Clément VI le Magnifique
qui fut prieur de Savigneux
  un monument disparu :

Le prieuré Sainte-Croix

de Savigneux

 

          Où se trouvait le Savigneux d'autrefois ? Que reste-t-il de son prieuré ? Peu de chose.
          C'est pourtant à ce vénérable prieuré bénédictin que la commune doit son existence.


Vers l'an mil, Montbrison n'existe pas encore. Et déjà, quelques moines se sont installés, près d'une modeste église, au bord du Vizézy, sur un terrain marécageux concédé par un comte de Lyon et de Forez. Voici Savigneux, le lieu-dit aujourd'hui nommé Bicêtre. L'église primitive du XIe siècle est reconstruite, sauf le chœur, au XIIIe siècle par Guillaume de la Roue. Ce moine de la Chaise-Dieu, prieur de Savigneux de 1233 à 1262, devient ensuite évêque du Puy.

Le prieuré, connu d'abord sous le nom de Saint-Nizier est ensuite appelé Sainte-Croix. Une note de 1699 indique que l'église n'a rien de beau ou éclatant". Elle a deux clochers, un grand et un petit : Le clocher est assez considérable, c'est une tour quarrée... Le prieur dom Pierre Sauret fit faire un petit clocher sur la jonction des voûtes de la nef et de la croupe de l'église .

En 1765 le grand clocher est en mauvais état. Il contient deux bourdons tandis que le petit clocher abrite trois petites cloches. L'église, moins grande mais plus fine que Notre-Dame de Montbrison, a trois nefs d'un beau style gothique. Les baies sont très élancées : 10,50 m de hauteur pour 0,70 m de largeur. Outre le maître-autel réservé au prieur, il y a deux chapelles au bout des nefs latérales, une pour le curé de la paroisse, l'autre dédiée à la Vierge. Une troisième chapelle est située sous le clocher. L'intérieur est orné de retables baroques.

Démolition

A défaut de gravures, reportons-nous aux souvenirs d'Auguste Broutin, témoin oculaire de la démolition : Nous croyons la voir encore, vers 1825… Ses piliers, composés chacun d'un faisceau de colonnettes gothiques, ne supportaient plus les voûtes effondrées de ses nefs. Deux rosaces, dépouillées de nervures et de vitraux, laissaient passer aux deux bras du transept un jour sans mystère, et les grandes baies du chœur livraient à tous les orages le sanctuaire désert...

Octave de la Bâtie nous apporte aussi quelques informations sur l'aspect du clocher. Ce sont de lointains souvenirs d'enfance : Dans ma jeunesse, en venant à Montbrison, mon attention était attirée par le clocher de Savigneux qui me semblait faire le pendant du clocher actuel de Notre-Dame d'Espérance : deux rangs de fenêtres placés comme l'un au-dessus de l'autre… Quand je le vis disparaître cela me fit un véritable chagrin tant il me semblait instinctivement que cela gâtait le paysage…

Passe la Révolution. Le prieuré est vendu comme bien national, la paroisse supprimée. Les bâtiments en mauvais état servent de dépôt de mendicité puis d'asile. En 1830, un entrepreneur en bâtiments, le sieur Zanoly de Montbrison, possèdent les ruines. Il en vend peu à peu les matériaux jusqu'à la totale disparition de l'église. Plusieurs maisons de Montbrison sont bâties avec ses pierres rue des Moulins, quai des Eaux-Minérales, boulevard Lachèze et rue Saint-Jean.

Que reste-t-il de Sainte-Croix ?

En 1850, selon Ogier, une magnifique ferme est installée dans les dépendances du prieuré. Et aujourd'hui, de l'ancien prieuré, il ne reste plus rien, sinon, peut-être un portail marqué d'une date. Et c'est bien dommage pour Savigneux…

Joseph Barou

[la Gazette du 24 août 2007]

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Le prieuré Sainte-Croix de Savigneux

Un prieuré casadéen

Fondation du prieuré

Les communes actuelles sont, pour la plupart, issues des paroisses de l'Ancien Régime qui correspondaient elles-mêmes à des communautés d'habitants fort anciennes. Pour comprendre la situation actuelle de Savigneux, ses limites territoriales et sa proximité d'avec Montbrison, il est indispensable de connaître son histoire sur le plan religieux. Cette histoire, jusqu'à la Révolution, se confond pratiquement avec celle de son prieuré car Savigneux doit son existence aux disciples de saint Benoît.

On a peu de précisions sur la fondation du prieuré de Savigneux qui intervient avant l'an mil. Selon Auguste Broutin elle aurait eu lieu en 930 à l'initiative d'un comte de Lyon et de Forez, Gérard ou Arthaud 1er, mais la charte de fondation ne nous est pas parvenue. Pierre Roger Gaussin, très prudemment, indique qu'il pourrait avoir été fondé par les comtes de Lyon et de Forez au Xe siècle et qu'il est attesté dès 1116 .

Quelques moines bénédictins installent au bord du Vizézy un petit monastère dédié d'abord à saint Nizier puis à la Sainte Croix au lieu aujourd'hui nommé Bicêtre. Ils entreprennent de défricher le voisinage, un territoire peu engageant, bas, humide et couvert de forêts. A deux kilomètres plus au sud se trouvent les restes de la ville gallo-romaine de Moingt (Aquae Segetae) et réduite à un petit village après avoir été ruinée au IIIe siècle par les invasions germaniques.

Bien que modeste le prieuré bénédictin de Savigneux n'en est pas moins le plus ancien établissement religieux de la région si l'on excepte, peut-être, une petite chapelle dédiée à la Vierge Marie qui aurait été incluse dans l'enceinte d'un premier château sur la butte volcanique de Montbrison. C'est aussi l'un des plus anciens monastères du Forez après Montverdun et Ambierle.

Cette ancienneté fait que le prieuré a juridiction ecclésiastique sur un vaste territoire qui correspond aujourd'hui aux communes de Montbrison, Savigneux, Moingt, Chalain-le-Comtal et Boisset-lès-Montrond. Montbrison se réduit d'ailleurs, vers l'an mil, à un petit village situé en bordure du grand chemin de Forez près du ruisseau venant de Curtieu, à l'emplacement de l'actuel faubourg de la Madeleine. L'église dédiée à sainte Marie-Madeleine dépend de la paroisse de Savigneux qui est, elle-même, sujette du prieuré.


