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Un
aspect du catholicisme social :
l'uvre des Petits bergers
du Forez
fondée
par l'abbé Percher
(1910-1914)
Au
début du siècle, nombreux sont les enfants des familles
d'agriculteurs qui doivent, dès douze ans, parfois avant,
s'en aller travailler "chez les autres".
"Dans les petites fermes, où
il y avait beaucoup d'enfants, l'aîné, après
la première communion, était placé dans une
grosse ferme comme petit valet. Le petit valet faisait tous les
travaux de la maison. Il aidait surtout la maîtresse : aller
chercher une brassée de bois sous le hangar, faire cuire
les pommes de terre dans la chaudière pour les cochons,
battre le beurre le vendredi, aller tirer à boire dans
un pot à la cave, bercer les enfants quand il y en avait,
marcher devant les bufs... abreuver les vaches avec de gros
seaux de bois, aller chercher de l'eau à l'abreuvoir, nettoyer
I'étable et le samedi aider la bonne pendant que les patrons
étaient à la ville" (1).
Fondation
et premiers pas
Les
conscrits de la grande et pacifique armée des travailleurs
de la terre
Devenu "boro", le
jeune garçon se trouve brusquement séparé
de sa famille, dans une maison étrangère, entièrement
soumis à des maîtres parfois durs. Moralement il
subit l'influence, qui n'est pas toujours bénéfique,
des domestiques plus âgés : grand valet et servantes.
Il quitte l'école, perd les camarades de son âge,
ne peut plus suivre le catéchisme s'il n'a pas déjà
fait sa première communion et souvent ne va plus à
la messe.
Sa situation matérielle, surtout dans la plaine du Forez,
laisse à désirer. Le repas frugal, voire insuffisant,
ne se prend pas à la table des maîtres. Pain noir
et lard rance font partie de l'ordinaire. Le lit, fréquemment
partagé avec un autre domestique, se trouve à l'étable.
D'un Noël à l'autre, pas un seul jour de congé
ne coupe l'année.
Issu d'une famille pauvre, exploité, mal nourri, mal logé,
laissé sans éducation et sans affection, le petit
valet de douze ans fait alors partie du sous-prolétariat
des campagnes. Il reste vulnérable et sans protection.
Pourtant ce "petit
peuple intéressant"
comme dit le chroniqueur d'une feuille paroissiale (2) fournit
un travail indispensable à la bonne marche des grandes
exploitations et un complément de ressources dont bien
des familles nombreuses ne pourraient se passer. "C'est
dans ses rangs, que se recrute la grande et pacifique armée
des travailleurs de la terre" (3),
les fermiers, métayers et journaliers du lendemain.
L'uvre des bergers et bouviers
En 1910, un Comité d'amis des
domestiques se constitue à l'initiative de quelques
laïcs et de plusieurs prêtres du Montbrisonnais. Son
but est de prendre en charge les jeunes bergers et bouviers du
Forez en leur apportant une aide morale et matérielle au
moyen d'une "association fraternelle
des jeunes domestiques".
Effectivement, au printemps 1911, l'Association
des jeunes domestiques du Forez (A.J.D.F.) se constitue
officiellement. Cette organisation originale "réunit
à la fois l'action d'un patronage, d'une société
de secours mutuels et d'un syndicat" (4). Da notre
région elle aura le mérite s'intéresser aux
plus défavorisés et, dix-huit ans avant la création
de J.A.C., de tenter de changer les mentalités dans le
monde rural.
Les buts de l'A.J.D.F. sont d'abord moraux et spirituels. Il s'agit
de regrouper les petits valets leur donner un enseignement religieux
et des conseils "appropriés
leur situation". Une pression exercée sur
les maîtres afin qu'ils permettent et même encouragent
la pratique religieuse de leurs employés.
De bons livres et un lit pour chacun
L'uvre des petits bergers a un rôle éducatif
et culturel. Des séances récréatives procurant
aux associés "le moyen de
se recréer en commun, à leurs instants de loisir,
loin des entraînements du dehors"(5). "Livres
et revues honnêtes et instructifs" sont
mis à la disposition des enfants.
L'association s'intéresse aussi à la situation matérielle
des petits valets, se préoccupent de leur placement, de
leur couchage, de leur formation professionnelle et de leur avenir.
Elle souhaite organiser un bureau de placement "afin
de faciliter entre maîtres et ouvriers sérieux, des
engagements profitables aux uns et aux autres"(6)
. Une caisse dotale doit assurer à l'âge du mariage
la possession d'un pécule.
