La moisson d'après Vincent Van Gogh
Les vols alimentaires
en Forez il y a 160 ans :
Ventre
affamé
n'a
pas d'oreilles
La faim est mauvaise conseillère dit l'adage.
Si les temps sont trop durs, des miséreux passent de la maraude
au vol qualifié malgré le risque de lourdes peines. C'était
le cas en Forez, il y a un siècle et demi.
Vols en plein champ
Quelques-uns ne se contentent pas de glaner dans les
champs moissonnés. Ils se servent directement aux gerbiers. Pendant
la nuit du 7 au 8 août 1852, des
inconnus emportent toute une meule d'avoine qui était dans le
champ de Joseph Perret,
à Saint-Marcellin-en-Forez.
Nuitamment, du 15 au 16 du même mois, un vol de "blé
froment" est commis sur une meule bâtie dans la terre
située sur le chemin de Montbrison
à Cindrieux, au préjudice
du sieur Arthaud propriétaire et
fermier à l'Olme. Les voleurs ont
détaché plusieurs gerbes de blé, les ont battues
dans un drap, ont vanné le grain. Et ils en ont emporté
la valeur de deux doubles décalitres.
Des larcins semblables sont signalés dans les localités
voisines. Du 17 au 18 août, un vol a lieu chez Gilbert
Poyet. Les voleurs dérobent trente gerbes d'une meule
de blé plantée dans une terre près de Moingt.
Ils repartent avec environ trois mesures de grain.
Le rémouleur cantalou
Le 28 novembre 1855,
Jean Basset, rémouleur, âgé
de 37 ans et originaire du Cantal, passe
la nuit dans l'auberge d'Ecotay tenue par
Louise Joannin, veuve Bayle.
Dans le galetas, près de sa couche, se trouve un sac rempli de
seigle. La tentation est forte d'en chiper un peu. Personne ne verra
rien. Le lendemain, le Cantalou s'en va donc en emportant subrepticement
deux kilos de seigle.
Il vend le produit de son larcin dans la matinée au premier qu'il
trouve sur son chemin. Il s'agit de Jean Arthaud,
d'Écotay, qui paie le grain 30 centimes
le kilo. Arrêté dans la même journée par le
garde champêtre, Basset est interrogé
par le maire du village. Confondu, il est présenté au
procureur impérial et incarcéré. Circonstance aggravante,
le rémouleur dit avoir perdu son passeport. Il se trouve donc
en état de vagabondage et risque une longue détention.
Pain, viande salée et légumes
frais
Dans la même rubrique, on relève, dans
la soirée du 10 au 11 août 1852,
un vol avec escalade et effraction chez Meunier,
boulanger à Saint-Jean-Soleymieux.
Le ou les visiteurs de la nuit n'emportent pas les écus de la
boulangère mais 20 livres de pain miche ! En janvier 1854, un
journalier du village de Chazelles, commune
de Périgneux, vole cinq mesures
de farine à Baptiste Giraudon, meunier
à la Valette.
Dans la nuit du 21 ou 22 février 1852, des inconnus volent un
porc dépecé et salé dans le grenier de Joseph
Bercet, propriétaire à Joassard,
hameau de Chazelles-sur-Lyon.
Le 26 mai 1854, le commissaire Mouton,
de Montbrison, arrête et conduit
en prison la nommée Morlevat Françoise.
Elle avait pénétré dans le jardin de
Fleury Delorme en brisant une clôture et lui avait volé
des légumes.
Menus faits divers, ces vols alimentaires en disent long sur les difficultés
du temps. C'est l'époque où M. Hugo
- le grand Victor - écrit "les
Misérables". Et il n'exagère pas. Tel
Jean Valjean, ces voleurs de la faim, s'ils
sont pris, subiront un impitoyable châtiment, la prison et, parfois
même, le bagne
Joseph Barou