La paroisse de Savigneux


Les gens du voisinage fréquentent l'église du prieuré et jusqu'en 1115 le prieur exerce directement les fonctions de curé avec l'aide d'un moine comme vicaire. La paroisse ainsi jointe au prieuré de Savigneux est placée sous le vocable de saint Nizier. Après le XIIe siècle, le prieur reste le curé primitif et nomme à la cure de Savigneux, aux cures des paroisses de Montbrison (Sainte-Madeleine, Saint-Pierre et Saint-André) et de Saint-Julien de Moingt. Cette dernière paroisse a comme annexe Sainte-Anne à Montbrison.

Cependant, le lieu étant trop inhospitalier, le prieuré n'attire pas, semble-t-il, autour de lui beaucoup d'habitants des environs.

Jusqu'au XVIIIe siècle il reste isolé contrairement à ce qui se passe en d'autres lieux, à Champdieu par exemple où une agglomération se forme auprès du prieuré. La population peu nombreuse est éparpillée dans des hameaux anciens mais chétifs avec, ici et là, quelques châteaux ou maisons fortes : Cromirieu (Crémérieux), Foris, Merlieu, Bullieu, Vaure...

En revanche une décision politique va décider du développement de Montbrison. Vers 1075-1080, le comte Arthaud II qui est en conflit avec l'archevêque de Lyon fait bâtir - ou agrandir - le château sur la colline, forteresse qui commande le grand chemin de Forez. En 1173, le comte de Forez et l'archevêque de Lyon mettent un terme à leur long conflit. Guy II abandonne ses possessions en Lyonnais et Montbrison devient la capitale et le centre de ses possessions.

Une agglomération se forme entre le château et le Vizézy suivant l'axe nord-sud déterminé par le chemin déjà existant. Les paroisses de Saint-Pierre et surtout de Saint-André prennent de plus en plus d'importance. Au XIVe siècle, Montbrison, en plein essor, atteint une population de plus de 4 000 habitants, nombre important pour l'époque. De 1428 à 1438, la ville s'entoure d'une enceinte fortifiée. Le développement de Montbrison ruine ainsi pour Savigneux toutes chances de devenir une ville.

Selon une note datée de 1699 d'un auteur resté anonyme , il y aurait eu autour du monastère un bourg considérable qui aurait subsisté jusqu'au XIIe siècle. Ce village se serait totalement dépeuplé quand les comtes de Forez résidant à Montbrison attirèrent les habitants en faisant faire une grande enceinte de murailles autour de leur château situé sur un rocher qui domine sur la plaine. Et, ajoute-t-il, les guerres firent hâter le reste des habitants de Savigneux de se renfermer dans la clôture nouvelle de ce fort, tellement qu'à peine est-il resté une petite maison près le monastère. L'explication est plausible mais il n'y a, vraisemblablement, jamais eu beaucoup d'habitations autour du prieuré. Et il est bien vrai que sur le plan dressé en 1775 par le sieur Argoud, ne figure qu'une seule petite maison dans le voisinage de Sainte-Croix.



Extrait du plan d'Argoud de 1775 (archives de la Diana)

Sous la tutelle de la Chaise-Dieu

Le prieuré de Savigneux passe en 1116 sous la dépendance de la puissante abbaye de la Chaise-Dieu. Il suit en cela d'autres prieurés foréziens : ceux de Montverdun, l'Hôpital-sous-Rochefort, Sainte-Eugénie de Moingt. Au XIIIe siècle cette grande abbaye, la Rome auvergnate, a plus de trois cents moines et de très nombreux prieurés, non seulement en Auvergne mais aussi dans les provinces voisines et même en Italie et en Espagne.

Avec onze moines, le prieuré de Savigneux a alors une certaine importance puisqu'il compte trois "bénéfices" comme ceux de Saint-Romain-le-Puy ou de Champdieu : celui du prieur, celui du sacristain et un autre dit de la chapelle de Saint-Thomas alors que nombre d'autres prieurés n'en ont qu'un seul comme ceux de Moingt, Gumières, Marcilly, Bard, Sail-sous-Couzan, Rochefort, Montverdun et Feurs (Randans).

Le prieur percevait des droits à Savigneux, Barges et Boisset. Il recevait aussi des hommages comme, en 1251, celui de Gaudemard d'Ecotay qui avait repris en fief les biens du prieuré dans les paroisses de Savigneux et Moingt ou, en 1313, celui de Pierre du Vernet pour ses biens à Boisset .

Le prieuré et les établissements religieux du voisinage

Toute la politique des prieurs va consister, au cours des siècles, à essayer de préserver leurs droits et prérogatives sur les établissements religieux voisins. Il en résulte une interminable série de procès avec différents niveaux de procédures et des appels successifs : le comté de Forez, l'abbaye de la Chaise-Dieu, l'archevêché de Lyon, le Saint-Siège à Rome. De temps à autre, quand les plaideurs se lassent, une transaction aboutit.

Notons quelques dates pour situer les principaux différends :

- 1193 : différend avec les hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem (commanderie dans le faubourg de Montbrison du même nom).

- 1198 : transaction entre Arthaud, prieur de "Savignieu-les-Montbrison" et Pierre, maître et recteur de la maladrerie Saint-Lazare de Moingt ; un moine de Savigneux sera aumônier de Saint-Lazare.

- 1198 encore : conflit entre Guy IV, comte de Forez et le prieur de Savigneux à propos du terrain sur lequel doit être bâtie Notre-Dame de Montbrison. La charte de fondation du chapitre de la collégiale est tout de même promulguée le 5 juillet 1223.

En 1224, l'archevêque de Lyon, Renaud, oncle de Guy IV, donne raison au comte de Forez contre le prieur.
Le prieur en appelle à Rome et demande la démolition de l'église dont le chœur est déjà bâti. Il faut un bref du pape Honoré III, le 7 mai 1225, pour arriver à un arrangement entre les deux parties : le prieur conserve ses droits de patronage. Le territoire en question reste - indirectement - à la paroisse de Savigneux. La chapelle Sainte-Anne, qui sert aussi à l'aumônier de l'hôpital, sera desservie par un vicaire du curé de Moingt, lui-même nommé par le prieur. De plus une redevance sera versée par les chanoines de Notre-Dame. En contrepartie, le prieur doit accepter la construction de la nouvelle église.