L'association, qui n'a qu'une lointaine ressemblance avec un syndicat,
défend pourtant une catégorie professionnelle, cherchant
à améliorer une situation difficile. Pour cela elle
s'adresse aux trois parties concernées : parents, maîtres
et domestiques.
Les parents doivent trouver dans l'association "une
sauvegarde pour leurs enfants", les maîtres
gagner d'avoir à leur service "des
jeunes gens sérieux et stables", les domestiques
préparer ensemble un meilleur avenir, "la
main dans la main, comme de jeunes frères de la même
profession"(7) .
L'association
se met progressivement en place. Des réunions d'information
sont organisées à la cure de Savigneux le 3 septembre
1911, à Chalain-le-Comtal et à Magneux-Haute-Rive,
le 17 septembre. L'abbé Percher y expose les buts de l'uvre.
Au même moment le chansonnier Henri Colas fait un triomphe
dans la nouvelle salle des uvres de la rue du Collège
à Montbrison, en chantant :
Restez aux champs
Petits et grands;
Soyez fidèles à la terre,
Aimez-la comme votre mère,
Petits et grands
Restez aux champs !
Oh ! ne quittez pas vos chaumières,
Vos seuils usés, vos jolis toits.
Restez dans vos campagnes fières,
Dans vos forêts et dans vos bois !
Aimez la douce poésie
Qui plane autour de vos berceaux,
Met tant de charme à votre vie,
Et tant de grâce à vos coteaux ! (8).
Mais
l'auditoire ne compte certainement pas beaucoup de petits valets
de la plaine.
Sous la présidence de M. Bouchetal
de la Roche
Les sections locales regroupant les domestiques au niveau de
la paroisse se constituent. Elles sont sous la direction du
curé ou d'un vicaire "aidé d'un laïc
dévoué". Les sections locales se regroupent
en comités cantonaux et un comité départemental
coiffe l'ensemble. L'association a l'ambition de s'étendre
à tout le Forez.
En fait l'A.J.D.F. s'implante surtout dans les cantons de Montbrison,
Feurs et Boën. Feurs est la plus ancienne et plus importante
section avec cinquante membres dès 1911. L'association
a une certaine influence dans une quinzaine de villages de la
plaine : Poncins, Epercieux, Pouilly-lès-Feurs, Chalain-d'Uzore,
Saint-Etienne-le-Mollard, Savigneux, Magneux-Hauterive, Chalain-le-Comtal,
Sainte-Agathe-la-Bouteresse, Saint-Laurent-la-Conche, Chambéon,
Bellegarde-en-Forez, Champdieu, Mornand, L'Hôpital-le-Grand.
Les effectifs des sections vont de 5 à 20 membres, sauf
pour celle de Feurs et l'on peut évaluer le nombre total
des adhérents à un peu plus de deux cents en 1913.
Les comités cantonaux sont sous l'autorité des
curés-archiprêtres. Ils comprennent les directeurs
de toutes les sections et leurs adjoints laïcs. Le curé-archiprêtre
et trois délégués élus représentant
le canton au comité général qui se réunit
chaque année au printemps, alternativement à Feurs
et Montbrison.
En 1914, M. Antoine Bouchetal de la Roche préside le
comité général qui comprend notamment l'abbé
Detour, vicaire à Feurs, les abbés Freyssinet
et Percher, le curé Rondel et M. Marius Delomier (9).
L'A.J.D.F. a aussi des liens avec la Chronique sociale de France
de Lyon. L'abbé Detour fait un rapport sur l'association
au congrès de l'Union des associations
ouvrières catholiques qui se déroule les
22, 23 et 24 juillet 1913 à Bourges.
L'Ami de la terre forézienne
Pour se développer et faire avancer ses idées
de progrès l'A.J.D.F. publie l'Ami
de la terre forézienne. Ce journal semestriel
tire à plus de deux mille exemplaires (10) et a son siège
12, rue de la République à Feurs.
S'adressant autant aux jeunes domestiques qu'à leurs
maîtres, il est diffusé à la sortie des
offices au prix de 3 centimes pour la propagande mais le prix
marqué se monte à 10 centimes. Des brochures,
articles tirés à part, sont éditées
par l'association, telles que celle qui concerne la réforme
du couchage (11).
