La
libre pensée montbrisonnaise
au début du XXe siècle
La décennie
qui précède la Grande Guerre (1903-1913) marque,
sans doute, en France, l'apogée de l'anticléricalisme.
La loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat (votée
en 1905) s'accompagne d'un violent combat idéologique et
politique qui concerne tout le pays.
Inventaires des biens du clergé, location des presbytères,
sécularisation des religieux : chaque mairie, chaque clocher,
chaque école, tout devient l'objet d'une âpre lutte.
Il s'agit d'arracher à l'Eglise catholique - encore puissante
sur le plan temporel - une partie de son influence, dans le domaine
politique surtout.
*
* *
Fondation
de la libre pensée
Beaucoup
de républicains estiment que cette lutte est indispensable
pour consolider le régime. Certains vont plus loin et pensent
qu'il faut définitivement "libérer" les
esprits en travaillant à la destruction de tous les dogmes,
de toutes les religions.
Au début du siècle, ces libres penseurs, qui s'inspirent
de la philosophie anticléricale du Siècle des lumières
et de la tradition révolutionnaire de 1789, se regroupent
en une association nationale (1).
Cette Association nationale des Libres
Penseurs de France prend pour tâche de fédérer
les sociétés de la libre pensée qui apparaissent
alors - le climat est propice - dans de nombreuses localités
(2), cellules de base souvent de
taille restreinte mais virulentes.
En 1903. L'Action, organe
de la fédération nationale, écrit :
Désormais, c'est la lutte suprême,
il faut que nous ayons raison de l'ennemi, de l'Infâme enfin
(3). L'objectif est clairement fixé
et selon le mot de Jean Marie Mayeur la libre pensée tend
même à devenir une véritable Contre-Eglise.
Le Forez reste une région de tradition chrétienne,
particulièrement dans les montagnes du soir où la
pratique religieuse est forte et les vocations encore nombreuses.
Seule une petite zone autour de Panissières, dans les monts
du Lyonnais, apparaît plus touchée par la déchristianisation.
Les
groupes foréziens
Sur ce terrain peu favorable naissent trois groupes formés
de libres penseurs : à Balbigny la Société
de libre pensée l'Emancipation, à Panissières
l'Union fraternelle des libres penseurs
et enfin, à Montbrison, la Libre
Pensée (L. P.).
Montbrison, l'ancienne préfecture de la Loire et vieille
cité des comtes de Forez, garde quelque chose d'aristocratique
de son passé. La petite ville reste un bastion de l'Eglise,
avec son petit séminaire, ses écoles congréganistes,
le couvent des clarisses, deux belles paroisses.
Le radicalisme a certes fait des adeptes parmi la bourgeoisie
locale : petits rentiers, commerçants, membres des professions
libérales. La municipalité compte quelques républicains,
laïques convaincus (4) mais
la droite modérée et catholique détient la
majorité autour du maire, le notaire Claude Chialvo (5).
A Montbrison, la libre pensée organisée vient de
l'extérieur. L'initiative en revient à un publiciste,
Auguste Charpiot qui réside dans la ville seulement pendant
quelques mois pendant lesquels il est responsable du journal radical
Le Montbrisonnais.
Auguste
Charpiot et la L. P. montbrisonnaise
Auguste Charpiot, fils d'un pasteur, est né en 1850, à
Montbéliard, dans le Doubs. Après des études
au collège de Louhans (Saône-et-Loire), il devient
journaliste et collabore aux journaux républicains. En
1870-1871, il est grièvement blessé au siège
de Paris et fait prisonnier. Durant la période de l'Ordre
moral, il est arrêté et emprisonné
alors qu'il est journaliste à Lyon. C'est après
1881 que, suivant les principes de Gambetta,
Jules Ferry et Paul Bert, il embrassa la grande cause de la Libre
Pensée (6).
En août 1902, Charpiot vient à Montbrison et devient
rédacteur en chef de l'hebdomadaire radical Le
Montbrisonnais. Dès son arrivée dans
la sous-préfecture forézienne il s'efforce de regrouper
les libres penseurs. Son entreprise aboutit en juillet 1903. Quelques
notables radicaux, des professeurs de l'école primaire
supérieure et de l'école normale d'instituteurs
ainsi qu'une poignée de petits artisans touchés
par les idées libertaires constituent la Libre
Pensée de Montbrison. Il était temps
; à cinquante-deux ans, Charpiot est un homme usé
qui en paraît soixante-dix avec sa barbiche poivre et sel.
Après quelques semaines de maladie, sans avoir lâché
sa plume, il meurt le 11 octobre 1903.
Les funérailles d'Auguste
Charpiot
Ses funérailles civiles, le 13 octobre 1903, première
manifestation publique et organisée de la L. P. à
Montbrison, causent, par leur ampleur, un certain émoi.
La L. P. de Montbrison qu'il a fondée quelques mois auparavant
avait fait une exposition du corps sur
le devant de la maison qu'il habitait, boulevard Lachèze,
n° 6. De bonne heure, de nombreuses délégations
étaient venues monter une garde d'honneur... Lorsque l'heure
sonne le cortège se forme. Sur le char funèbre,
on dispose le drap de la Libre Pensée. Les cordons du poêle
sont tenus par les amis du défunt : M. Pailhé, substitut
du procureur de la République, M. Pierre Robert, directeur
politique du Montbrisonnais, Carton et Rouffaux père président
et vice-président de la libre pensée...
(7)
De nombreuses couronnes témoignent de la place que Charpiot
avait rapidement prise dans le milieu politique montbrisonnais
: immortelles rouges de la L. P., gerbe tricolore de la Fédération
des Comités d'Action Républicaine, Radicaux et Radicaux-Socialistes
de la 1ère circonscription, fleurs du Comité républicain
de Montbrison, du Sou des écoles. Plusieurs groupements
ont envoyé des délégations avec drapeaux
ou bannières, notamment les sociétés de secours
mutuels : Ouvriers Réunis de Montbrison
et Ouvriers Réunis de Moingt,
et les comités d'action républicaine des localités
voisines : Saint-Romain, Marols, Chalmazel, Bard, Précieux
...
