête de la Sainte-Croix.
  2. Hameau proche du bourg d'Essertines.
  3. Joannès Epinat, professeur aux facultés catholiques de Lyon.
  4. Sentiers.
  5. Petits sentiers.
  6. Passages pour entrer dans un champ, dans un pré.
  7. Jeune prêtre, séminariste.

 

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