Une feuille, à périodicité irrégulière,
intitulée Correspondance intime
aux directeurs des sections et autres membres conseillers assure
un lien entre les responsables de l'uvre et répercute
les recommandations du comité général
(ci-dessous le n° 9, janvier 1914,
archives de la Diana)
Dans les sections locales
Les
sections organisent des réunions le dimanche, plus ou moins
fréquemment suivant la saison et les travaux des champs.
A Feurs, les réunions ont lieu l'après-midi, de
une heure à trois heures, les premier et troisième
dimanches du mois. Au programme il y a des chansons, des leçons
d'agriculture et un peu de vannerie.
A Pouilly, les rencontres commencent à deux heures par
l'assistance aux vêpres et se poursuivent jusqu'à
six heures. Activités et jeux sont variés. A Saint-Etienne-le-Molard,
on joue au tonneau et aux boules, à Savigneux, aux quilles.
A Sainte-Agathe-la-Bouteresse les associés viennent
tous le dimanches à une heure, font une partie de boules,
assistent aux vêpres, viennent ensuite cinq minutes à
la cure, chanter une chanson ou écouter un morceau de phonographe
avec quelques conseils au milieu" (12).
Les jeunes bergers pratiquent aussi le tir ; chaque section reçoit
une carabine et un concours est organisé pendant l'été
1912. Les responsables expliquent le but de l'activité
: "Nous nous sommes arrêtés
à l'installation d' un tir, car nous regardions plus loin
que la nécessité immédiate d'une distractions...
Nous avons voulu que l'enfant, habitué très jeune
à manier un fusil, soit, un jour, bon soldat parce que
bon tireur" (13).
Activités
culturelles, travail manuel et vie spirituelle
Activités
culturelles
Chaque section dispose d'un carnet de pour l'inscription des dépenses
courantes : cartouches de tir, boissons en été,
petites récompenses... Pour les dépenses plus importantes,
il faut en référer au comité général
car c'est l'Eglise qui finance l'association comme une uvre.
on fournit également aux sections des imprimés "de
la communion du mois et des cartes d'associés".
Une bibliothèque composée de romans est à
la disposition des bergers. Le choix ne doit pas être considérable
car la numérotation des ouvrages s'arrête à
34. Mais combien d'enfants savent suffisamment lire pour puiser
dans ce modeste fonds. Ont-ils le goût et le temps de lire
près de la brouette de fumier ou dans les champs.
L'association dispense aussi une certaine formation professionnelle,
notamment dans la forte section de Feurs, avec la visite de fermes
modèles et des causeries instructives sur les techniques
agricoles.
Périodiquement, des séances récréatives
sont organisées. Ainsi en janvier 1912, "des
séances de projections lumineuses sur la vie du Christ"
se déroulent à Saint-Etienne-le Molard, Savigneux,
Chalain-d'Uzore, Chalain-le-Comtal à l'intention des jeunes
domestiques, de leurs parents et de leurs patrons. "Elles
ont pleinement réussi : partout on fait salle comble"
(14) .
Dans un but éducatif l'A.J.D.F. publie un recueil de chansons
destiné à "éloigner
des jeunes domestiques la chanson malsaine et immorale et à
la remplacer par la chanson à sentiments nobles et élevés".
Travail manuel en gardant les troupeaux
Pour éviter aux bergers les dangers de l'oisiveté
à laquelle ils sont condamnés durant la garde de
leur troupeau, le comité général s'adresse
à la "Ligue nationale pour
le relèvement des industries rurales et agricoles"
(15).
Cet organisme envoie à l'A.J.D.F. des modèles de
petits paniers et s'engage à "payer d'une manière
raisonnable" la production des bergerots foréziens.
La matière première s'avère facile à
trouver en Forez. Cette activité est mise en place à
Feurs. Des personnes dévouées enseignent un peu
de vannerie aux enfants et ce travail doit "augmenter
leur petite bourse".
Première fête annuelle de l'association
: Feurs
Le 21 mai 1911, la section de Feurs organise la fête annuelle
de ses adhérents. C'est la première manifestation
importante de l'Association. Elle coïncide ave la parution
du premier numéro de l'Ami de
la terre forézienne.
Cinquante-deux membres participent à la journée.
Le programme commence, comme il se doit, par la messe, à
10 h avec l'allocution de M. le chanoine Chassagnon (16), directeur
diocésain des uvres de la Loire. Puis les sociétaires
défilent au son du tambour dans les principales rues de
Feurs et M. Marius Gonin, de la Chronique sociale de Lyon saluent
les participants à la cure. Le journal est distribué
puis un repas pris en commun. Des concours divers, des jeux (grenouille,
course à la boule) remplissent l'après-midi.