Beaucoup de notabilités suivent le cortège funèbre
: Royer, procureur de la République, Rouot, commissaire
de police, Barthélémy, inspecteur primaire, Autechaud,
percepteur, Junillon, receveur des contributions indirectes. Il
y a aussi des conseillers municipaux : le docteur Lhote, Jules
Sandillon, Jacques Vernay, des enseignants, le notaire Pierre
Dupin, l'avoué Maurice Fraisse, l'architecte Joanny Thevenet...
Le corps est conduit à la gare car Auguste Charpiot doit
être inhumé à Branges en Saône-et-Loire.
Sur le quai, trois discours sont prononcés. Claudius Cote,
relieur à l'imprimerie Robert, rend un dernier hommage
au défunt au nom de la Fédération nationale
de la L. P. Il achève son éloge funèbre par
un appel à tous les anticléricaux qui, éclairés
par les conseils de Charpiot, marcheront
vers cet idéal qui était le sien, c'est-à-dire
vers la science, la raison, la justice et la vérité
(8).
Et Cote de conclure : Car, citoyennes
et citoyens, c'est vers cet idéal que nous marchons et
que nous vous convions de venir à nous pour lutter contre
l'utopie et le mensonge du cléricalisme... (9)
L'élan est donné. Le groupe montbrisonnais qui compte
une soixantaine de membres et qui vient de perdre son fondateur
se lance publiquement dans le combat idéologique.
*
* *
La libre pensée dans la Vendée
forézienne
Au
26, rue Martin Bernard
La vie du groupe se traduit d'abord par les assemblées
trimestrielles qui ont lieu le dimanche après-midi, au
siège de la société, 26, rue Martin-Bernard,
tout à côté de l'institution
Jeanne-d'Arc tenue par les demoiselles Kopp et Gros.
Rigoureusement constituée, la L. P. possède un bureau
élu comprenant président, vice-président,
secrétaire, trésorier et commissaires aux comptes.
Les réunions se déroulent suivant un rituel précis.
Après l'éloge des adhérents récemment
décédés et l'évocation de leurs funérailles
civiles, on procède à l'admission des nouveaux membres.
Suivent le rapport moral et le compte rendu financier. Après
avoir statué sur les questions diverses - adresses de félicitations
au gouvernement, vux concernant la situation locale - l'assemblée
se sépare aux cris répétés
de vive la République ! Vive la Libre Pensée !
Pour être admis, le libre penseur doit, outre payer une
cotisation, fournir un testament en bonne et due forme indiquant
qu'il ne veut pas être enterré religieusement, même
s'il lui venait un repentir du dernier instant. Ainsi la L. P.
sera la grande ordonnatrice de ses funérailles et en fera
une cérémonie solennelle, une éclatante manifestation
antireligieuse, un défi pour les croyants.
Les premières décisions prises par la société
sont tout à fait significatives : achat d'un brancard et
d'un drap mortuaire rouge, somme de 40 F votée pour frais
de funérailles ainsi que celle de 15 F pour l'achat d'une
couronne à chaque sociétaire décédé
(10). Le 13 janvier 1907, la L. P.
décide, pour compléter la panoplie, d'acheter un
drapeau rouge avec inscription, mais le bureau estime que
pour des raisons économiques il y a lieu de renvoyer à
plus tard cette acquisition (11).
Un oeillet rouge à la boutonnière...
Immortelle ou oeillet rouge à la boutonnière les
libres penseurs assistent à tous les enterrements civils
qui ont lieu à Montbrison. Des délégations
participent aux cérémonies des localités
voisines. A l'assemblée générale du 13 janvier
1907, le citoyen Rouffaux père, président de la
L. P., se félicite du travail accompli dans ce domaine
:
Avant la fondation de notre société
très peu d'enterrements civils sont à enregistrer
dans notre région, alors que depuis juillet 1903 on en
compte vingt (environ un tous les deux mois). La plupart de ces
funérailles sont dues à l'intervention de notre
association, justifiant ainsi son existence dans un pays encore
trop imprégné de fanatisme... (12)
Pour rendre plus solennelles ces célébrations et
créer une liturgie de remplacement, on fait appel à
toutes les organisations républicaines et laïques
qui, pour la circonstance, sortent leurs drapeaux. Les bannières
des sociétés de secours mutuels sont particulièrement
appréciées. Si le défunt était un
notable, la République est représentée par
quelques-uns de ses fonctionnaires : le commissaire de police,
un magistrat, quelques professeurs...
Contre les hommes noirs
Au cimetière, plusieurs discours sont prononcés.
Celui du représentant de la L. P. est toujours violemment
anticlérical et antireligieux. Ecoutons le président
Carton aux obsèques de Marie Gidon, épouse de Jean
Rouffaux, le 29 novembre 1906 :
Fidèle jusqu'à la fin à
nos principes elle refusa l'approche de ces hommes noirs, sa seule
haine ici-bas... Dors en paix, citoyenne. Merci à ton époux,
merci à tes enfants qui ont qui ont su respecter tes dernières
volontés. Puisse leur exemple être suivi par tous
ceux qui, de cur avec nous, hésitent encore à
affirmer leur croyance et qui, écoutant un sentiment de
timidité ou de crainte, n'osent affirmer leurs convictions·et
font précéder le cercueil des leurs par cette cohorte
sans cur qui vient pour ainsi dire insulte à notre
douleur en chantant lorsque nous tous pleurons... Ah ! oui ! tu
les haïssais, citoyenne, ces Rodin ! et nous tous détestons
et unissons nos forces pour les combattre (13).
Citoyens,
la classe ouvrière est mûre pour la Libre Pensée
Aux funérailles d'un verrier de Saint-Romain-le-Puy, le
27 octobre 1907, le trésorier de la L. P., le professeur
Moulin se montre encore plus violent :
La vie du citoyen Zumkeller, hélas
trop courte, n'en est pas moins un exemple de convictions ardentes
et sincères. Elle montrer que toujours il repoussa bien
loin les hommes noirs, asservisseurs de consciences, partisans
acharnés de l'obscurantisme, n'ayant en leurs noirs desseins
qu'une seule pensée : tenir dans leurs griffes encore puissantes
l'humanité afin de la plier sous leur domination.