- 1212 : procès intenté contre le "vicaire perpétuel de Saint-André". En 1423 la paroisse Saint-André, la plus peuplée de Montbrison n'a pas encore de fonts baptismaux. On n'y célèbre ni les mariages ni les funérailles.

- 1233 : conflit du même type que celui qui avait opposé le prieur aux chanoines à cause de l'hôpital de Montbrison qui avait été transféré de l'enceinte du château sur la rive droite du Vizézy.

- 1277 : procès entre le prieur et la commanderie de Saint-Antoine installée près de l'église de la Madeleine à Montbrison.

- 1327 : traité passée entre le prieur et les chanoines à propos du cimetière de Notre-Dame.

- 1431 : procès entre le prieur d'une part, le chapitre de Notre-Dame et les Cordeliers d'autre part pour des questions d'inhumation.

- 1448 : fin d'un litige entre le prieur de Savigneux et le prieur de Moingt (en quelque sorte la Chaise-Dieu contre la Chaise-Dieu) au sujet des limites des terroirs sur lesquels chacune des parties levaient la dîme. Un accord intervient le 16 avril entre l'abbé de la Chaise-Dieu, agissant comme prieur de Moingt et le prieur de Savigneux .

- 1452 : transaction passé par le prieur Jean de Dyo et plusieurs particuliers à propos de l'étang .

- 1468 : accord entre le prieur de Savigneux et le chapitre de Notre-Dame au sujet de leurs droits respectifs...

Ces querelles qui nous paraissent aujourd'hui des broutilles montrent à quel point, dans la société moyenâgeuse, les droits étaient imbriqués et combien chacun tenait à ses prérogatives, si minimes fussent-elles.

L'essor de Montbrison devenue capitale comtale gêne, bien sûr, le prieuré tout proche. Les efforts déployés par les prieurs freinent un peu son déclin. Cependant, de procès en transactions, le prieuré perd peu à peu la plus grande partie de son ancienne suprématie. Progressivement, les paroisses montbrisonnaises s'émancipent, obtenant fonts baptismaux et cimetières. Il ne lui reste au prieur de Savigneux qu'une primauté d'honneur.

A la fin du XIVe siècle, selon les renseignements fournis par les pouillés diocésains, le prieuré de Savigneux apparaît encore comme un établissement relativement riche parmi les maisons casadéennes. Ses revenus le placent immédiatement après la Chaise-Dieu et Gaillac .

Quelques prieurs parmi les plus notables : abbé, évêque, pape...

Frère Guillaume de la Roue, un prieur de Savigneux, moine profès de la Chaise-Dieu, est choisi comme évêque du Puy à cause de ses mérites. Il est sacré par Urbain IV en 1263 et meurt en 1282 ayant rempli dignement son office.

En 1250 frère Pierre de Vertolet est prieur de Savigneux. Les moines de l'Ile-Barbe le choisissent comme abbé pour remplacer son frère Geoffroi de Vertolet mort en 1268. Pierre est considéré comme un bienfaiteur de l'abbaye lyonnaise.

Mais le plus célèbre prieur de Savigneux est sans conteste Pierre Roger. Issu d'une famille de petite noblesse du Limousin il rentre très jeune à l'abbaye de la Chaise-Dieu puis poursuit de brillantes études. Il commence son éblouissante "carrière" dans les ordres sacrés en devenant pour une courte période prieur de Savigneux, avant de diriger une abbaye, de grands diocèses et enfin toute la chrétienté quand il devient le pape Clément VI dit le Magnifique (voir encadré).


Le pape Clément VI le Magnifique : un ancien prieur de Savigneux



Pierre Roger (1291-1352)
,
qui fut prieur de Savigneux,
devenu le pape Clément VI
de 1342 à 1352
Pierre Roger, second fils de Guillaume Roger et de son épouse Guillaumette de la Monstre, est né en 1291 à Rosiers d'Egletons (Corrèze).

Ce rejeton de la petite noblesse limousine est reçu, en 1302, à l'abbaye de la Chaise-Dieu à l'âge de dix ans. Profès dès 1305, il étudie ensuite à Paris où, en 1323, il reçoit la maîtrise et la licence en théologie. En 1326, il est déjà chargé de cours à la Sorbonne et devient proviseur de ce collège.

Il est prieur de Savigneux pour une brève période car il cède très vite sa charge à Maurice de Châteauneuf. Il devient ensuite abbé de Fécamp puis évêque d'Arras. En 1329, il est archevêque de Sens, en 1330, archevêque de Rouen. La même année, Philippe VI de Valois qui apprécie son intelligence et son sens de la diplomatie, le nomme chancelier du royaume. On le retrouve chargé d'ambassade en Angleterre et en Avignon, auprès du pape Jean XXII. En 1338, Benoît XII le fait cardinal.

Pierre Roger est élu pape, au premier tour et à l'unanimité, le 7 mai 1342, sous le nom de Clément VI. Il continua la tradition de Clément V qui avait choisi comme résidence Avignon en 1309.

Son pontificat de 1342 à 1352 représente l'âge d'or de la papauté avignonnaise (1342-1352). Bien qu'ancien moine bénédictin, il déteste l'austérité. Il dépense sans compter, dilapide les finances du Saint-Siège mais y gagne le titre de "Clément le Magnifique". Il s'entoure d'une cour brillante, fait décorer le palais des Papes et entreprendre de nombreux travaux dont la restauration du pont d'Avignon. Il rachète à la reine Jeanne de Sicile la ville d'Avignon pour 80 000 florins d'or. Amoureux des arts et mécène, il protège les artistes dont le poète Pétrarque devenu son ami.


Il favorise aussi sans vergogne sa famille et ses compatriotes limousins. Il dira après son élection : "Je planterai dans l'Eglise de Dieu un tel rosier de Limousin, qu'après cent ans il aura encore des racines et des boutons".