La fête se renouvelle les années suivantes et c'est
chaque fois l'occasion de montrer la vitalité de l'association
et de répandre ses idées.
Les bergers autour de la crèche
Dans certaines sections, Noël est l'occasion d'organiser
une veillée. En 1913 "à
Feurs,18 associés, dans les grands, dans ceux qui sont
placés toute l'année, répondirent à
l'invitation qu'ils avaient reçue, et de huit à
onze heures, ils entendirent la lecture de contes ou chantèrent
le chant des bergers. A onze heure, ils prirent une tasse de café
chaud, puis écoutèrent remémorer le grand
mystère de la Nativité du Christ.
Tous imprégnés d'une religieuse émotion,
ils gagnèrent l'église et suivirent les messes avec
recueillement ; un bon nombre communièrent. Puis l'on retourne
au local de la veillée où un saucisson, du pain,
un verre de vin, du, papillotes et des oranges attendaient les
petits réveillonneurs (17).
A Savigneux, dix domestiques assistent à la veinée
de Noël : "Tous se sont et
ont communié à la messe de minuit"
(18) . Le réveillon consiste pour eux en une brioche, une
barre de chocolat et une orange. Toutes ces merveilles ont de
quoi faire rêver les petits valets, quant aux responsables
de l'uvre, ils s'enthousiasment :
"Touchantes fêtes de douceur religieuse et de gracieuse
tradition ! Comme nous nous sentions fiers de l'association qui
ramenait à L'Enfant Jésus ses premiers adorateurs...
!" (19). Les bergers reviennent à la crèche
!
Retraite fermée à l'Hermitage
Toujours sur le plan spirituel, pendant I'été 1913
une "retraite fermée" "est
organisée pour les associés. Voici la projet par
le comité général : "Il s'agit de rechercher
cinq à dix associés capables d'un examen de conscience
approfondi, puis de leur obtenir une permission d'un dimanche
d'août ou septembre avec la moitié du samedi.
Ces enfants seraient conduits à l'Hermitage de Noirétable
où, dans un cadre admirable, ils auraient le samedi soir
quelques exercices de piété avec confession et le
dimanche messe, communion, instructions, procession, etc., jusqu'au
milieu du jour. Rentrée le dimanche soir
(20).
Il y a beaucoup de conditions difficiles à remplir au moment
où les travaux des champs battent leur plein et nous ne
savons combien de petits bergers purent bénéficier
de ces petites vacances.
Auprès
des petits et des pauvres
Les
bureaux de placement
Un bureau de placement fonctionne à Feurs dès 1911
sous la responsabilité de l'A.J.D.F. En janvier 1912, l'association
crée un bureau de placement à Montbrison "afin
de rendre service à la fois aux cultivateurs et aux enfants
qui veulent se louer dans la plaine" (21). L'A.J.D.F. a fait
l'objet d'une déclaration officielle selon la loi de 1901
et le bureau est légalement autorisé.
L'abbé Freyssinet, vicaire à Notre-Dame et directeur
de la section de Montbrison en est le responsable.
Ce service est ouvert à partir du 11 février 1912,
au n° 6, de la rue du Cloître Notre-Dame, à côté
de la cure, le jour du marché de 10 h à 11 h et
l'après-midi de 13 h à 14 h.
Le bulletin paroissial donne ses modalités de fonctionnement.
Ce bureau de placement dont les services sont gratuits n'intervient
pas pour la fixation du gages ; le cultivateur s'entend directement
avec les parents. Le bureau ne s'occupe pas du placement des domestiques
filles. Il exige seulement deux promesses de la part de l'employeur
:
1) L'enfant devra faire partie de l'Association
des jeunes domestiques du Forez.
2) L'enfant aura la liberté de remplir ses devoirs essentiels...
Des petites annonces passant aussi par le canal des bulletins
paroissiaux . Dès 1913 la caisse dotale est mise en place.
Il faut que chacun fasse son lit
Les petits bergers couchent dans l'étable
Et rêvant, auprès des boeufs accroupis,
D'un gîte bien doux, d'un lit confortable,
Ils dorment heureux les braves petits !
(Chant des petits bergers)
Le tableau est pittoresque, pourtant la première préoccupation
des responsables de l'association concerne le couchage des domestiques.