Relevons
courageusement la tête, Citoyens ! car le temps où
la prêtraille insolente commettait les plus abominables
crimes de l'Inquisition est à jamais disparu... Le peuple
éclairé ne peut plus croire à ce monde problématique
qui lui est promis... il comprend parfaitement que tout ce qu'enseigne
l'église n'est que mensonge et hypocrisie. Oui, citoyens,
la classe ouvrière est mûre pour la Libre Pensée...
(14)
Dans ces diatribes, les invectives servent souvent d'arguments.
Pourtant il y a certainement parmi les libres penseurs des hommes
et des femmes courageux et sincères. Ces excès de
langage nuisent à la société.
Tous les
non-croyants n'appartiennent pas, d'ailleurs, à la L. P.
Ainsi, le 11 novembre 1906, Jacques Vernay (15),
chef de file des républicains de Montbrison, "libre
penseur convaincu", a d'imposantes obsèques "purement
civiles" sans le concours de la L. P. locale. L'instituteur
anticlérical Antoine Compigne (16),
qui signe des articles virulents dans
le Montbrisonnais ainsi qu'un feuilleton intitulé
Le Presbytère sanglant,
ne participe pas à la L. P. Il lance même un appel
pour constituer une "Libre pensée spiritualiste".
Incidents
au cours de funérailles civiles
Ces manifestations choquent les catholiques. Le clergé
les réprouve avec vigueur. Aussi est-il fréquent
que des incidents troublent leur déroulement, incidents
minimes que la presse anticléricale monte en épingle.
Le compte rendu que fait le Montbrisonnais
des funérailles de Charpiot est révélateur
à cet égard :
Une assistance émue entourait
le cercueil, et les passants se découvraient avec respect.
Seul, un personnage, qui, plus d'une fois avait été
houspillé par la plume de notre collaborateur, a voulu
venir parader le chapeau sur la tête, autour de sa dépouille
mortelle dont le voisinage devait lui être agréable,
puisqu'il appartient, paraît-il, à la race de ces
gens qui pensent que le cadavre d'un ennemi sent toujours bon...
(17)
Incident encore, selon la feuille radicale, au cours des funérailles
de Barthélémy Goyet, à Montbrison le 14 février
1904 : sur le passage du cortège,
à l'angle de la rue du Palais de Justice, un ecclésiastique
oubliant le respect dû à un mort ne s'est pas découvert
devant le cercueil (18).
Le 20 juin 1905, les libres penseurs montbrisonnais enterrent
civilement Valentin Donnet, ancien sous-officier de gendarmerie,
38 ans, assureur, mort à la suite d'un accident de bicyclette.
Le défunt était membre du comité radical-socialiste
et avait composé plusieurs chansons de propagande dont
la "chanson de l'Action républicaine". Le
Montbrisonnais croit encore relever une provocation :
Comme il arrive quand il y a des funérailles
civiles dans notre ville, les cléricaux ont tenu à
créer un incident qui n'est pas en leur faveur. C'est un
ecclésiastique, cette fois, qui, passant devant le cercueil,
a affecté de garder son chapeau sur la tête, tandis
que son collègue quittait le sien. Cette grossièreté
voulue a été remarquée et a fait l'objet
de commentaires qui ne sont pas flatteurs pour le singulier personnage
(19).
Il est vrai aussi que lors de la procession de Fête-Dieu,
il se trouve toujours quelque libre penseur qui, canotier sur
la tête et cigare aux lèvres, coupe ostensiblement
le cortège.
Célébration civile
ou religieuse : un inépuisable sujet de polémiques
Pour les tenants de la L. P., les funérailles sont un sujet
inépuisable quand il s'agit d'entamer une polémique,
sans souci, d'ailleurs, des contradictions évidentes. Tantôt
ils s'indignent du fait que tel anticlérical notoire n'a
pas été enterré civilement tantôt ils
protestent parce qu'un curé n'a pas voulu célébrer
les obsèques de tel autre libre penseur convaincu !
Ainsi, à propos de l'enterrement du libraire Eugène
Relave (20) le
Montbrisonnais entame
une polémique avec l'Avenir Montbrisonnais
(21) :
Relave avait toujours été
un ferme anticlérical, qui maintes fois avait manifesté
contre l'intrusion sournoise des hommes noirs. Les quelques gouttes
d'eau bénite que l'on a fait donner sur son cercueil, n'empêcheront
pas les républicains de garder intact au fond de leur cur,
le souvenir de celui qui avait vénu en libre penseur...
(22)
L'Avenir Montbrisonnais s'étant
réjoui de la "conversion du libraire", un "véritable
ami de Relave" écrit dans le Montbrisonnais :
La demi-douzaine de rats d'Eglise, qui se dissimule sous le vocable
injurieux pour le malheureux défunt, de " vrais amis
d'Eugène Relave " aurait mieux fait de rester coi,
que d'entonner un " Alleluia ", en l'honneur de la conversion,
d'ailleurs peu démontrée, de ce libre penseur.
Qui sait ! par quels moyens, ces dévots
personnages sont arrivés, abusant de la faiblesse qui précède
les derniers moments d'un homme, surtout si cet homme est un vieillard
de 83 ans, à lui faire modifier ses dernières volontés
?... Bel exploit en vérité, et dont ces tristes
apôtres, n'ont pas à se vanter !... (23)
A Chenereilles, le 22 octobre 1904, le curé refuse de prêter
le brancard paroissial pour porter civilement en terre Antoine
Beysson, dit Michalon, "libre penseur ardent", vice-président
du comité d'action républicaine du village mais
la Libre Pensée de Montbrison avait bien voulu prêter
son drap mortuaire, qui a produit un grand effet...
(24) Pour le Montbrisonnais,
c'est une belle occasion d'attaquer vivement le curé du
village et de l'accuser de faire de la politique dans un article
intitulé "Intolérance cléricale"
:
L'affaire du malheureux Beysson a montré
une fois de plus l'intolérance de messieurs les cléricaux,
bien que Beysson ait vécu en libre penseur, sa veuve songeait
à lui faire des funérailles religieuses. C'était
compter sans notre fameux curé, qui refusa absolument son
ministère et même défendit formellement à
son sacristain de sonner le glas pour le défunt, parce
qu'il s'était marié civilement.