A côté de ces défauts bien visibles, la fin de son pontificat met en valeur un beau comportement que les historiens lui reconnaissent volontiers. Lors de l'épidémie de peste qui ravage Avignon, Clément VI refuse de fuir la ville, fait soigner les malades et prend en charge les orphelins. Surtout, il défend avec vigueur les Juifs qui sont accusés d'avoir provoqué l'épidémie . Faisant preuve d'ouverture d'esprit il autorise les autopsies et lutte contre le fanatisme en interdisant en 1349 les processions de flagellants.

En 1414 le prieuré de Valfleury (lieu de pèlerinage, à 5 km de Saint-Chamond) est annexé par Savigneux. Cette dépendance durera plus deux siècles, jusqu'en 1744, bien que dès 1688 Valfleury soit confié aux Lazaristes et passe donc, en fait, aux mains de cette congrégation.


L'abbatiale Saint-Robert, la Chaise-Dieu, Haute-Loire

Armes de Clément VI


En 1466, le prieur de Savigneux est choisi parmi les chanoines de Notre-Dame, ce qui est une manière élégante d'éviter les conflits avec le puissant chapitre de la ville. Le prieur est alors Renaud de Bourbon, fils naturel de Charles II, duc de Bourbon et d'Auvergne et comte de Forez. Renaud est aussi prieur de Montverdun. Il deviendra ensuite archevêque de Narbonne. On peut voir sa pierre tombale dans le transept sud de l'église de Monverdun dans laquelle il est enterré. Il fut sans doute le premier prieur commendataire du prieuré de Savigneux en 1466-1467.

Le système de la commende veut que le prieur ne réside pas sur place. Un prieur "claustral" le représente mais, le plus souvent, il se désintéresse complètement du prieuré se contentant d'en percevoir les revenus. C'est particulièrement néfaste pour les petits monastères qui périclitent rapidement.

Le prieur suivant est un autre fils naturel du comte de Forez, Hector de Bourbon qui, lui, deviendra plus tard archevêque de Toulouse.

En 1600, le prieur est Grégoire Perrossel. Le prieuré possède alors des vignes près de Montbrison, à Pierre-à-Chaux et près du faubourg de la Croix. Le 7 mai il consent à l'affranchissement d'une dîme sur une vigne sise au Royat, près de Montbrison, en faveur de Benoît Fasson, marchand à Montbrison moyennant la redevance d'un demi baril de vin .

Longue période de décadence

Les guerres de religion

Les guerres de religion n'arrangent pas les choses. Selon une note trouvée dans les archives du prieuré, l'année 1562 fut particulièrement néfaste :

La ville de Montbrison fut mise au sac et au pillage par les hérétiques, qui y commirent les plus inhumaines et barbares cruautés des tirans du paganisme ; particulièrement dans le monastère de Savignieu qui fut ruiné et brûlé de fond en comble, avec tout ce qu'il y avait de plus précieux, comme ornemens d'églises, reliques et papiers.

En 1614, les bâtiments sont dans un triste état : Le couvent du prieuré et les bastimentz d'icelluy sont en danger de ruyne, une partie estant déjà tombée.

Les ressources du prieuré

En 1649, le prieur donne à ferme les biens du prieuré pour la somme de 2 000 livres à payer annuellement. De plus le preneur doit fournir de l'argent et des prestations en nature aux curés dépendant du prieuré :

- 18 livres d'argent, 8 ânées de vin, 2 setiers de seigle et un setier de froment au curé de Savigneux ;

- 17 setiers de froment et 6 setiers de seigle au curé de Chalain-le-Comtal ;

- 200 livres au curé de Saint-Pierre de Montbrison ;

- 18 livres au curé de Saint-André ;

- 8 ânées de vin, 2 setiers de seigle et un setier de froment pour les pauvres de Savigneux.

- 2 setiers de seigle au sonneur de cloche du village ;
et enfin

- 6 livres 10 sous à l'abbaye de la Chaise-Dieu .

Mise en commende, diminution du nombre des religieux, ressources qui faiblissent… le déclin est inéluctable.

La visite pastorale de 1662

Le procès-verbal de la visite pastorale effectuée à Savigneux le 19 juin 1662 par Mgr Camille de Neuville, archevêque de Lyon, nous montre comment, pratiquement, cohabitent la paroisse et le prieuré :

Comme à Savignieu il y a un prieuré et une parroisse, l'églize est divisée en deux parties. Le bas est occupé par les religieux, ou pour mieux dire, il l'estoit autrefois, car le prieuré estoit conventuel et entretenoit onze religieux. Mais ils ont esté transférés à la Chaize-Dieu et il n'y a qu'un sacristain à Savignieu dont le prieuré dépend de l'abbaye susdite de la Chaize-Dieu et est de mesme ordre qui est celuy de Saint Benoist.

Dans la partie de dessus qui est soutenue par un plancher et est moitié carrellée, moitié boisée, le curé fait ses fonctions curiales. Il y a en cette partie un grand autel et une chappelle du costé de l'évangile.
Le Saint Sacrement ne repose point en cette partie, mais seulement sur l'autel du chœur de la partie inférieure de l'églize qui est celuy des religieux.

En procédant à la visite du Saint Sacrement sur ledit autel, le chœur et le tabernacle ont esté ouverts par le sacristain, et le St Sacrement a esté trouvé dans un ciboire d'argent. Il y a aussi un soleil d'argent et une pixide pour le saint viatique.

Le luminaire de la parroisse est entretenu d'aumosnes. Le calice n'a que la couppe d'argent. Il y a 2 chazubles, deux devants d'autel et du reste suffisamment.

Sur le grand autel paroissial il y a commission de messes fondée du patronage du prieur de Savignieu. Messire Blaise Soret, curé de St-André de Montbrison, est prébendier. Le service est d'une première messe tous les dimanches. On n'a sceu en dire le revenu.

La confrérie du Rosaire est establie en cet autel dédié à la Croix.

Le nombre des communians est d'environ 200.

Messire Claude Henrys est curé depuis le 22 de juillet 1642. Il a pour revenu une portion de dixme de 300 livres. Ces registres et capacités sont en bon estat.


Le prieur est nominateur.