Dans une lettre d'encouragement adressée au curé
de Feurs, Mgr Sevin, archevêque de Lyon rappelle que le
curé d'Ars signalait déjà ce problème
: "Avec quelle vigueur et quelle
liberté apostoliques il [le curé d'Ars]
flétrit la promiscuité
du jour et de la nuit à laquelle on condamne ces enfants".
La loi fait obligation aux patrons, dans les villes de fournir
un lit à chaque employé qu'ils logent. En 1910,
M. Compère-Morel, député socialiste, avait
demandé à la Chambre des députés l'extension
de cette mesure aux régions rurales, mais en vain.
Avec des motivations différentes le bureau de l'association
va dans le même sens que le parlementaire. Il recommande
que chaque domestique dispose d'un lit contre la routine des fermiers
qui, à tort ou à raison, ne veulent pas laisser
coucher le bétail seul (24). "Il
est surtout indispensable d'insister pour que chaque domestique
fasse son lit. C'est là en effet le seul moyen en notre
pouvoir pour remédier à l'usage de certaines fermes
où les lits sont faits par les servantes"
(25), pratique que le bureau juge dangereuse. Il est nécessaire
aussi "de recommander aux associés
la plus grande propreté possible du corps et dans l'habillement"
(26) .
L'association fait de la propagande auprès des syndicats
agricoles pour des "machines à
badigeonner" destinées à tenir étables
et galetas plus propres (27).
Trop de fils de patrons
L'association se heurte à de nombreux obstacles. Sauf à
Feurs et dans quelques villages de la plaine, elle ne pas à
s'implanter durablement. Le clergé paroissial sur lequel
elle s'appuie semble parfois trop en attendre ; le curé
d'une paroisse située où commence la côte
exprime sa déception : " J'ai
trois enfants de ma paroisse placés dans la plaine ; ils
devaient encore dans cette année suivre le catéchisme...
Pourtant ils ne le suivent pas. Or l'association des Jeunes domestiques
du Forez existe dans la plaine..." (28).
Dans les sections les plus importantes les fils de maîtres
sont la majorité reproche-t-on à l'A.J.D.F. et cela
change la nature du mouvement. Le comité général
admet qu'il y a là un problème mais qu'il est difficile
d'exclure cette catégorie de jeunes paysans.
Certains parlant de crise de croissance de l'association, d'autres
avancent que l'A.J.D.F. "n'est rien
du tout" (29).
La journal, qui est semestriel, se révèle difficile
à diffuser et les changements de paroisse fréquents
des petits domestiques empêchent une action suivie.
Le bon temps évoqué par Mgr
Sevin
Le principal reproche que l'on pourrait faire à l' action
est celui d'être, au fond, conservatrice, ne cherchant qu'à
aménager une situation déplorable, l'exploitation
d'enfants, sans réellement la mettre en cause.
La lettre de Mgr Sevin est révélatrice : ce qui
choque le prélat est moins la pauvreté qui enlève
dès onze ou douze ans des enfants à leur famille
que le fait que les maîtres soient moins pratiquants. L'archevêque
de Lyon ne regarde pas l'avenir mais, il évoque le passé,
le temps béni où il y avait entre les maîtres
et les serviteurs, surtout les plus jeunes, "des
liens analogues à ceux qui unissent les parents et les
enfants : l'affection était réciproque. Les maîtres
aimaient et ils surveillaient et ils reprenaient, non seulement
lorsque leurs intérêts étaient en jeu, mais
encore lorsque ceux du bon Dieu étaient en cause. Serviteurs
et enfants unis autour du père et de la mère de
famille priaient ensemble matin et soir, Fréquentaient
ensemble l'église et les sacrements. Tous les jours, les
maîtres abandonnent davantage ces pratiques essentielles
de la vie chrétienne. Eux qui les dédaignent ne
peuvent exiger avec autorité que leurs serviteurs en tiennent
compte "(30). Où
est-il, le bon vieux temps ?
Quelques
progrès pour ceux qui gardent les oies dans la plaine
Manifestation forézienne du christianisme social, l'Association
des Jeunes Domestiques du Forez reste cependant une organisation
paternaliste et moralisante. Néanmoins l'uvre des
bergers ne se préoccupe pas seulement de la vie religieuse.
de ses "associés". Elle cherche encore à
améliorer leurs conditions de vie. Utilisant le crédit
de l'Eglise, elle s'adresse à tous les jeunes domestiques
et à tous les maîtres. Son action réelle mais
limitée a contribué à améliorer le
sort des petits bergers et bouviers, de ceux qui, adolescents
ou encore enfants, allaient "garder les oies dans la plaine".