Cette façon de procéder n'a étonné
aucun de ceux qui connaissent notre desservant.
Il s'est montré si peu l'apôtre de la charité,
depuis qu'il est à Chenereilles, qu'il a chassé
petit à petit de son église le plus grand nombre
des paroissiens. Il ne lui reste plus que quelques béates
pour entendre les attaques qu'il ne cesse de débiter en
chaire contre le gouvernement de la république, qui, pourtant,
le paie... (25)
L'enterrement d'un chien
De son côté, le rédacteur du bulletin paroissial
de Montbrison ne fait pas preuve d'une particulière mansuétude
quand il publie l'Histoire d'un chien,
féroce caricature du libre penseur, en trois strophes et
sans nom d'auteur :
Jamais
on ne le vit entrer dans une église,
Il préférait la loge... Il vivait à sa guise
En bon libre-penseur et se montrait dévot
Surtout au saucisson ? Nul ne fut moins cagot
Partisan de Fourier et de son phalanstère
La vertu lui parut toujours une chimère.
Il s'asseyait dessus et s'y trouvait très bien.
L'histoire que je conte est l'histoire d'un chien.
Quand
sa femme mourut, sans prêtre, sans prière,
La pauvre s'en alla tout droit au cimetière,
Le croque-mort la prit et la mit dans un trou
Et lui s'en retourna l'il sec et... ce fut tout !
Femme, te voilà morte et morte tout entière !
Car de toi, désormais, il ne reste plus rien.
L'histoire que je conte est l'histoire d'un chien.
Il
mourut à son tour, rongé d'un mal atroce,
Et la libre-pensée entoura son cercueil
Revêtant pour ce jour son air le plus féroce.
L'illustre Charognard vint conduire le deuil
Il fit un beau discours, un discours très habile
Où, n'ayant pas de cur il mit beaucoup de bile
Tout naturellement, on le trouva très bien.
L'histoire que je conte est l'histoire d'un chien. (26)
Il est
difficile d'être plus dur !
Un chrétien
ne saurait, sans pécher, assister à des funérailles
civiles que la feuille paroissiale décrit sans indulgence
:
Un cercueil de prix, un amas de couronnes,
un cortège d'hommes qui s'avancent sans faire une prière,
ne daignant pas même parfois entrer à l'église
; - au cimetière, une tombe plus ou moins somptueuse, mais
païenne ; au lieu de la croix qui s'élève vers
le ciel comme l'espérance, l'urne ridicule ou la colonne
brisée, images des curs qui peut-être ne le
sont guère - des fleurs déposées sur cette
tombe, mais jamais la moindre prière ; voilà à
quoi se réduit pour beaucoup le culte des morts
(27).
Le banquet du Vendredi saint
A une époque où les célébrations de
la table sont une forme privilégiée de la vie sociale,
les libres penseurs organisent, eux aussi, des banquets, tout
comme les radicaux, les pompiers, les mutualistes, les jardiniers
ou les épargnants... Il y a d'abord les "banquets
fraternels" regroupant les trois sociétés de
libres penseurs de la région : l'Emancipatrice
de Balbigny, l'Union fraternelle de Panissières et la Libre-Pensée
de Montbrison.
Le premier banquet qui a lieu à Feurs le 15 septembre 1907,
autour du président Waas de Balbigny, rassemble 45 convives.
L'année suivante Montbrison accueille les banqueteurs de
la libre pensée forézienne.
Moins innocent est le festin qu'organise chaque année,
à partir de 1904, la L. P. le vendredi de la Semaine sainte.
Il se déroule au siège de l'association, rue Martin-Bernard,
avec, au menu, bien entendu beaucoup de viande rouge. Le banquet
se termine fort tard dans la soirée et les convives se
dispersent après avoir braillé dans la rue des chansons
grivoises et anticléricales.
La L. P. fait du Vendredi saint sa fête annuelle, un véritable
défi à l'Eglise et à la grande majorité
de la population qui, ce jour-là, observe jeûne et
abstinence. Cette provocation réussit à tous les
coups et chaque fois la presse catholique s'indigne.
L'Avenir Montbrisonnais
critique vivement le banquet de 1905 dans un article
intitulé "Moins de bruit". Le journal catholique
n'apprécie pas les chansons gaillardes entonnées
dans la rue et ironise sur le menu carné peu varié
et peu alléchant : "un repas gras plutôt maigre"(28)
. Aussitôt les libres penseurs répliquent dans le
Montbrisonnais (29):
On nous reproche d'avoir insulté
aux croyances d'une partie de nos concitoyens par notre manifestation
bruyante. Tout en nous excusant d'avoir troublé le sommeil
de quelques montbrisonnais qu'il nous soit permis de faire remarquer
au pieux rédacteur que nous faisons du tapage nocturne
qu'une fois l'an, tandis que toutes
les nuits nous sommes obligés d'entendre le tintement
long et agaçant de la cloche des Clarisses et tous
les jours, souvent avant et après le coucher du
soleil, le carillon des cloches des églises et chapelles
de Montbrison.
Croyez-vous que les nombreuses processions qui se déroulent
dans nos rues ne froissent pas les idées respectables d'un
partie de la population et n'interrompent-elles pas en même
temps la circulation ?...
Nullement gênés les libres penseurs précisent
même les paroles de la chanson qu'ils chantaient en chur
ce soir-là :
L'Avenir a parlé de cris injurieux,
ces cris se composaient d 'une simple chanson de circonstance
que nous joignons à notre note pour l'édification
des abonnés de l'Avenir :
La
grosse Catherine
Fraîche et de bonne mine,
Un jour après matine
Vint à Sainte-Apolline,
Demander le curé...
hé ! hé ! hé ! hé ! hé !
Parlez sans nul dilemme,
Dit le curé tout blême,
La fille à l'instant même,
Lui répond, mais tout bas :
Ah ! ha ! ha ! ha ! ha !
J' demand' pour le carême
La permission d'faire gras .