Les saintes huiles et fonts baptismaux sont en deu estat.

La maison curiale l'est aussy et le clocher est garni de 4 cloches.

Le cimetière est déclos et le curé a promis qu'il le ferrait clorre à ses dépens.


L'église Sainte-Croix est alors curieusement aménagée. Un plancher coupe la nef en deux déterminant une sorte d'église basse ou crypte à l'usage exclusif des moines et une église haute pour le service paroissial. L'église semble décemment tenue.

Les derniers prieurs

Dom Pierre Sauret (ou Soret) entreprend la construction de deux dortoirs de chacun six chambres, un cloître, "le tout fort régulier et commode". Il fait aussi bâtir un deuxième clocher où trois cloches sont installées. Ces travaux relativement importants semblent indiquer qu'il y a une embellie pour le prieuré après une longue période de décadence.

Autre signe de cette timide renaissance. Le 13 octobre 1683, le prieuré bénéficie d'une donation de livres. Messire Pierre Manis, chanoine de Saint-Paul de Lyon et prieur commendataire de Savigneux, offre 28 ouvrages aux moines de Sainte-Croix. Il s'agit de la Bible, des œuvres des Pères de l'Eglise et d'ouvrages de théologie. Les religieux de Savigneux devront dire chaque jeudi à perpétuité une messe basse pour la gloire de Dieu et le salut du donateur et des siens . Le prieuré compte alors trois moines : Pierre Sauret, le prieur claustral, Aymard de Floris, titulaire de la prébende de Saint-Thomas et Balthazard Desmolins.

Dom Pierre Sauret qui s'était fait une grande réputation par sa vertu et sa prudence meurt à Savigneux l'an 1687.
Le Révérend Père Aymard de Flory qui lui succède étonne les gens du pays par son adresse manuelle. C'était un artisan très habile qui "se rendoit fort utile par son industrie, travaillant en menuiserie et au tour aussy proprement qu'un maître de profession" . Il est probable qu'il utilise ses compétences en effectuant des travaux pour les gens du voisinage afin de procurer quelque ressource au prieuré.

Il y a toujours de fréquents procès entre le prieur et le curé de Savigneux qui utilisent le même sanctuaire : disputes à propos du grand autel qui est réservé au prieur, que l'archevêque de Lyon veut visiter au cours des tournées pastorales, querelle en 1678 au sujet des fonts baptismaux... En 1682 c'est un ormeau planté devant la porte du monastère qui est l'objet du litige : il faut déterminer à qui reviendront les branches après élagage !

En 1713, le prieur commendataire est Jean Bonnet, prêtre de la congrégation de Saint-Lazare et le prieur claustral Dom Arnaud Dazellest. Le couvent héberge deux autres moines : Dom Gabriel Béal et Dom François Chamuron .

D'autres procédures suivent en 1714 et en 1735.

En 1728, selon la déclaration faite à l'assemblée générale du clergé de France , les revenus du prieuré permettent la nourriture et l'entretien de 6 religieux et de 3 domestiques. Cependant, selon Broutin, le prieuré n'est plus considéré comme un couvent mais comme un simple hospice pour deux ou trois moines vieux ou infirmes que l'abbaye de la Chaise-Dieu y envoyait, quand leur âge ou leur santé imposait le repos, ou demandait un climat plus doux... Vers 1730, le couvent est presque toujours vide, avec des bâtiments qui menacent ruine et le jardin inculte.

En 1751, les moines, sans doute pour accroître leurs ressources, prétendent exercer les fonctions curiales...
Dom Jean Marie Palerne prend possession de la prébende dite de Sainte-Croix et de Saint-Thomas, le 15 février 1738. Le prieur commendataire est alors Jean Couty, supérieur général de la congrégation de Saint-Lazare et le curé de Savigneux Messire Jacques Fargeix .

Procès avec Pierre Chappuis de Villette

En 1700, le prieur et les moines sont en procès avec Pierre Chappuis de Villette au sujet d'aménagements que ce dernier a fait effectuer le long du Vizézy. Ces travaux auraient endommagé un terre chènevière et un pasquier (pâture) de 4 métrées dépendant du prieuré et bordant aussi la rivière.

Pour terminer la contestation, le 2 mai 1700, les moines vendent cette terre au seigneur de Villette pour la somme de 350 livres. Il est convenu que jusqu'à ce les moines trouvent à placer cette somme en achetant un nouveau terrain, M. Chappuis de Villette gardera les 350 livres et leur versera une rente d'un sol par livre (5 pour cent). La vente est passée au monastère par Duby, notaire royal, le 2 mai 1700.

Les moines sont alors au nombre de cinq : Dom Charles Mathieu, prieur claustral, Dom Joseph Faure, Dom Jean Maurat, Dom François Simonnet, Dom Joseph Gadaud, tous prêtres et religieux .

Le pigeonnier des moines

Le prieuré possède deux pigeonniers dans le clos qui l'entoure. Un plan de 1775 donne une idée de la disposition des bâtiments. L'église est orientée à l'est comme il se doit. Son côté nord jouxte un clos rectangulaire dont une petite partie, tout contre l'église, sert de cimetière aux moines. Au sud, l'habitation des religieux et le cloître sont accolés à l'église prieurale. Un deuxième clos entoure le couvent. Les pigeonniers sont probablement les deux bâtiments carrés situés en bordure du clos, tout près du Vizézy. Il s'agit de deux tours en pisé ressemblant aux pigeonniers traditionnels dont nous possédons encore quelques spécimens en Forez.

Les moines louent leurs deux pigeonniers à un aubergiste de Grézieux-le-Fromental pour la coquette somme de cinquante livres, cinquante-trois livres en fait, puisque à ce fermage s'ajoute la fourniture de douze couples de pigeons estimés à cinq sols le couple.

Quel était donc l'importance de ces deux pigeonniers et quel intérêt économique présentaient-ils ? Un couple de pigeons peut, si les conditions sont favorables, élever de dix à seize pigeonneaux chaque année. Pour récupérer le seul montant du fermage, le preneur devait vendre plus de 400 pigeonneaux. Il est vrai qu'il pouvait aussi disposer de la précieuse colombine, engrais très apprécié... Les deux colombiers du monastère pouvaient donc héberger de nombreux pigeons adultes, probablement plusieurs centaines.