1914-1918, beaucoup de bergers et de bouviers rejoindront d'autres
champs, ceux des batailles de la Grande Guerre.
Joseph
Barou
(1)
Jean Chambon, Patois Vivant, n° 4, mai 1979.
(2) Bulletin paroissial de Notre-Dame de Montbrison, n° 239,
du 9-10-1910.
(3) Bulletin paroissial de Notre-Dame de Montbrison, n° 239,
du 9-10-1910.
(4) Ami de la Terre Forézienne, n° 2, décembre
1911, citant L'avenir des gens de maison, organe du syndicat professionnel
des domestiques parisiens.
((5) Bulletin paroissial de Notre-Dame, n° 239, du 9-10-1910.
(6) Bulletin paroissial de Notre-Dame, n° 239, du 9-10-1910.
(7) Bulletin paroissial de Notre-Dame, n° 239, du 9-10-1910.
(8) Ami de Théodore Botrel et d'origine bretonne comme
lui, Henri Colas se présente comme "un chemineau,
semeur de bonnes chansons, pour le Christ pour la Patrie"
(Bulletin paroissial de Saint-Pierre, n° 153, du 15 octobre
1911).
(9) Citons aussi dans les fondateurs de l'association Marius Gonin,
cofondateur et secrétaire général de la Chronique
sociale de France, animateur des Semaines sociales et figure du
christianisme social. Les animateurs de I'uvre des bergers,
furent les abbés Laffay (Chalain-d'Uzore), Planchet (Savigneux),
Villemagne (Magneux-Hauterive), Valandru (Chalain-le-Comtal),
Vergnay...
(10) 2 250 exemplaires pour le numéro 6.
(11) 1 000 exemplaires pour la brochure Réforme du couchage
vendue 0,50 F la douzaine.
(12) Ami de la terre forézienne n° 2, décembre
1911.
(13) Ami de la terre forézienne n° 2, décembre
1911.
(14) Bulletin paroissial de Saint-Pierre, n° 167, du 21 janvier
1911.
(15) Ami de la terre forézienne n° 2, déc. 1911.
(16) Hyacinthe Chassagnon (1964-1922), né à Bas-en-Basset
(Haute-Loire) ; aumônier du Pensionnat Saint-Louis, vicaire
général à Saint-Etienne en 1915, évêque
d'Autun en 1922.
(17) Correspondance intime, n° 9, janvier 1914.
(18) Correspondance intime, n° 9, janvier 1914.
(19) Correspondance intime, n° 9, janvier 1914.
(20) Correspondance intime, n° 7, juillet 1913.
(21) Bulletin paroissial de Saint-Pierre, n° 166, 28 janvier
1912.
(22) Bulletin paroissial de Saint-Pierre, n° 166, 28 janvier
1912.
(23) Quelques-unes de ces petites annonces :
"Un cultivateur du bourg de Champdieu demande un berger de
12 à 13 ans pour fin mars ou commencement avril",
(n° 173 du 3 mars 1913).
"On offre un petit berger de 12 ans qui se louerait au commencement
du mois de mai" ( 7 avril 1912).
(24)Correspondance intime n° 9, janv. 1914.
(25) Correspondance intime n° 9, janv. 1914.
(26) Correspondance intime n° 9, janv. 1914.
(27) Suivant la lettre du baron de Jerphanion du syndicat agricole
de Sury, citée par Correspondance intime n° 7 de juillet
1913.
(28) Correspondance intime n° de juillet, 1913.
(29) Correspondance intime n° de juillet, 1913.
(30) Lettre de l'archevêque de Lyon à A. Bouchetal
de la Roche, président de l'A.J.D.F. du 13 janvier 1914,
citée par correspondance intime n° 9 du mois de janvier
1914.
Essor
du Forez
n° 1803, du 15 mai 1981, n° 1805 du 29 mai 1981, n°
1806 du 5 juin 1981 et n° 1807 du 12 juin 1981]
Le
fondateur
Extrait
du Bulletin trimestriel de l'Association des Anciens Elèves
et Professeurs
de l'institution Victor-de-Laprade, numéros
19 et 20 - novembre 1938
Mis à jour le 16 février 2015
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