Or, contre l'observance,
Sans avoir sa dispense,
Catherine, on le pense,
S'en va chez son curé
hé ! hé ! hé ! hé ! hé !
Le curé, sec et maigre,
Séduit, d'une voix aigre,
La grosse fille allègre,
Et la prend dans ses bras.
Ah ! ha ! ha ! ha ! ha !
Si bien que ma foi...
La fillette fit maigre
Et le curé fit gras.
("La grosse Catherine" : chanson extraite de Jeanne,
vaudeville de Théodore Neyel) (30)
En 1907,
la L. P. annonce fièrement :
Cette année, le banquet du Vendredi
saint a obtenu le succès des précédents,
25 "Lardivores" y ont pris part, c'est un peu plus d'une
demi-douzaine [comme
l'avait écrit l'Avenir montbrisonnais]
(31) .
Tout cela donne une idée du niveau des arguments utilisés
pour combattre la religion : clochette du campanile des surs
de Sainte-Claire contre chanson égrillarde, "mangeur
de boudin" contre "mangeurs de morue", c'est d'une
sottise affligeante.
L'action politique
Autre volet de l'activité de la L. P. : l'action politique.
La société agit comme un groupe de pression. Elle
se prononce évidemment pour la République et soutient
toutes les actions, sur le plan législatif ou administratif,
qui tendent à étendre la laïcité et
restreindre l'influence de l'Eglise.
La grande affaire est alors la séparation de l'Eglise et
de l'Etat. Réunie en assemblée générale
le 16 octobre 1904, la L. P. de Montbrison adresse
tout d'abord des félicitations au ministère Combes
et l'engage à faire aboutir dans le plus bref délai
possible la séparation des Eglises et de l'Etat
(32). Tous les présents signent
une pétition dans ce sens. Les interventions auprès
de la sous-préfecture et du ministère sont fréquentes.
Le 13 janvier 1907, la L. P. de Montbrison adresse des compliments
au ministère Clemenceau-Briand. Lors de l'assemblée
générale du 30 septembre 1906, un vu est adressé
au ministre de l'Instruction publique pour
que les élèves internes de certaines écoles
de l'Etat ne soient conduits aux offices religieux que sur la
demande écrite des parents.
Les libres penseurs constatent que, malgré les lois scolaires,
c'est malheureusement le contraire qui a encore lieu (33).
Pour diffuser ses idées, la L. P. montbrisonnaise se sert
du journal radical de Pierre Robert, Le
Montbrisonnais, qui lui ouvre complaisamment, et largement,
ses colonnes.
Les liens avec la franc-maçonnerie, sur le plan local,
bien qu'invisibles, sont très probables. Sur le plan national
ils sont démontrés (34).
Il y a des convergences certaines, à Montbrison, avec les
organisations républicaines et laïques patronnées
par une petite bourgeoisie radicale.
Montbrison doit être purgé
des congrégations de tout ordre
La L. P. réservent ses plus vives attaques aux communautés
religieuses de la ville, particulièrement les frères
des écoles chrétiennes et les surs Saint-Charles,
l'école étant un de ses chevaux de bataille préférés.
Le 16 octobre 1904, la L. P. regrette
que les établissements des religieuses de Montbrison ne
soient point compris dans les décrets de fermeture, et
constate l'inefficacité de la loi sur l'enseignement, attendu
que nos bons frères qui ont dû fermer, ont immédiatement
rouvert les mêmes écoles (35).
Ils ont quitté l'habit monacal pour celui des laïques,
mais vont encore enseigner la haine de la République.
Elle demande qu'on ferme au plus tôt les couvents de Montbrison.
Montbrison, "la Vendée forézienne"
a besoin plus que tout autre ville d'être purgé des
congrégations de tout ordre... (36)
Le monastère des surs clarisses est aussi visé.
Pratiquement à chaque assemblée générale
les libres penseurs demandent que ce
couvent qui n'est d'aucune utilité pour les Montbrisonnais,
soit fermé le plus tôt possible... (37)
Les libres penseurs réclament encore avec insistance la
suppression de toutes les manifestations publiques des cultes.
Faisant allusion à la traditionnelle procession de Fête-Dieu
à laquelle beaucoup de Montbrisonnais participent en tendant
des draps aux façades de leurs maisons, ils espèrent
que les religieuses augustines n'en feront plus de même
et que
l'on ne verra pas les draps destinés aux malades servir
à tapisser les murs de l'hôpital de Montbrison...
(38)
La L. P. demande aussi, en reprenant les mots d'ordre de la fédération
nationale :
- La suppression du port d'habit spécial
chez les ecclésiastiques en dehors de leurs fonctions ;
- Interdiction des processions sur les
territoires français ;
- Réglementation de la sonnerie
des cloches dans les églises (ne les permettre que de 7
heures du matin à 7 heures du soir)
(39).
La propagande
La propagande et la "formation" des militants restent
le souci constant de la L. P. A chaque réunion, on
distribue cartes, insignes, brochures, journaux. Ainsi le 26 mai
1907, il est décidé d'acheter 500 exemplaires de
Sorcellerie
chrétienne,
un ouvrage d'un nommé Simon. Le trésorier commande
également 500 numéros du journal
Les Corbeaux.
Lors de l'assemblée du 13 octobre 1907, on décide
de créer un embryon de bibliothèque au siège
de la société ; écoutons, à ce sujet,
le compte rendu du président Rouffaux :
L'assemblée accepte le don fait,
par un citoyen généreux, de 200 volumes de nos meilleurs
écrivains. Il est vrai que les catholiques ne doivent pas
les lire, car ils ont été condamnés par l'Index
qui siège près le Vatican. Comme conclusion, nous
engageons vivement les membres de la Société à
les lire, ils sont très intéressants...
(40)
Elle organise aussi des "conférences
publiques et contradictoires" qui ont parfois
un certain succès de curiosité. La méthode
employée pour ce type de manifestation est toujours la
même. On invite un nouveau converti à l'anticléricalisme,
si possible un ancien prêtre ou un ancien religieux. Il
parle avec véhémence. On demande des contradicteurs
et s'il s'en trouve on ridiculise leur intervention.