Essai de reconstitution du prieuré Sainte-Croix de Savigneux
aujourd'hui totalement disparu


1 - Entrée du prieuré.
2 - Presbytère de Savigneux.
3 - L'église de style gothique, à trois nefs.
4 - Bâtiments d'exploitation et logement du jardinier.
5 - Cloître et logis des moines.
6 - Grand clocher, "assez considérable", au-dessus d'une chapelle
donc au-dessus d'une basse nef.
7 - Petit clocher, construit à la croisée du transept et de la nef.
8 - Cimetière de Savigneux.
9 - Jardin du curé.
10 - Jardin des moines.
11 - Pigeonnier des moines.
12 - Vizézy.
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                              Ferme de deux pigeonniers au prix de 50 livres
                                        passée par les prieur et religieux
                                 du monastere de Sainte Croix de Savignieu
                          à Sieur Jean Perrin hoste de Grézieux du 8 avril 1736



Pardevant le notaire royal au bailliage de Forest reservé pour la ville de Montbrison soussigné et en présence des temoins cy-après nommés furent présents Dom Jean Palerne prieur claustral du monastère de S[ain]te Croix de Savignieu Dom Jean Antoine Pelardy, frère Gabriel Geoffrenet, frère Laurent Javelle, tous religieux dud[it] Monastere,

lesquels de leur bon gréz et volontéz ont assencée et affermé a S[ieu]r Jean Perrin, hoste du bourg de Grezieu icy present et acceptant, a scavoir deux pigeonniers dependant dud[it] monastere scitué dans l'enclos et jardins desd[its] religieux ainsy qu'ils se contiennent et comportent et ce pour le temps et espace de six années entières et consécutives qui commanceront au premier jour du mois de may prochain et a pareil jour finiront lesd[ites] années finies et resolus, pendant lequel temps le sr Perrin preneur promet et s'oblige de bien et duement nourrir les pigeons jusques au premier may de l'année mil sept cent quarante deux que la presente ferme finira,

Laquelle est faitte moyennant le prix et somme de cinquante livres par chacune année payable en un seul terme dont le premier commancera a la Toussaint prochain et douze paires de pigeons aussy annuellement et au cas que lesd[its] religieux ne prennent point lesd. douze paires de pigeons led[it] Perrin les payera a raison de cinq sols la paire et sy lesd[its] religieux en ont besoin de surplus ils les luy payeront a raison de cinq sols sans préjudice de six bichets de pezettes que led[it] preneur s'est obligé de délivrer aux termes du précédent bail et qu'il promet payer auxd[its] religieux a requeste

ainsy convenus promis observer et ny contrevenir a peyne de depens dommages et interest par promesse obligation de biens et propre personne dud[it] preneur qui jouira desd[its] pigeonniers en bon pere de familles et fournira a ses frais auxd[its] dom et religieux expéditions des presentes a requeste soudmissions renon[ciations] et clauses necessaires

fait et passé audit Savignieu dans la salle dudit monastere le huitiesme avril mil sept cent trente six en présence de sieur Jean Baptiste Fasson praticien de la ville de Montbrison de present audit Savignieu, de François Mollin cuisinier desd[its] dom et religieux demeurant actuelement audit Savignieu, temoins requis desquels led[it] sr Fasson a signé avec lesd[it] sieurs bailleurs et ledit preneur a déclaré ne scavoir signer de ce enquis et somméz soit con[tro]llé

Jean Palerne, prieur J. A. Pelardy Fasson Bochetal notaire royal
fr. Gabriel Geoffrenet fr. Laurent Javelle

Con[tro]llé a Montbrison le 21 avril 1736 Reçu douze sols [signé] Levacher

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Vers la suppression du prieuré

De 1752 à 1755 le prieur est Jean-Charles-François Legros, docteur en théologie de la faculté royale de Navarre, chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris.

Peu à peu les ressources du prieuré diminuent : dîmes et rentes sont vendues. Le montant total du fermage passe de 5 800 livres en 1757 à seulement 1 700 livres en 1771 .

En 1770 il reste seulement les produits du vaste clos qui entoure le couvent, de l'étang voisin qui existait déjà en 1452 , d'un pré de 18 métérées situé au lieu-dit Champage, d'une terre de 12 métérées à Montrouge et de deux domaines : le grand et le petit Vergnon. Les revenus s'élèvent à 8 300 livres mais les charges sont de 7 523 livres. Il faut notamment verser des portions congrues aux curés de Savigneux, Saint-Pierre et Saint-André. Il ne reste que 777 livres, une somme insuffisante pour permettre à trois moines de subsister. Chaque année l'abbaye de la Chaise-Dieu doit donc verser un secours de 1 300 livres à sa filiale de Savigneux.

Dès 1771, la réunion du prieuré de Savigneux avec le collège de l'Oratoire de Montbrison est décidée pour 100 livres de rente annuelle à verser à la Chaise-Dieu mais l'année suivante l'accord est annulé. Il sera repris dix ans plus tard .

Le prieur Rat de Mondon

An 1773, après le décès de Donzeau de Saint-Pons, le prince de Rohan, abbé commendataire de la Chaise-Dieu, attribue le prieuré de Savigneux et l'église de Valfleury sa filiale à un autre membre du haut clergé. Il s'agit de Messire André Rat de Mondon, qui cumule de nombreuses charges : prêtre du diocèse de Poitiers, vicaire général du diocèse de Bordeaux, lecteur ordinaire du roi, avocat spécialisé en droit canon au parlement de Paris pour le clergé de France et le comte de Provence... Il réside à Paris, rue du Four, dans la paroisse de Saint-Sulpice du faubourg Saint-Germain.

Le nouveau prieur commendataire désigne un homme de loi montbrisonnais pour représenter ses intérêts à Savigneux : Antoine Chavassieu, un procureur ès cours de Forez .

Ce dernier est aussitôt chargé de donner en ferme tous les biens du prieuré à l'exception du logis prieural et de l'habitation des moines. La ferme de tous les revenus et produits temporels du prieuré est passée le 2 novembre 1773 . A la suite d'enchères, elle est adjugée pour 9 ans et pour la somme annuelle de 10 050 livres à Joseph Riboulet, marchand, et Charles-Joseph Cibost. bourgeois.