C'est ce qui se passe le dimanche 20 septembre 1903, au théâtre
de Montbrison, avec "la citoyenne
Marie Murjas, ex-religieuse trappistine" (41)
. La conférencière parle devant une salle bondée
des "turpitudes de la vie monacale" selon l'expression
du Montbrisonnais. On demande
s'il y a un contradicteur :
Personne ne se présente... ah
! pardon ! un jeune éphèbe stylé par la gent
cléricale - mais fort mal stylé il faut en convenir
- s'avance les yeux dévotement fixés sur un carnet,
façon bréviaire, qu'il tient entre ses deux mains
et commence à lire péniblement diverses questions
qu'on lui a écrites et qu'il doit faire : mais hélas
! le contradicteur est si pitoyablement comique qu'il est accueilli
par un formidable éclat de rire... (42)
*
* *
La
contre-offensive des catholiques
La riposte
de l'Eglise, sur le plan local, va s'organiser sous l'impulsion
de jeunes vicaires dynamiques des paroisses de Notre-Dame et de
Saint-Pierre. Ils s'appuient sur les "bonnes familles"
de la ville (43) et ont trois objectifs
principaux : regrouper et encadrer des fidèles désemparés
dans les mouvements d'action catholique, diffuser la presse favorable
à l'Eglise pour combattre les idées antireligieuses
et enfin magnifier les aspects extérieurs du culte pour
redonner confiance au peuple chrétien.
Les mouvements et uvres catholiques
Des mouvements apparaissent et touchent de larges secteurs de
la population. Dès 1898, l'abbé Planchet, de Notre-Dame,
crée le patronage Saint-Louis.
Les P'tits fifres montbrisonnais,
société fondée en 1907 par l'abbé
Seignol, vicaire à Saint-Pierre, ne tardent pas à
rassembler une centaine de membres. Les P'tits fifres ont des
activités variées (musique, sport, théâtre...)
et un rayonnement certain et durable. La société
ne disparaîtra que dans les années cinquante après
un demi-siècle d'existence (44).
Le Cercle d'études sociales de
Notre-Dame organise, en 1908, la
société des Jardins ouvriers,
sur le modèle de ce qui a été fait à
Saint-Etienne par le père Volpette, de la Société
de Jésus (45). Il s'agit de
combattre la misère mais aussi de détourner l'ouvrier
du cabaret et des idées qui s'y colportent.
En 1910, un jeune prêtre montbrisonnais, le père
Percher fonde l'uvre des Petits
bergers du Forez pour l'éducation et la défense
des adolescents placés dans les fermes de la Plaine. L'uvre
a un bureau de placement, un périodique et une vingtaine
de sections éparpillées dans l'arrondissement (46).
Cet effort de regroupement se prolonge même dans le secteur
mutualiste. La société de secours mutuels des Ouvriers
réunis de Montbrison étant devenue suspecte,
une scission se produit en 1907. L'Union
montbrisonnaise, qui se détermine comme apolitique,
s'organise avec M. Rony comme président.
En même temps les paroisses aménagent des salles
d'uvres qui deviennent de petits centres de loisirs. La
salle Saint-Pierre, rue du Collège sera à la fois
gymnase, salle de spectacle et foyer ; elle est bénie le
22 mars 1908. Peu de temps après Notre-Dame fait construire
le Lux qui deviendra par la
suite le cinéma Rex.
La Bonne Presse
L' uvre dite de la
Bonne Presse prend une importance nouvelle. Elle a
deux objectifs : diffuser la presse nationale catholique (La
Croix, Le Pèlerin), créer et faire vivre
des bulletins paroissiaux.
Dès 1906, Notre-Dame a une feuille paroissiale paraissant
chaque dimanche et intitulée Supplément
paroissial du Canton de Montbrison. Son tirage atteint
800 exemplaires en 1908. Le bulletin de la paroisse Notre-Dame
d'Espérance est bientôt imité : Saint-Pierre,
à Montbrison, Sury, Saint-Rambert, Boën, Saint-Marcellin,
Saint-Georges-en-Couzan... Chaque année des almanachs paroissiaux
sont édités.
Ces modestes publications ont le mérite d'occuper le terrain.
Outre les articles de fond qui condamnent vigoureusement la politique
anticléricale du régime, la franc-maçonnerie,
la libre pensée , les "mauvais journaux" (comme
le Montbrisonnais), elles contiennent des échos
de la vie de la paroisse (activités des uvres, résultats
scolaires des écoles libres...), un peu d'histoire locale,
et même des conseils d'hygiène et d'économie
domestique.
En 1907, le comité de l'uvre
de la Bonne Presse fait vendre dans le canton de Montbrison
150 Croix de Paris chaque
jour et, chaque semaine : 600 Pèlerin,
280 Croix du dimanche et 600
Suppléments.
Manifestations pacifiques de foi, de religion
et de piété
Un effort est réalisé pour donner de l'éclat
aux manifestations religieuses. La fête-Dieu de 1907 doit
être particulièrement réussie. Le bulletin
paroissial lance un appel :
Cette
année plus que jamais il faut que la Fête-Dieu soit
dans toutes les paroisses une réparation solennelle et
publique de toutes les vilenies : profanation, attentats, inventaires,
confiscations et tout ce qui a été commis contre
Dieu et ses églises à la suite de l'Apostasie publique
et nationale que voulait faire la Séparation....
(47)
Tout se passe fort bien :
Sur le parcours, presque toutes les maisons
étaient pavoisées... Une escorte très nombreuse
d'hommes et de jeunes gens servait de Garde d'honneur au Jésus
de l'Hostie... Il y a un concours
de paroissiens plus considérable même que d'habitude
selon le rédacteur du bulletin
qui, parfaitement rasséréné conclut : Notre
ville aime ces manifestations pacifiques de foi, de religion et
de piété (48).
On fête solennellement Jeanne d'Arc et la traditionnelle
procession du vu de ville si décriée par les
anticléricaux (49) est remise
à l'honneur.
Un important groupe de Montbrisonnais se joint aux 4 000 pèlerins
du diocèse de Lyon qui vont à Lourdes dans sept
trains spéciaux pour fêter le cinquantenaire des
apparitions (1858). Lourdes est l'occasion de battre en brèche
les rationalistes et de montrer la foi d'un peuple entier :
Les impies disent : la Religion, les
Miracles, l'Ame, c'était bon pour autrefois, mais maintenant,
au siècle de la science !... Lourdes répond : tout
cela est encore bon aujourd'hui, plus nécessaire que jamais,
et les malades que votre science médicale abandonne viennent
ici se faire guérir, sans parler de cette multitude d'âmes
malades qui retrouvent ici la vie, la foi et la pratique chrétienne
(50) écrit le rédacteur du bulletin paroissial.
*
* *
La
libre pensée montbrisonnaise :
une influence limitée et passagère ?
Est-il
possible après quatre-vingts ans seulement d'esquisser
un bilan de l'action de la L. P. ? Faisons-le provisoirement et
prudemment.
Après le choc de la Séparation, la L. P. redouble
d'activité et connaît un certain essor. Cependant,
pour toute la région montbrisonnaise, les adhérents
sont moins d'une centaine dont seulement deux ou trois douzaines
de militants. Après avoir marqué quelques points,
la société, victime de ses propres outrances s'assoupit.
La Grande Guerre arrive et croyants et athées souffrent
et meurent côte à côte dans les mêmes
tranchées.
Dans le domaine scolaire elle n'atteint pas ses objectifs. Les
frères des écoles chrétiennes et les surs
Saint-Charles maintiennent leurs établissements (qui existent
encore aujourd'hui). Le petit séminaire devient l'Institution
Victor-de-Laprade.
Les surs augustines continuent leur service à l'hôpital
et le couvent des Clarisses n'est pas fermé. Pendant cinquante
ans encore, il y aura des processions de Fête-Dieu. C'est
la circulation automobile, d'ailleurs, qui a fait disparaître
ces cérémonies et non l'action de la L. P.
Sur le plan politique, le radical Pierre Robert
(41) devient député puis sénateur
mais Le Montbrisonnais a disparu.
Au conseil municipal la gauche anticléricale ne réussit
pas à s'imposer et l'avocat Louis Dupin, que le Montbrisonnais
traitait de "processionneux"
va devenir pour de longues années maire de la ville (52).
La déchristianisation se poursuit lentement. Pourtant l'agglomération
montbrisonnaise conserve un nombre relativement élevé
de pratiquants. Les gens glissent vers l'indifférence et
non vers l'athéisme militant. L'Eglise ayant beaucoup perdu
de son triomphalisme, l'anticléricalisme, qui reste une
donnée culturelle dans quelques milieux, a un discours
qui n'intéresse plus guère. D'ailleurs, ce n'est
plus une ligne de partage entre la droite et la gauche.
L'influence de la L. P. dans notre ville semble avoir été
limitée et peu durable. Les convictions de chacun ne sont
plus sujet de disputes. C'est heureux si la tolérance et
le respect de l'autre y gagnent.
Joseph
Barou
(extrait
de Village
de Forez, n°
31 juin 1987)
(1) Le journal anticlérical La Raison
(fondé par le prêtre défroqué
Victor Charbonnel et par Henry Bérenger) est à l'origine
du congrès international de la libre pensée de Genève
(1902). En 1903, il y eut un congrès en France d'où
naquit l'Association nationale des libres penseurs de France.
(2) Au congrès national de la L. P. de 1906, 170 délégués
représentent 145 groupes locaux.
(3) Cité par Jean Marie Mayeur, Histoire du peuple français
(tome V) : Cent ans d'esprit républicain, 1967, Nouvelle
librairie de France.
(4) Aux élections municipales de mai 1904, la liste républicaine
démocratique comprend 5 conseillers sortants : le docteur
Henri Lhote, Jules Sandillon, marchand de vins, Pierre François,
malteur, Jacques Vernay, propriétaire et Rousson. La liste
n'obtient aucun élu.
(5) Claude Chialvo : né à Montbrison le 28 mai 1853,
fils de François Nicolas Barthélémy Chialvo,
limonadier, place Chenevoterie ; mort à Meyzieux (Isère)
le 19 mai 1913.
(6) Notice nécrologique publiée par Le Montbrisonnais
du 17-10-1903.
(7) Notice nécrologique publiée par Le Montbrisonnais
du 17-10-1903.
(8) Notice nécrologique publiée par Le Montbrisonnais
du 17-10-1903.
(9) Ibid.
(10) Assemblée générale du 31 janvier 1904.
Le Montbrisonnais du 20-02-1904.
(11) Assemblée générale du 26 mai 1907. Le
Montbrisonnais du 01-06-1907.
(12) Assemblée. générale du 13 janvier 1907.
Le Montbrisonnais du 19-01-1907.
Funérailles civiles dont le compte rendu figure dans le
Montbrisonnais
- 13 oct. 1903, Auguste Charpiot, publiciste, Montbrison,
- 31 déc. 1903, Edmond Gagnepain, Saint-André-le-Puy,
- 14 fév. 1904, Barthélemy Goyet, fils d'un hôtelier,
Montbrison,
- En oct. 1904, Antoine Beysson, Chenereilles,
- 20 juin 1905, Valentin Donnet, assureur, ancien sous-officier
de gendarmerie, Montbrison,
- 27 oct. 1905, Fleury Noally, Moingt,
- 29 nov. 1905, Marie Gidon, épouse.Rouffaux, cordière,
Montbrison.
(13) Le Montbrisonnais du 2-12-1905.
(14) Le Montbrisonnais du 2-11-1907.
(15) Jacques Vernay (1857-1906) : né à Renaison,
propriétaire à Montbrison, officier d'académie,
administrateur des hospices, membre du bureau de bienfaisance,
ancien conseiller municipal de Montbrison, délégué
cantonal, président de la Ligue des Droits de l'Homme,
président du Sou des Ecoles, président des Conférences
populaires, président d'honneur de la Philharmonique, fondateur
et vice-président du Comité républicain démocratique
(1 500 personnes participent à ses funérailles).
(16) En 1904 et 1905, instituteur à Lérigneux, auteur
de poèmes, romans et de chroniques. Le presbytère
sanglant est publié en 1907 et 1908 dans le Montbrisonnais.