Outre la ferme de 10 050 livres et celle de 1 560 livres payées à Maître Chavassieu pour pot de vin , les preneurs ont des charges en nature :

- 40 boisseaux de seigle à la prieure de Saint-Thomas (à cause de la dîme de Champ).

- 8 ânées de vin pur et marchand au curé de Savigneux (à cause de la dîme en vin de Savigneux).

- 3 setiers et huit boisseaux de seigle et 25 poignées de chanvre au curé de Savigneux (à cause de la dîme en grains de Savigneux).

- 2 setiers de blé au sonneur de cloches de Savigneux.

- 2 setiers de seigle aux recteurs de la maison de Charité de Montbrison.

- 6 setiers de froment et 8 setiers de seigle au curé de Chalain (au titre de la dîme de Chalain-le-Comtal).

Les preneurs s'engagent à payer les charges qui reviennent au prieur et qui sont donc déduites de la somme de 10 050 livres. Ils verseront notamment 900 livres pour le curé de Saint-André de Montbrison et ses 2 vicaires, 700 livres pour celui de Saint-Pierre et son vicaire, 200 livres pour le curé de la Madeleine, 500 livres au curé de Champ, 84 livres au curé de Saint-Bonnet-le-Courreau, 20 livres au curé de Chalain-le-Comtal, 65 livres au curé de Savigneux.

Le nouveau prieur entre aussitôt en conflit avec l'abbaye de la Chaise-Dieu. Il tient pourtant sa nomination de Mgr de Rohan, abbé commendataire du monastère auvergnat. Il reste un seul moine bénédictin à Savigneux, Dom Lagorrée. Il s'efforce de lui faire quitter les lieux. Le 22 décembre 1773, son procureur se rend au prieuré et somme le religieux bénédictin qui est venu y habiter depuis quelque temps de se retirer dans son monastère conventuel et de vider les lieux . Messire Rat de Mondon veut bien le prieuré mais vide de tout moine.

Dom Lagorrée réplique qu'il réside à Savigneux par ordre de ses supérieurs légitimes et que le prieur n'a aucun droit de lui intimer un tel ordre. D'autre part, explique-t-il, tous les biens du prieuré appartiennent à la Chaise-Dieu et doivent lui revenir en cas d'abandon total de la vie conventuelle. De plus, de nombreuses fondations doivent être acquittées sur les lieux et c'est lui qui s'en acquitte. Selon Dom Lagorrée, s'il n'y a plus de conventualité à Savigneux c'est parce que le prieur ne verse pas suffisamment de fonds.

Des revenus insuffisants pour un minimum de moines, l'abbaye de la Chaise-Dieu qui s'obstine à garder un représentant à Savigneux, un prieur qui voit les choses de très loin, à la veille de la Révolution la situation est inextricable.

Rat de Mondon ne semble pas avoir obtenu satisfaction car, en 1782, un moine occupe encore le prieuré de Sainte-Croix.

Il entame aussi un procès contre les consuls et collecteurs de taille de Montbrison à cause des impositions qu'il conteste .

Suppression du prieuré

Inévitablement on s'achemine vers la disparition du prieuré. C'est chose faite en 1781. Par décret du 6 septembre, l'archevêque de Lyon, Antoine de Montazet, supprime le prieuré de Savigneux. Les biens et revenus sont réunis au collège de Montbrison. L'église, le clocher et les cloches sont attribués à la paroisse de Savigneux tandis que les meubles, livres, linges et vases sacrés reviennent à la Chaise-Dieu. Titres et bénéfices sont supprimés.

Les Oratoriens qui régissent le collège de Montbrison auront annuellement la charge de verser 500 livres à un jeune étudiant choisi par l'abbé de la Chaise-Dieu, devront payer aux curés de Saint-Pierre et de Saint-André de Montbrison 500 livres chacun et donner 2 livres de cire à la Chaise-Dieu. Enfin l'archevêque de Lyon se réserve le patronage des cures dépendant auparavant du prieuré. Pour Savigneux l'archevêque choisira le curé parmi trois candidats que lui présenteront les Pères de l'Oratoire de Montbrison.

L'abbaye de la Chaise-Dieu fait, naturellement, opposition à la décision de l'archevêque de Lyon mais n'est pas suivie par son abbé commendataire, Louis-René-Edouard, prince de Rohan, cardinal-évêque de Strasbourg, grand seigneur très peu soucieux des intérêts de son monastère auvergnat.

En 1782 un seul moine, Dom Philippe Viaud, réside encore à Savigneux. Les Oratoriens prennent possession du prieuré de Savigneux le 7 octobre 1783 en présence de M. Benoît, curé de la Madeleine, et archiprêtre. En 1785 meurt Antoine Rat de Mondon. C'est pour Savigneux la fin de plus de huit siècles de présence monastique. Un père de l'Oratoire est désormais chargé de desservir la paroisse. Quant à la paroisse, elle est supprimée après le départ du curé constitutionnel.

Une pauvre paroisse de plaine

A côté du prieuré subsistant presque dans l'indigence, la paroisse de Savigneux peut alors être considérée comme pauvre ainsi que beaucoup de villages de la plaine. En 1680, elle compte 65 feux et paye moins de 800 livres de taille, 12 livres environ par feu. Les paroisses des monts du Forez sont beaucoup plus imposées : Sauvain, qui a le même nombre de feux, verse le triple, Lérigneux presque quatre fois plus par feu . Cela tient au fait qu'à Savigneux les ordres privilégiés, noblesse et clergé, détiennent directement une part importante des terres, sous forme de grands domaines, et que les journaliers, paysans sans terre, sont nombreux. En outre le climat est malsain à cause d'un terroir mal drainé et les habitants souffrent des fièvres. Dans la montagne, au climat rude mais salubre, il y a en revanche une forte proportion de petits et de moyens laboureurs, paysans propriétaires de leurs terres.

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Avril 1789 : Claudine, enfant trouvée
à la porte de la cure de Savigneux...