(17) Le Montbrisonnais du 17-10-1903.
(18) Le Montbrisonnais du 20-02-1804.
(19) Le Montbrisonnais du 24-06-1905.
(20) Eugène Benoît Relave (né à Montbrison
le 1er oct.1823, décédé à Montbrison
le 20 nov. 1906) : vieux militant républicain. Fils de
Victor Pierre Alexis Relave, receveur des contributions indirectes
et de Françoise Méjasson. Il choisit la carrière
des armes. Alors qu'il est sergent-major il prend part aux protestations
des républicains contre le coup d'Etat napoléonien
du 2 décembre 1851. Cassé de son grade, emprisonné
durant quelques mois, il est finalement envoyé en Afrique.
De retour à Montbrison, il devient libraire. Le 4 septembre
1870, il se trouve parmi le petit groupe de républicains
qui proclament la République à la sous-préfecture
de Montbrison.
(21) Hebdomadaire de droite, catholique, de Montbrison, dirigé
par M. de Saint-Pulgent.
(22) Le Montbrisonnais du 24 novembre 1906. Les obsèques
de Relave avaient eu lieu le 20 novembre.
(23) Le Montbrisonnais du 8 décembre 1906.
(24) Le Montbrisonnais du 22-10-1904.
(25) Le Montbrisonnais du 29-10-1904.(26)
(26) Supplément paroissial
du canton de Montbrison, 18 juillet 1909.
(27) Supplément paroissial du canton de Montbrison,
17 novembre 1907.
(28) L'Avenir Montbrisonnais du 30 avril 1905.
(29) Le Montbrisonnais du 6 mai 1905.
(30) Le Montbrisonnais du 6 mail 1905.
(31) Le Montbrisonnais du 1er juin 1907.
(32) Le Montbrisonnais du 22 octobre 1904.
(33) Le Montbrisonnais du 6 octobre 1906.
(34) Au convent de 1892, le Grand Orient de France avait adopté
un texte affirmant : la Libre-Pensée, complément
et prolongement de la Maçonnerie, doit trouver asile dans
ses temples (cité par Alec Mellor, Histoire de l'anticléricalisme,
p. 373). Au moment où Emile Combes accède au pouvoir,
le Grand Orient exerce une influence prépondérante
sur le régime ; selon l'expression d'Alec Mellor, il
est devenu le cerveau de la République, le véritable
gouvernement.
(35) Ecole Saint-Aubrin, rue du Collège et Ecole Saint-Joseph,
rue des Arches.
(36) Le Montbrisonnais du 22 octobre 1904.
(37) Le Montbrisonnais du 6 octobre 1906. La L. P. n'a
pas obtenu satisfaction, le monastère Sainte-Claire est
encore bien vivant aujourd'hui.
(38) Le Montbrisonnais du 4 juin 1910.
(39) Le Montbrisonnais du 19 octobre 1907.
(40) Ibid.
(41) La L. P. était alors en cours de constitution. La
réunion est présidée par M. Delhomme, secrétaire
du groupe central de la jeunesse socialiste de Saint-Etienne.
Prix d'entrée : 0,30 F, les dames paient demi-tarif et
les enfants accompagnés entrent gratuitement (Le Montbrisonnais
du 26 septembre 1903).
(42) Le Montbrisonnais du 26 septembre 1903.
(43) Au congrès des catholiques de la Loire, à la
fin de 1907 ; MM. de Meaux et de Jerphanion représentent
les oeuvres paroissiales de Montbrison ; Mme de la Bâtie
est la grande bienfaitrice des paroisses de la ville.
(44) Cf. J. Barou, "Les débuts des P'tits fifres montbrisonnais",
Essor du Forez, n° 1785 à 1791, janvier et février
1981.
(45) Cf. J. Barou, "Soixante-quinze ans de bonnes récoltes
: les Jardins ouvriers de Montbrison (1908-1983)", Village
de Forez, n° 15, juillet 1983.
(46) Cf. J. Barou, "Un aspect du catholicisme social : l'uvre
des petits bergers du Forez (1910-1914)" , Patois Vivant
n° 8, mai 1981.
(47) Supplément paroissial du canton de Montbrison,
n° 64 du 2 juin 1907.
(48) Supplément paroissial du canton de Montbrison,
n° 65 du 9 juin 1907.
(49) Le Montbrisonnais du 16 avril 1904 se moque des conseillers
municipaux qui osent participer à cette cérémonie
en les traitant de "Processionneux" : Il y avait
là , messire Chialvo, flanqué de ses deux adjoints
Rigodon et le républicain (!) Menu - puis Brassart, Dupin,
Hatier, Lafond, Jacquet, toute la blanche cohorte...
(50) Supplément paroissial du canton de Montbrison
du 28 avril 1907.
(51) Pierre Robert, né à Montbrison le 17 mai 1875,
député de 1914 à 1927, sénateur de
1927 à 1940, sous-secrétaire d'Etat aux P. T. T.
du 14 juin 1924 au 10 avril 1925.
(52) Louis Dupin, avocat, élu conseiller municipal en 1892,
il remplit les fonctions de maire de décembre 1914 à
avril 1918 (en remplacement du docteur Rigodon, ancien médecin
militaire, qui avait demandé et obtenu de reprendre du
service pendant la durée de la guerre, quoique âgé
de 66 ans), élu maire de Montbrison le 11 décembre
1919. Il restera maire de la ville jusqu'à la nomination
du docteur Jean Vial, le 18 juin 1943.
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Documents
Le Montbrisonnais du 23 avril 1898
à propos de la procession du Voeu de Ville de Montbrison :
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Journal de Montbrison du 26 août 1911
Le Bulletin paroissial de Notre-Dame et la Libre pensée
Bulletin paroissial
de Notre-Dame-d'Espérance
n° 360 du samedi
18 janvier 1913
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Deux
tracts de la Libre pensée montbrisonnaise
(les réunions se tiennent au cinéma
Le Royal, ex-chapelle des
Pénitents)
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La
guerre de 1914-1918 met en sommeil
la société de Montbrison
(Le
Montbrisonnais
du 20 février 1915)
Conception
: David Barou
; textes et documentation : Joseph
Barou