Au cours des 18e et 19e siècles, plusieurs milliers d'enfants abandonnés à Montbrison ont été recueillis par les hôpitaux de Montbrison, l'hôtel-Dieu Sainte-Anne et la Charité. C'est le cas de la petite Claudine exposée à Savigneux en avril 1789.

Devant les recteurs de Sainte-Anne

Le 28 avril, André Lombardin et sa femme Claudine Golin portant un enfantelet entrent timidement dans le parloir du bureau de l'hôtel-Dieu. Là siègent gravement un digne chanoine de Notre-Dame et trois bourgeois. Ce sont des directeurs de l'hôpital. Ils ont aussi convoqué les notaires Bourboulon et Chantemerle. De quoi s'agit-il ? De la remise à l'hôtel-Dieu d'un enfant trouvé, une fillette âgée de quelques jours.

Vers minuit, alors qu'il pleuvait fort

Ces bonnes gens habitent la cure de Savigneux, tout près de l'église Sainte-Croix. Dans la nuit du 9 au 10 avril, vers minuit "dans le plus profond sommeil, ils sont éveillés par des coups multipliés qu'ils entendent frapper à la porte d'entrée de leur domicile" .

André Lombardin et sa femme se lèvent et, de la fenêtre, demandent ce qui se passe. On leur répond de la ruelle "qu'on vient d'exposer un enfant à leur porte, de le lever promptement" sinon "qu'il va périr et de le faire baptiser". En effet, cette nuit-là, il pleut très fort. Et aussitôt, dans la nuit, s'enfuient "un homme et une femme à eux inconnus".

Les époux trouvent effectivement à leur porte "un enfant emmailloté qui crie, placé dessous l'égout du couvert... les eaux pluviales tombent et il est déjà [trans]percé..."

Le procès-verbal précise : "Les mariés Lombardin et Golin pour empêcher le dépérissement certain de cet enfant n'ont rien de plus pressé que de le lever et de l'emporter dans leur domicile où ils le réchauffent et lui changent de linge".

Refus du seigneur de Savigneux

Le lendemain, ils s'empressent de raconter ce qui s'est passé au curé de Savigneux, "lequel sieur curé baptise l'enfant sous le nom de Claudine". Le jour suivant, ils vont chez M. de Meaux, lieutenant général, auquel ils présentent les faits et demandent, en sa qualité de seigneur de Savigneux, de s'occuper de l'enfant "exposé". Mais M. de Meaux "fait refus de se charger dudit enfant".

André et Claudine sont charitables mais pauvres. Simples journaliers, ils expliquent qu'ils "ont fourni les aliments à cet enfant depuis le jour de son exposition mais qu'ayant eux même des enfants, se trouvant sans fortune" ils ne peuvent s'en charger plus longtemps. Ils n'ont agi "que par un principe de charité et d'humanité".

La petite Claudine devient donc "enfant de l'hôpital" de Montbrison. Elle est placée aussitôt en nourrice, dans les monts du Forez. A sept ans, si elle vit encore, elle entrera à la Charité jusqu'à ce qu'elle puisse "prendre une condition", devenir servante chez un bourgeois ou dans quelque ferme. Un bien pauvre destin ! Heureux si elle n'a pas un enfant qu'à son tour elle devra abandonner car il y a une sorte de cycle de la misère...

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La vente du prieuré et du presbytère de Savigneux

Le vingt-neuf pluviôse an 5, le prieuré est vendu au citoyen Antoine Forest, marchand clincailler demeurant à Montbrison pour 86 446 F. L'acte de vente nous fournit une intéressante description des bâtiments et des terrains.

Le prieuré qui est accolé à l'église comprend alors :

- Un corps de bâtiment formant trois ailes, donc en U, avec une cour au milieu (le cloître). Le rez-de-chaussée comporte dix pièces. Dans l'aile du sud il y a, au-dessus, un vaste grenier, dans le corps central, cinq chambres (le logement des moines), dans la troisième aile, deux chambres et des latrines. Seule cette dernière partie possède un second étage distribué en deux chambres et un cabinet. C'était là, vraisemblablement, le logement du prieur. L'ensemble mesure 81 pieds de long soit un peu plus de 26 m.

- Des locaux d'exploitation agricole qui joignent les bâtiments d'habitation, toujours au sud de l'église. Plusieurs remises (des chapits foréziens), une écurie et une fenière (autre mot local pour désigner le fenil) sont en mauvais état. Parfois il n'en reste presque rien. On trouve ainsi un emplacement de bâtiments hors de service.

- Un jardin de 3 métérées (environ 2 850 m 2) entourant le prieuré. Un pigeonnier est installé dans ce clos tout près de la rivière. Mais le lot le plus important est l'étang "prenant sa source à la rivière de Vizézy" qui mesure 177 métérées soit presque 17 hectares.

Antoine Forest achète le même jour, 29 pluviôse an 5, la cure de Savigneux pour la somme de 2 614 francs. Il s'agit d'une modeste maison en "L" avec au rez-de-chaussée cuisine, salon, écurie, cave et, à l'étage, chambres, grenier et fenière. Elle est entourée d'un jardin de trois métérées sur lequel est bâti un pigeonnier.
Notons que l'église et le cimetière, devenus propriétés de la commune ne figurent pas dans la vente du prieuré.

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Avec l'aliénation des biens de l'Eglise, une étape importante s'achève pour Savigneux qui est en grand danger de disparaître en tant que collectivité. Sans église ni bourg, il ne reste aucun lieu pour rassembler la population. Certes, après la Révolution, une commune subsiste, mais les édiles sont contraints de se retrouver dans un cabaret isolé à la croix Meyssant. La population est clairsemée et décimée par la fièvre. Au cours du 19e siècle, Savigneux risque plusieurs fois d'être réuni à Montbrison. Il faut attendre le début du 20e siècle pour que se produise une véritable renaissance.

                                                                                                                                            Joseph Barou

(Extrait de : Savigneux, hier et aujourd'hui, ouvrage édité par la ville de Savigneux avec la participation de membres de la Diana, Maury imprimeur, 2005)

Restes du portail du prieuré Sainte-Croix

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Savigneux

conception : David Barou
textes et documentation : Joseph Barou
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Mis à jour le 20 novembre 2010

 

 

 

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